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Zuzana Ihova

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    Couverture du livre « Et ils revêtirent leurs fourrures d'aiguilles » de Zuzana Ihova aux éditions Seuil

    Géraldine C sur Et ils revêtirent leurs fourrures d'aiguilles de Zuzana Ihova

    Les Éditions du Seuil ont effectué quelques petits changements, il y a quelque temps déja, au niveau de leur charte graphique et je trouve cela assez réussi ! Les couvertures sont davantage personnalisées et ont plus de caractère. Ce roman au titre improbable et à l’autrice tchèque en est un bon...
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    Les Éditions du Seuil ont effectué quelques petits changements, il y a quelque temps déja, au niveau de leur charte graphique et je trouve cela assez réussi ! Les couvertures sont davantage personnalisées et ont plus de caractère. Ce roman au titre improbable et à l’autrice tchèque en est un bon exemple, d’autant que le papier est également plus agréable à palper, l’objet au final plus souple et facile à manier. Zuzana Říhová est une autrice tchèque, professeure, spécialiste de la littérature tchèque, notamment sur l’avant-gardisme et modernisme tchèques. Elle est également spécialiste de l’œuvre de l’écrivaine et historienne tchécoslovaque Milada Součková.

    Le texte s’ouvre sur un vêlage dans une ferme des Sudètes tchèques, à Podlesí, en Bohême. Josef dit Pepa le fermier est à l’œuvre, Bohumil Novotny observe la scène, qui aurait pu être émouvante, mais qui prend un tour plutôt glaçant, l’autrice décortique la mise bas de façon chirurgicale. Quelques lignes à peine, et l’incompatibilité du nouvel arrivant avec son nouvel environnement est déjà palpable, Bohumil ne pensant qu’à se retrouver devant un tutoriel de vêlage sur YouTube, Pepa ne supportant plus les airs de citadin que le jeune homme se donne malgré lui. C’est une scène qui marque d’entrée de jeu, le sang coule à flots, la tension est à son comble, la souffrance des animaux envahit l’espace et le temps. Une scène qui donne le ton au reste du roman, et à son dénouement composé d’une scène presque à l’identique.

    Les mots sont forts, ils démangent jusqu’au sang – comme les prurits qui envahissent progressivement le corps de l’un et l’autre parent – et écorchent la sérénité du lecteur, ils évoquent des sentiments qui sont loin d’être tièdes, tout est dans la haine et la rage, le mépris, et le sang chaud qui coule de l’utérus de la vache incapable de mettre bas : tout est déjà dans cette première scène. La torture de la mise bas de la vache, la main humaine qui farfouille dans ses entrailles de l’animal à moitié mort dans Podlesí, une ville qui semble oubliée de tous et de tout. Le manque de sommeil induit des envies de violence, depuis une maison au fond d’une vallée, aussi inamicales l’une comme l’autre : la violence larvée de ce village, retenue par chaque être, chaque lieu, et qui ne demande qu’à se déchaîner. Ce sentiment délétère, cette atmosphère ne fait qu’aller crescendo à mesure que l’on fait connaissance avec les personnages, les villageois d’un côté, la famille pragoise de l’autre. Le malaise, la sensation d’étouffement, de cette craie qui crisse sur le tableau d’ardoise, n’est pas l’apanage de ces hommes et femmes un peu rustres, qui semblent tous avoir été amputés d’une partie d’eux-mêmes, qui ne savent que réagir à l’instinct. La famille, les parents et l’enfant, ne sont pas mieux lotis, le couple est en crise, alors même qu’ils portent le même prénom, les parents ne sont plus du tout en accord, l’enfant, porteur d’un handicap, creuse encore un peu plus le fossé qui s’est fait entre eux.

    Une tension dans le couple, entre les citadins et les villageois qui va crescendo et tourner au conte noir, avec de vrais prédateurs qui se fixent une cible et pourchassent leur proie jusqu’à la toute fin. Tout est joué depuis le début, le couple est déjà mal en point dès leur arrivée et dans cet environnement toxique, la famille va continuer à se décomposer. Podlesí est un village de chasseurs, où les rares touristes qui ont le malheur de s’y arrêter deviennent bien vite aux yeux des traqueurs des proies dont la survie se compte en heures, plus question de vivre là-bas. La femme, et l’enfant, y sont des proies de choix, l’anonymat du couple de parents dotés de prénoms classiques en tchèque rend cette histoire comme le modèle d’une société prédatrices où les rôles sont calqués, prédateurs d’un côté, proies de l’autre.

    Un conte perverti, Le petit chaperon rouge à la sauce Freddy Krueger, avec une bête qui rôde dont on ne connaît pas vraiment la nature, la parabole du mal, une entité insaisissable qui de larve se mue en une apothéose de scène, ou dans une parodie de conte, les habitants se dévoilent, lève le voile sur leur nature profonde dans un jeu de rôle macabre, dans lequel les limites et filtres sociaux sont tous abolis. Le journaliste tchèque Petr Fischer a eu, à mon avis, une lecture très juste et profonde du roman, venez lire, c’est par là. Ça glace le sang, et c’est diablement bien écrit !

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