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Il avait dit : ici, je n'en peux plus.
Avec toi je ne peux plus. alors après son accident, les semaines dans la chambre blanche, son retour à la maison pour la convalescence, ça a été comme une nouvelle chance pour elle, pour eux. elle a repris confiance et elle s'est dit, je serai celle qui donnera tout, des fleurs, mon temps, tout. pour que tout puisse recommencer. il y a, comme ça, des pages à couper le souffle. et des phrases d'autant plus envoûtantes qu'elles ont beau être longues, elles portent en elles le rythme de la coupure, brèches de la virgule mais aussi reprises de souffle par celui qui s'emporte.
Coupures et emportements d'un monologue schizophrène - et c'est là une réussite : restituer toute la schizophrénie qu'implique la douleur, qu'implique toute rupture, quand on veut encore ce que l'autre ne peut plus en vrais symptômes d'un deuil rétrospectif. amour et haine, espoirs et doutes, culpabilité. nelly kaprièlian, les inrockuptibles. laurent mauvignier fait admirablement parler les silences, sentir les hésitations, les doutes, la peur de la solitude, l'obsession du malheur.
On la voit, cette femme dans son manteau râpé d'un marron défraîchi, le cheveu mou, le visage ravagé d'angoisse, cherchant à deviner sur les traits apaisés d'un époux qui va de mieux en mieux le reflet d'un bonheur dont elle sera bientôt exclue. michèle gazier, télérama. rarement un écrivain aura donné une voix aussi forte à ce déchirement et à cette douleur qu'aucune raison n'allège ni console. une voix directe et nue, elle-même déchirée, qui ne cherche pas à prendre le relais de la réflexion, qui n'explique rien, qui se contente de pâtir.
Patrick kéchichian, le monde.
Long monologue intérieur d’une mère meurtrie par la désintégration de son couple.
Avec un phrasé emporté par de très longues mélodies de mots qui souvent caractérise le style d’écriture des romans de Laurent Mauvignier, la plume de l’auteur va fouiller dans toutes les zones du cerveau et du cœur, des faits cruels aux confins de l’espoir, des souvenirs si prometteurs à la résignation.
L’histoire de cette famille est non dite, pas racontée.
Elle se dessine derrière les ressentis. Seuls la dévoilent les expressions du chagrin, de la colère, de la violence, de l’amour et de la haine mais aussi les raisonnements de responsabilité qui forcent aux décisions courageuses d’abandon de tout espoir.
Au rythme d’un goutte à goutte, les mots tendent le texte par paliers successifs et colorent l’environnement de pauvres villageois laborieux, frustrés du manque de tout, cherchant en vain le bonheur dans un quotidien routinier et sans joie jusqu’à échouer dans la grisaille de cette vie amoureuse ratée pour finir. Une vie où on apprend à finir.
Une plume trempée dans la coupe amère du désenchantement qui sait talentueusement exprimer la douleur déchirante des êtres modestes offensés et désemparés par l’échec ingrat et décourageant d’une rupture faisant basculer une vie destinée au bonheur dans un quotidien obligé, morose et affligeant.
Bel écrit mais lecture vraiment sombre.
Et parfois j’ai comme une grande envie de ressortir un livre qui traîne dans ma pile à lire depuis des lustres....
À vrai dire en ce moment c’est constamment. Je regarde ces bijoux qui m’attendent et que je dédaigne au profit des nouveautés, et je me dis que STOP. Je veux prendre le temps de découvrir ces « déjà presque classiques » qui m’ont échappé à leur sortie.
Aujourd’hui c’est « Apprendre à finir » de Laurent Mauvignier, qui est passé entre mes mains, le Prix Inter 2001 (et oui le temps file ma pauvre Lucette...).
Un texte court donc rapidement lu mais qui me laisse un sentiment mitigé. Je ne sais dire si j’ai aimé ou pas. D’un côté j’ai été clairement gênée par le style (de longues phrases hachurées, un récit saccadé, une succession de pensées intimes, une ambiance pesante) et en même temps il y a tellement de puissance dans le long monologue intérieur de cette femme blessée en amour que je n’ai pas pu abandonner ma lecture.
J’ai eu l’impression de lire une prouesse littéraire, un exercice de style (parfaitement mené au demeurant) mais que l’auteur souhaitait mettre le lecteur à distance des sentiments de la narratrice. Finalement mon intellect a été plus stimulé que mon cœur. Étant une lectrice en recherche d’émotions, je ne peux que rester dubitative tout en saluant une écriture singulière.
Le récit est entièrement constitué d’un monologue intérieur, celui d’une femme trompée, dont le mari, suit à un accident, revient au domicile, handicapé et complètement dépendant d’elle. Elle organise toute sa vie autour de lui, le soignant et veillant à son confort, recouvrant peu à peu force et espoir d’être à nouveau aimée. Sauf qu’il s’agit d’un mensonge, que le lecteur le devine et le sait avant elle. Encore une fois, la force de l’écriture de Mauvignier c’est de rendre la pluralité des voix, des visions du petit monde de cette femme modeste et mère de famille, à travers le seul prisme de son regard. Il lui faut voir et comprendre ce que disent aussi les yeux de son fils aîné, plus lucide plus tôt.
Un extrait, une phrase…
Combien de temps il m’a fallu pour comprendre qu’au contraire c’était le bon moment pour que j’entende ce qu’il disait, pour entendre ce que ça voulait dire contre moi, ce qu’il aurait aimé que j’entende : maintenant tu baignes dans cet espèce de bonheur idiot, tu te vautres, là, dans tout ce mensonge, et tu as tout oublié, tout oublié, mais moi je n’oublie pas, je n’oublierai pas les dimanches où tu me suppliais de prendre mon vélo pour aller voir s’il était par chez elle parce que tu avais compris qu’elle habitait dans l’allée des Acacias puisque je t’avais dit que j’avais vu sa voiture là-bas, je n’oublierai pas ta tête, ta déconfiture et ta salive qui pourrissait dans la bouche, sur les lèvres, avec les colères que tu piquais contre nous pour un oui pour un non, quand tu t’en prenais au chien parce qu’il était toujours dans tes pattes et que tu lui jetais un coup de pied dans les côtes juste pour te calmer, oui, pour te calmer de ton air triste, tes cheveux qui tombaient dans tes yeux, de nous que tu traitais comme si on était des boulets, on était ton malheur, nous – je n’oublierais pas les soirs où il ne rentrait pas, je n’oublierai pas les jours où tu ne pensais pas à faire les courses et où on se réveillait tous les deux seuls le matin parce que ça voulait dire qu’il n’était pas rentré et que tu avais attendu toute la nuit, d’une pièce à l’autre, en marmonnant, en gueulant toute seule contre lui, contre ce salopard de bon dieu, tu disais y a pas de bon dieu pour moi et on entendait ça des heures, des heures avec tes larmes qui tombaient sur tes pas, sur la moquette, tes sanglots qui nous réveillaient en sursaut en pleine nuit… (p. 72-73)
la phrase court encore sur plus d’une page…
Pas certaine que ce soit le livre par lequel il faille commencer à s’initier à Mauvignier (peut-être commencer par Continuer) mais pour les mordus, c’est un indispensable.
Encore une belle réussite pour Mauvignier, qui décortique avec justesse et délicatesse les sentiments les plus intimes.
Dans le genre intimiste, belle réussite. Belle écriture, beau rythme.
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