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Au bout de ces routes se trouvaient des falaises dressées contre la mer. Un refuge isolé de la fureur du monde. Un havre où l'on ne connaissait pas la faim et où la vie, au-delà des linceuls, perdurerait longtemps encore.
Félix et Edgar fuient leur ville sans avenir autre que l'oppression. Tout les oppose, l'un est orphelin, l'autre héritier, mais l'amitié les lie. Dans un pays dévoré par la violence, la suspicion, la délation, ils prennent la route et tous les risques, avec l'espérance pour bouclier.
Éloi Audoin-Rouzeau excelle en peintre d'un monde en clair-obscur dans lequel la jeunesse combat, coûte que coûte, pour sa liberté.
J’ai adoré ce livre qui se lit comme un roman d’aventure. Le personnage principal se nomme Félix. Il vient de finir ses études et attend de savoir dans quel domaine il sera affecté. Étant orphelin, il s’estime chanceux d’avoir pu suivre des études à la Haute-Ecole. Il s’est notamment lié d’amitié avec Edgar, le fils d’un hiérarque.
Le flou temporel ne permet pas de dire à quelle époque se situe ce roman. L’auteur mêle passé, présent et futur. En ouverture, il a placé la déclaration constituante proclamée par l’Impératrice. On s’aperçoit que tout le monde surveille son voisin, que l’eau est rationnée. Bref que la liberté est toute relative. De grands tissus, les linceuls, sont tendus au-dessus des immeubles et des rues pour contenir la chaleur moite. L’ambiance est étouffante. Des espèces animales ont disparu. Certaines comme les grenouilles deviennent des mythes.
Un événement pousse Félix et Edgar sur les routes et les cours d’eau. Un voyage aux multiples rebondissements qui ne laissera que peu souffler nos deux héros assoiffés de liberté. Leur amitié sera essentielle dans cette aventure.
Quelle imagination ! L’auteur a inventé tout un univers, apparemment inspiré de son premier roman. Ce qui me donne très envie de lire également celui-ci. Il y a plusieurs couches mêlées habilement qui mettent en parallèle des périodes historiques ou des événements plus récents de notre société, le tout teinté d’onirisme. Les mésanges sont des milices et les choukas des hommes de police.
On pense parfois à Jules Verne. Ses sources d’inspiration sont Dino Buzzati et Franz Kafka entre autres. Le flou temporel permet de capter les angoisses contemporaines. Un roman foisonnant où il est question de repli nationaliste, d’obscurantisme, de régime totalitaire.
Lors de la rencontre VLEEL, l’auteur a également cité Laurent Gaudé pour son talent de conteur et Milan Kundera pour sa capacité à mêler les genres.
J’ai passé un excellent moment de lecture grâce à ce roman.
"Traqué, tu le seras toujours, Félix, et pour n'importe quelle raison, si tu restes dans ce pays. Suis-moi et nous serons bientôt libres."
Félix est un orphelin sans le sou, Edgar un hériter. Les deux amis vivent dans cet empire dictatorial, où chaque geste est surveillé et la délation un mode de vie. Edgar a soif de liberté, et, lorsque Félix découvre certaines vérités sur son histoire, il n'a d'autre choix que de suivre son ami. Les voilà partis sur les routes pour rejoindre la frontière, traqués et à la merci des étranges rencontres faites sur le chemin.
"Au bout de ces routes se trouvaient des falaises dressées contre la mer. Un refuge isolé de la fureur du monde. Un havre où l’on ne connaissait pas la faim et où la vie, au-delà des linceuls, perdurerait longtemps encore."
Si j'ai aimé le décor et l'atmosphère de ce roman, le final m'a un peu perdue. La fin est très évasive, l'histoire se dilue dans le brouillard. Ce n'est pourtant pas étonnant : tout est question de brumes et de lumières. La lumière du soleil tamisée par les linceuls tendus au-dessus des rues, ce climat étrange où les saisons ne sont plus les mêmes et où le ciel change, les scènes de nuit... Clair-obscur que ce roman.
Alors on est happés par ces nuances, par cette géographie altérée que l'on devine encore familière, par cette jeunesse qui peine à s'extraire de la peur. Décidément cette rentrée littéraire (en tout cas ce que j'en ai choisi) aura un goût de mise en garde...
C'est donc avec une pointe de déception qu'on voit les contours s'estomper à la fin, qu'on aurait aimé porteuse de plus de réponses peut-être, à défaut d'espoir.
Néanmoins, un très beau roman
Le décor futuriste de ce roman ne fait pas rêver, loin de là ! Un monde où les grenouilles et semble-t-il la plupart des autres animaux, domestiques ou sauvages ont disparu depuis si longtemps que leur existence passée est mise en doute et attribuée aux légendes qui se transmettent encore de bouche à oreille. Nous sommes donc dans une projection de l’avenir de notre monde, qui affiche clairement un état de régression technologique : les transports se font à dos de cheval (cette espèce a persisté) et l’utilisation de gaz émanant des zones putrides est une avancée réservée à des privilégiés.
Ce qui ne semble pas avoir beaucoup évolué, c’est la soif de conquêtes aux dépens de contrées plus faibles. L’impératrice qui règne en maître absolu sur son territoire, a des vues sur la Confédération proche. Elle ne tarde pas à lui déclarer la guerre et à mobiliser des conscrits. Les deux héros de l’histoire, Félix et Edgar, n’ont aucune envie de rejoindre les rangs de l’armée et prennent la fuite.
Le roman est consacré en grand partie à ce voyage pour atteindre la frontière, fait de rencontres plus ou moins amicales. Il est par contre peu fait allusion au cadre. On connaît un peu la configuration des grandes villes, dont on comprend à demi mots que les linceuls sont de piètres protections contre le soleil et la pollution ambiante, et quid de la vie quotidienne dans ce monde si restreint en biodiversité ?
L’intrigue reste interessante, mais une trop grande part est dévolue à cette fuite pendant laquelle hormis l’importance de se méfier de tout le monde, il ne passe pas grand chose.
Lecture agréable mais qui aurait pu aller plus loin dans l’analyse de cette période post-apocalyptique.
360 pages Phébus 17 Août 2023
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