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Tout en économie de mots et de moyens, Youcef Zirem dresse le portrait d'un pays en régression, totalement muselé par ses élites qui préfèrent profiter du pouvoir plutôt que de se mettre au service du peuple et du pays. Ce n'est pas nouveau, et l'Algérie n'est pas la seule à fonctionner comme cela, mais en tant qu'Algérien, il n'est pas facile ni sécurisant de le crier fort, la liberté d'expression y étant une notion peu développée. Le langage est sec, direct, parfois violent (le premier chapitre l'est incontestablement), l'auteur n'éludant pas les questions, ne passant pas outre la violence de la société de son pays. Les phrases sont courtes, les chapitres aussi et le livre également (140 pages). Malgré cette relative brièveté et la volonté du romancier d'aller droit au but, il ne fait pas l'impasse sur les belles descriptions d'Alger ou de la Kabylie et même des rues et des monuments parisiens.
Rien ne va dans la société algérienne, et pourtant, Youcef Zirem parle d'initiatives portées souvent par des jeunes gens qui cherchent à la faire bouger, de jeunes femmes belles qu'il décrit rapidement, à peine une silhouette parfois, mais qu'on imagine très vite et qui ne peuvent que jouer de leurs charmes pour s'en sortir. Son roman n'est pas manichéen, il y a des bons et des méchants dans les deux camps, tout cela est une question de personne et de force de caractère. De cela Amina et ses amies sont particulièrement bien dotées, des jeunes femmes a priori comme les autres qui révèleront leurs forces dans l'adversité, et pourtant elles restent "normales", absolument pas exceptionnelles et veulent le demeurer.
Grâce à sa brièveté ce roman est dense, bourré de références à la littérature française (Camus, Hugo, Char, Bobin,...) avec Pessoa (portugais) en prime. Beaucoup de dénonciations des connivences, des collusions et accointances entres les militaires et les barbus amnistiés qui s'achètent une seconde vie -ou qui la vendent très cher-, tout cela pour le pouvoir et l'argent. Certains n'hésitent pas à se lancer dans le commerce de l'alcool alors qu'ils sont censés ne pas en boire... Youcef Zirem parle aussi beaucoup des paradoxes des religieux qui ne boivent pas d'alcool, qui ne regardent pas les femmes et qui ne veulent pas qu'on regarde les leurs, mais qui dans le même temps, ne se privent pas de soirées arrosées et accompagnées d'escort girls qu'ils paient cher. Tous ces hommes de pouvoir clament haut et fort leurs préceptes religieux -qui ne sont évidemment qu'interprétation des textes en leur faveur- qu'ils s'empressent de bafouer en privé.
Youcef Zirem prône le respect de tous, de la femme en particulier qui, en Algérie, est considérée comme mineure toute sa vie. Son roman est très féminin, féministe, ses personnages de femmes sont très beaux, forts, sans doute inoubliables. Son écriture qui va à l'essentiel laisse passer tout le respect et l'admiration qu'il a pour elles, et même l'espoir qu'il place dans les femmes pour sortir son pays du marasme dans lequel il est plongé depuis longtemps, à la condition que celles-ci ne s'arrêtent pas de lutter dès lors qu'elles ont obtenu un poste pour elles.
Je n'ai pas pu dire la moitié de ce que contient ce très beau roman, je me suis sans doute répété et j'ai tourné autour du pot, mais le meilleur moyen pour vous en rendre compte, c'est de lire La porte de la mer (en plus le titre est magnifique, comme j'imagine, le coin du pays qu'il désigne). Je suis persuadé d'avoir découvert un grand auteur humaniste.
Les kabyles : un peuple pacifiste et pacifique, fière,insoumis, libre et dont Camus disait " ces hommes qui ont vécu dans les lois d'une démocratie plus totale que la nôtre, des hommes courageux et conscients chez qui nous pourrons sans fausse honte prendre des leçons de grandeur et de justice".
"Un peuple fière et farouchement indépendant". Albert CAMUS.
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