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« C'était la superficie de notre appartement. C'est devenu celle de la prison mentale dans laquelle je me suis enfermé depuis qu'elle est partie.
J'avais vingt-cinq ans, elle s'appelait Olivia. Il ne m'a fallu que quelques secondes pour la remarquer et moins d'une nuit pour l'aimer. Il me faudra toute une vie pour l'oublier. »
Chronique issue de : https://hanaebookreviews.wordpress.com/2020/03/23/huit-metres-carres-hadrien-raccah/
Hadrien Raccah, vous le connaissez sûrement grâce à ses succès au Théâtre de la Madeleine. L’invitation (Gad Elmaleh, Philippe Lellouche) fait salle comble et Eric Dupond-Moretti à la barre met en scène un des plus grands virtuoses du barreau, Eric Dupond-Moretti en personne (voir chronique).
Premier roman donc mais certainement pas premier écrit. Très vite, le dramaturge a utilisé l’écriture comme un pouvoir (cf. podcast). Séduire une femme, rendre possible le rêve, explorer l’exotisme : ses mots transforment son quotidien en aventure.
Pour ceux qui connaissent H. Raccah via la frétillante et rocambolesque Invitation, le roman n’est pas du même registre.
Dans sa pièce, le dramaturge divertit le public avec des thèmes pourtant douloureux. Dans son roman, le romancier a des accents plus mélancoliques.
J’insiste sur mélancolique. Je n’ai pas dit triste, ni abattu ni sinistre mais mélancolique dans le sens de Saudade.
De ce mot portugais, il n’existe pas de traduction française littérale. Je laisse donc les mots d’Eduardo Lourenço, philosophe et écrivain portugais décrire cet état qu’on rapprocherait au mieux de la nostalgie : c’est une manière « d’être présent dans le passé, ou d’être passé dans le présent » (Mythologie de la saudade – Essais sur la mélancolie portugaise).
Intrigant n’est-ce pas ?
Benjamin est un père de famille, marié, installé dans son quotidien. A vingt-cinq ans, il a rencontré Olivia, une jeune brésilienne avec qui il a vécu un amour passionné dans son ancien studio de huit mètres carrés. Il se rappelle son amour et décrit un souvenir indélébile que la vie n’a pas réussi à estomper.
Le lecteur navigue dans les réflexions et les souvenirs du narrateur. Comme la pensée humaine part dans tous les sens, la structure est un peu floue et l’on se perd entre Passé et Présent ou entre Réel et Fantasme. Qui des deux a brisé le cœur de l’autre ? Benjamin se rend-il vraiment jusqu’au Brésil pour la reconquérir ?
De plus, la rupture amoureuse et l’oubli impossible du premier amour sont des sujets courants en littérature. Je me serai donc passée de certaines réflexions trop communes à mon goût comme la peur de l’avion habituelle.
Benjamin m’a peu émue mais j’ai aimé la manière dont l’auteur décrit son enfermement dans le passé. La mélancolie est un sentiment qu’on a en soi.
Benjamin chérit le passé, les gens du passé, l’Amour passé or, quoi de mieux qu’un premier chagrin d’amour pour évoquer cet état de mélancolie profonde ? Car se remet-on vraiment de sa première rupture amoureuse ? Tout ce qu’on vit après n’est-il pas motivé, marqué, déterminé par ce premier chagrin d’amour ?
Comme une cicatrice laisse des traces sur le corps, la rupture amoureuse marque nos choix à venir.
Pour Benjamin plus que les autres, il est pris dans ce passé qui le ramène à ses huit mètres carrés.
Une petite surface entre quatre murs, qui contient le souvenir d’un amour incommensurable.
La loi française impose neuf mètres carrés comme surface minimum par habitant. Dans ses huit mètres carrés, même si l’écriture d’Hadrien Raccah reste maîtrisée, je me suis sentie un peu tourner en rond.
« Olivia n’existait plus et j’oubliais le Brésil avec des femmes de mon quartier. Elles étaient toutes différentes ; brunes, blondes, petites, grandes, minces, grosses, intelligentes, futiles, attirantes, décevantes. Elles étaient toutes différentes et pourtant je ne faisais aucune distinction. Elles n’étaient que des corps, un moyen comme un autre d’oublier cet accent qui m’obsédait toujours, un peu malgré moi. Après leur avoir offert un ou deux verres dans un bistrot quelconque, j’allais chez elles le plus souvent, presque tout le temps. Je ne pouvais pas faire autrement. J’avais vingt-cinq ans, et les hommes de vingt-cinq ans ne peuvent pas habiter dans un petit appartement de huit mètres carrés, ce n’est pas convenable. Les hommes de vingt-cinq ans qui habitent dans un huit mètres carrés sont pauvres et les femmes des beaux quartiers (enfin de tous les quartiers) n’aiment pas les hommes pauvres. Ce n’est pas attirant, ce n’est pas désirable.
Je jouais mon meilleur rôle avec ces femmes-là. Je prenais la pose et déclamais des évidences avec une arrogance telle que ces mots insipides résonnaient comme de brillants discours. Je n’étais qu’un philosophe de troisième classe, un escroc pathétique mais j’avais du style et je parvenais parfois (et il y a dans ce parfois une modestie qui veut dire souvent) à mes fins. J’aimais par-dessus tout les quelques minutes qui précédaient l’acte final, ces instants suspendus où ces femmes montaient les escaliers avant d’ouvrir leur porte. La suite n’était qu’un jeu qui me lasserait bien vite. Après un bref moment de plaisir dérisoire, je devais subir leurs ennuyeuses confidences et leurs caresses sans amour. Je recherchais l’ivresse dans d’autres lits mais Olivia était là, toujours avec moi. Je ne voulais pas qu’elle disparaisse. »
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