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C’est un récit à vif que nous livre Troy Blacklaws avec son roman Un monde beau, fou et cruel. D’une écriture fébrile et comme essoufflée, l’écrivain sud-africain, originaire du Cap, trace deux histoires parallèles, deux quêtes de liberté, deux destins qui se heurtent à la violence inouïe de sociétés sans répit.
Fuyant le Zimbabwe voisin, déchiré par les violences politiques, la misère grandissante et les conflits entre communautés, Jabulani Freedom, ancien professeur d’anglais engagé, se voit obligé de passer la frontière et de pénétrer en Afrique duSsud. Pour le salut de sa famille, qu’il a laissée là-bas, il espère trouver dans le pays de Mandela les opportunités que sa terre natale lui refuse désormais, parce qu’il a un jour émis une opinion.
On retrouve dans son histoire toute la douleur de l’exil, les illusions déçues, les espérances piétinées. Au rythme de phrases écrites et enchaînées comme s’il s’agissait de balles surgissant d’une arme, on suit en haletant la rencontre du professeur avec tout ce que l’Afrique du Sud compte encore d’injustices, d’inégalités et de déchirures.
Jerusalem, autre personnage majeur du roman, est un jeune étudiant "coloured" (père noir et mère blanche), passionné de littérature. Au bout de deux années peu productives d’une thèse consacrée à Gabriel Garcia Marquez à l’Université du Cap, il est envoyé par son père à Hermanus, pour y apprendre la débrouille sur le marché local et rapporter enfin un peu d’argent à sa famille décimée. Nul doute que la confrontation avec les bas-fonds de l’Afrique du Sud bouleverse sans aucune mesure ses maigres certitudes. Clochards, désœuvrés, dealers, trafics en tous genres, violences entre blancs et noirs malgré la fin de l’apartheid… et puis bien entendu, un amour impossible décrit par Troy Blacklaws avec tant de justesse et de sensualité qu’il laisse l’image d’une plaie trempée dans l’eau salée.
Deux histoires en parallèle qui nous jettent au visage l’incroyable dureté de cette Afrique du Sud qui peine à se reconstruire. En refermant ce livre, on a l’impression étrange d’avoir couru nous aussi sur les chemins de terre, croisant parfois dans la terreur une voiture remplie de nouveaux cow-boys armés jusqu’aux dents, des vagabonds en guenilles venus chercher l’espoir, des touristes aveugles aux trafics dont ils sont les moteurs, des hommes et des femmes qui se battent chaque jour pour survivre au milieu d’un monde beau, fou et cruel.
Chronique à retrouver sur : www.le-monde-en-nous.fr
Pour Douglas, vivre au Cap c'est grandir au paradis! Ses parents sont aimants, le soleil brille, il y a de bonnes vagues pour surfer et Marsden, son jumeau est toujours près de lui, immuable et rassurant. Tout bascule le jour de Noël 1976. La famille est réunie autour d'un barbecue, pendant que les femmes prennent le soleil, les garçons jouent au cricket. Quand son père lance une balle qui atteint Marsden à la tête, le monde s'écroule. Marsden ne se relèvera pas, il n'avait que 14 ans .Douglas va devoir apprendre à vivre seul. Coupable d'un accident, son père choisit la fuite. Sa mère démissionne de son poste d'enseignante et décide de quitter une ville et une maison pleine de souvenirs. Amputé d'un fils et d'un père, ce qu'il reste de la famille prend la direction du Karoo, région aride de l'Afrique du sud profonde et s'arrête à Klipdorp, village reculé, perdu dans le désert. Avec son look de surfeur et ses idées libérales, Douglas n'y est pas le bienvenu. Tête de turc des élèves de sa classe, il trouve heureusement un peu de réconfort auprès de Moses, le vieux pompiste noir du village et de Marika, une fille aux allures de gitane qui essaie d'échapper à la tyrannie d'un père raciste et violent.
Comment un adolescent peut-il survivre à la perte d'un frère? Comment faire son deuil quand le disparu était votre portrait et que son image, fugace, se reflète dans un miroir, apparaît au fond d'un verre? Quand il se regarde, Douglas voit Marsden...Est-ce pour ne plus voir le fils qu'il a tué dans le fils qui lui reste que le père a préféré fuir? Déjumelé, selon son propre terme, Douglas est aussi en exil, loin des paysages familiers, loin de son enfance. Dans la sécheresse étouffante du Karoo, Douglas découvre aussi le vrai visage de son pays, l'injustice, la violence faites aux noirs. A Klipdorp, village afrikaaner, l'apartheid n'est pas une vue de l'esprit mais un système qui donne aux blancs le droit de vie ou de mort sur des noirs traités moins bien que le bétail. Confronté à la haine ambiante et à ses propres lâchetés, Douglas va grandir avec l'idée de retourner au paradis, de revoir Le Cap et l'océan.
Roman d'apprentissage, chronique d'une enfance dans un pays clivé, Karoo boy est une histoire sombre et âpre, qui prend aux tripes et laisse dans le coeur la trace amère des injustices dont la vie est coutumière.
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