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Une usine qui ferme dans les Vosges, tout le monde s'en fout. Une centaine de types qui se retrouvent sur le carreau, chômage, RSA, le petit dernier qui n'ira pas en colo cet été, un ou deux reportages sur France 3 Lorraine Champagne-Ardenne, et «basta». Sauf que les usines sont pleines de types n'ayant plus rien à perdre. Comme ces deux qui ont la mauvaise idée de kidnapper une fille sur les trottoirs de Strasbourg pour la revendre à deux caïds qui font la pluie et le beau temps entre Épinal et Nancy. Une fille, un Colt .45, la neige, à partir de là, tout s'enchaîne.
Ce livre est le premier roman de Nicolas Mathieu, célèbre parce qu'il a obtenu le prix Goncourt en 2018 avec Leurs enfants après eux. ! Martel et Bruce n'ont pas une vie facile. Quand l'usine qui les emploie dans les Vosges ferme ses portes, ils ont un jour la mauvaise idée d'enlever une fille pour le compte de voyous locaux. Un roman noir assez juste. Aux animaux la guerre est un livre profond sur l'ascenseur social en panne...
Sur fond de fermeture programmée d’une usine d’équipement automobile dans les Vosges, Nicolas MATHIEU brosse le portrait acerbe d’une classe ouvrière qui disparait dans une indifférence générale.
Ce roman raconte, à travers plusieurs personnages liés soit directement, soit par leur famille, à la fin inéluctable de Velocia, un équipementier automobile. A la suite de récurrentes pertes financières, l’usine va fermer parce que « c’est ce que les usines font » avec tout ce que cela entraîne comme désespoir et comme colère.
Les ouvriers qui ont été élevés par leurs parents, ouvriers avant eux, à une époque où l’on disait « c’est le travail qui fait le bonhomme », sont désemparés de se voir arrachés à « ce monde de peine et de réconfort qui n’a cessé de rapetisser ». Si leur passé fut solide, leur présent s’effrite et leur avenir est plus qu’incertain.
En parallèle de ce drame social, la jeunesse vit une adolescence désœuvrée, en marge des guerres que vont perdre leurs parents, dans un hiver vosgien qui n’en finit plus. Les conséquences ne sont pas encore là pour eux.
La construction de ce roman est très habile car on observe la vie de ces personnages, arrivés ou nés dans la région, sans se rendre compte tout de suite que leurs différentes histoires sont en fait une seule et même histoire. Car progressivement, on comprend qu’ils ont tous un lien entre eux et que ce lien tourne autour de cette usine qui va fermer.
Des personnages durs qui se débattent avec leur vie, faite de résistance et de débrouille, qui auraient voulu qu’elle se passe autrement, s’il en avait eu le choix et qui auront comme seule consolation celle de se dire qu’ « un jour, la classe ouvrière avait existé. Ils pourraient en témoigner. Si jamais quelqu’un le demandait ».
Un premier roman, saisissant et sombre, où Nicolas MATHIEU révèle une grande maîtrise littéraire qu’il confirmera quelques années plus tard, avec le très beau prix Goncourt Leurs enfants après eux, digne suite de ce premier opus social.
Un premier roman vraiment prometteur, malgré quelques défauts. Un récit assez décousu, non linéaire ni chronologique qui perd parfois le lecteur et trop de personnages secondaires gravitant autour de l'intrigue sans jamais la rejoindre, même s'ils sont tous intéressants, et un prologue que j'ai trouvé inutile. Mais pour le reste, un beau roman social sur fond de fermeture d'usine au fin fond des Vosges, des ouvriers laissés sur le carreau par la délocalisation. Des fins de mois si difficiles que la fin finit par justifier les moyens, la violence sociale menant à la violence tout court. C'est dans cet engrenage infernal que vont être entraînés Martel, syndicaliste désabusé, endetté jusqu'au cou pour continuer à offrir à sa mère les conditions d'une fin de vie décente ; Bruce, intérimaire à l'usine, qui a plus de muscle que de cerveau, petite frappe au coeur tendre malgré tout ; et Rita, inspectrice du travail, empêtrée dans l'alcool et dans une relation compliquée avec son ex. Plus toute une galerie de personnages secondaires attachants. La fin est assez elliptique, après une montée en tension sur la fin.
Ce que j'ai particulièrement aimé dans ce roman, c'est qu'il nous montre avec beaucoup de justesse comment la brutalité peut côtoyer l'humanité. Il y a beaucoup de profondeur dans tous les personnages qui ne sont jamais ni caricaturaux ni manichéens.
Voici un premier roman, celui de Nicolas Mathieu, dont le nom vous sera sans doute connu par son prix Goncourt 2018 pour "Leurs enfants après eux". Comme pour son deuxième ouvrage, l’auteur a voulu créer un roman social, qui donne toute la place aux gens qui triment toute leur vie, exploités sans pouvoir lever le nez des tracas quotidiens. Ou alors qui tentent de s’en sortir comme Bruce à coup de plans soit-disant géniaux qui tournent court, ou comme Martel, devenu par la force des choses un délégué syndical qui a encore quelque poids, pour combien de temps ? Ou encore comme Rita, la touchante inspectrice du travail. Au cœur du roman, un plan de licenciement, un enlèvement, la Lorraine et la neige…
Beaucoup de personnages, sans doute, (je ne les ai pas cités tous) mais on s’y retrouve facilement, et une fin un peu déconcertante, c’est ce que je retiens, pourtant j’ai aimé découvrir à la fois une facette différente de l’auteur, un peu plus noire, et un style, qui se cherche et se trouve, déjà remarquable dans ce premier livre.
Aux animaux la guerre. J'ai acheté ce premier roman à sa sortie, il y a 4 ans, très intriguée par ce beau titre et l'image d'une usine en dessous dans l'édition chez Actes Noirs. le coup de coeur pour Leurs enfants après eux, du même auteur, a suscité l'envie de le relire.
Aux animaux la guerre donc. Un titre emprunté à un vers des Animaux malades de la peste ( La Fontaine ).
La peste, c'est la désindustrialisation qui frappe les Vosges, le chômage, le RSA, le déclassement qui attend les ouvriers victimes de la fermeture de leur usine qui délocalise où ça marne pour moins cher, la fin d'un monde dont personne ne sort vainqueur.
Les animaux, ce sont tous les personnages de ce roman choral, tous en perdition. Des ouvriers laissés sur le carreau, Martel, syndicaliste charismatique, Bruce, une brute sous cocaïne et stéroide, un vieux militant de l'OAS, un ado maladroit juste amoureux fou. Jamais caricaturaux, jamais manichéens même quand la violence économique explose en violence tout court, quand la violence sociale pousse Martel à des magouilles miteuses qui lui pète à la figure. Une prostituée slave enlevée qui disparaît.
Nicolas Mathieu a un talent fou pour camper ces personnages de perdants magnifiques, richement complexes, profondément humains même lorsqu'ils sont lâches et ridicules. Celui de Rita est le plus réussi, l'inspectrice du travail, rugueuse femme libre et cabossée à la fois, désenchantée par expérience mais y croyant encore.
J'ai lu et relu ce roman noir d'une traite, savourant particulièrement la truculence et la précision des dialogues, souvent drôles. Ok ce n'est pas aussi maitrisé que Leurs Enfants après eux. Sans doute trop de personnages qui gravitent autour de l'intrigue, certains se volatilisant laissant au lecteur une sensation d'inachevé. Mais on sent toute la puissance à venir de l'auteur pour la fresque sociale, politique même. La fin est superbe, pétrie d'empathie. Un excellent polar, très original.
https://hubris-libris.blogspot.com/2018/06/aux-animaux-la-guerre-nicolas-mathieu.html
Polyphonie. Les chapitres sont découpés en points de vues, se racontent à travers la vision d’un personnage. Ils sont multiples, différents mais l’égarement ne vient jamais. On se retrouve toujours, on admet facilement les liens entre chacun.
Situation géographique étonnante. Les Vosges. Nancy. Strasbourg. Des villes que je parcours, des lieux que je fréquente. Ma réticence à lire le livre se situe peut-être dans cette volonté de toujours m’éloigner de ce que je connais, de ne jamais y retrouver la réalité. Ici, la vérité se glisse entre les pages, ne prend jamais la tournure improbable de nombre de récits qui cherchent le grandiloquent, l’effroyable. On reste dans le vrai, on s’immerge à la vie des estropiés de la société. Pas de pathos, pas de hargne. Juste le désoeuvrement des Hommes. La fin. La lassitude.
Une usine qui ferme, des salariés envoyés au dépôt de leur vie. Syndicat et DRH sont sur le désaccord. Il faut trouver d’autres solutions pour arrondir les fins de mois, de quoi nourrir les marmots, ne pas sombrer, avoir le museau hors de l’eau devenue boueuse. Pourquoi ne pas accepter l’offre des Benbarek ? Une idée qui semble simple - capturer une fille, la garder, attendre les ordres et recevoir le pactole. L’enlèvement n’est qu’une excuse au polar, un fil conducteur qui permet aux personnages de se croiser. Des deux roublards responsables de l’enlèvement, à celle qui tombe malheureusement sur la victime, à ces frères - soeurs ou voisins des éclopés de l’usine, chacun prend part au récit, s’immisce et narre sa réalité noueuse. Tous malmenés, tous barbouillés d’actes noirs. Aucun n’est indemne. Et c’est leur parcours, leurs bosses, leurs stries qu’exposent les différents chapitres sublimés d'une plume tranchante.
Aux Animaux la guerre, c’est l'éventail d’une société ouvrière à la dérive, de villages qui s’écroulent après la fermeture d’une usine. C’est la fin, la déroute. Ça suinte l'horreur, l'ignoble sous le commun des vies de chacun.
https://animallecteur.wordpress.com/2016/08/30/aux-animaux-la-guerre-nicolas-mathieu/
Ce roman fait le tour de force d’être un polar sans en être un. Il y a des vols, une prostituée, un colt.45, de la violence mais pas d’enquête policière. C’est un véritable far west vosgien où se mêlent l’alcool, la drogue, les stéroïdes et les histoires louches sur fonds de neige épaisse et souvent plongé au cœur de la nuit épaisse.
Tout au long de cet hiver sombre, on assiste à la lente agonie d’un monde, celui de la classe ouvrière où chacun désenchante aux vues de la situation. Le destin de chacun de ces personnage s’entrecroise avec pour point commun une certaine noirceur et beaucoup de violence. L’auteur de tombe jamais dans la caricature, on a l’impression que chaque personnage est bien réel, qu’il existe pas loin de chez nous ce qui fait de Aux animaux la guerre un incroyable roman sociologique narrant une chute sans fin.
En plus de cela, l’écriture est très visuelle, on s’imagine très vite les lieux et les personnages et surtout la tension est constante, j’ai passé les 100 dernières pages la mâchoire serrée… Et puis ce que j’ai aussi beaucoup apprécié c’est que ce roman n’est pas du tout moralisateur (classe ouvrière, alcoolisme, drogue, prostitution, racisme, …), le roman s’arrête et c’est tout, à nous d’imaginer la suite ou simplement de se contenter d’avoir fait un bout de chemin avec de sacrés personnages.
Dans les Vosges une usine est fermée par des patrons voyous, sous l'oeil inquiet du Secrétaire du Comité d'Entreprise, mauvais garçon lui aussi sous certains aspects mais qui a toute la sympathie de l'auteur et de l'inspectrice du travail. L'alcool, le froid et la précarité qui gagne du terrain comme une métastase dans un corps fatigué, c'est le polar noir le mieux outillé du moment, de par sa connaissance pointue du sujet et des êtres humains qui le subissent. C'est bien écrit, pas rébarbatif pour un sous et dans l'air du temps sans en devenir un cliché. Actes Sud est décidément une maison d'édition bien avisée.
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