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Dès qu'ils ferment les yeux, la plupart des écrivains retrouvent leur enfance. C'est l'abandon délicieux au cours des souvenirs, sans la contrainte et le carcan de la fiction.
Jean Freustié, le romancier cruel, presque féroce, de Marthe ou les amants tristes, de Ne délivrer que sur ordonnance ou de L'autre été, cède ici la place au mémorialiste. Il se livre tout entier ; l'ironie qu'il mêle à ses propos n'est même plus un masque : on dirait qu'elle naît, tout naturellement, du monde qu'il décrit.
Aux balcons du ciel, c'est un conte de fées, sans Carabosse ni Merlin, simple enfance d'un heureux petit bourgeois, dans une ville de province, au lendemain de la guerre de 1914. On y « reconnaît » - comme s'il racontait notre histoire - un grand-père « gâteau », une mère incomprise, un père volage, des vacances à Royan, à Biarritz, au Cap Ferrat, une bonne odeur de confitures et de linge propre, la clique municipale, un sombre collège qui fait peur, le fils du Cheik fascinant et muet, les postes à galène, une Chenard et Walcker qui vrombit et pétarade, L'Épatant, L'Illustré, les réglisses à deux sous...
En somme, passé huit ans, la vie ne vaut plus la peine d'être vécue. « Au-delà, ce ne sont plus qu'histoires d'adolescent, histoires d'amours, beaucoup d'histoires pour rien ; et le temps a perdu sa saveur. » Mais il est rare qu'un écrivain réussisse à la restituer avec cette acuité, cet humour, ce bonheur d'expression, et cette liberté comme ingénue.
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