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Tiery Bourquin nous livre ici un premier roman dérangeant, difficile, exigeant de lui-même autant que de son lecteur. Le sujet, l’amour incestueux d’un frère aîné pour son cadet, est périlleux tant le tabou est fort, ancré irrémédiablement.
Le risque aurait été de s’en détourner, effarouché, révolté, choqué. Et pourtant, il ressort de ce livre une émotion particulière, une grande force. Les mots transcendent ce qui mis à plat aurait pu paraître trivial ou malsain et nous éloignent résolument du sordide pour toucher le plus profond de l’âme et de ses tourments, ses déchirements, ses espoirs, ses bonheurs suivis de désespoirs. La liberté de l’écrivain ne se monnaye pas, elle est une, entière, redoutable.
Le bien et le mal, tels que nous l’entendons, n’ont rien à faire là-dedans.
J’ai été touchée par ce texte, souvent lyrique et poétique, parfois cru et dérangeant, sans concession envers qui que ce soit. Les mots se pressent sous la plume de Tiery Bourquin, donnent parfois l’impression de tourner en rond, blessés, hurlant leur rage, pour revenir apaisés, sûrs de leur fait, du but à atteindre, l’art et rien d’autre sous l’égide des maudits, Baudelaire, Rimbaud, Lautréamont, et le reste n’a finalement que peu d’importance.
Extraits :
« Ecrire puis partir : ce serait l’idéal, ou du moins courageux. Un écrivain c’est quelqu’un qui pense son temps à partir et le passe à retarder l’heure du départ. (…).
De là, l’exigence de rester un enfant, dans sa vie comme en littérature, car l’enfant ne craint pas d’être déshabillé. »
« Je ne sais pas si en marchant je planais au-delà de l’espace et du temps, dans un second Paris au-dessus du premier, ou si au contraire tout était plus souterrain. J’avais en tous les cas le sentiment d’entrer pour la première fois dans Paris, dans un Paris historique et de légende.
(…)
Les murs des maisons semblaient avoir été blanchis et recouverts de plâtre, et la lumière des réverbères s’être affaiblie et changée en la flamme d’un flambeau de cire ou d’une lanterne portés dans l’obscurité. Les rues rétrécissaient, leurs trottoirs avaient disparu, et l’on ne rencontrait plus aucun piéton sur le pavé. J’entendais le grincement d’enseignes, alors que je cherchais en vain le nom des rues, pour me situer. Les habitations ne portaient pas de numéro. Des statues de plâtre ou de bois nous regardaient passer du fond de leur niche et guidaient les pas de l’être mystérieux que je suivais, au cœur d’un domaine en apparence paisible et sans danger, et qui semblait contenir Paris tout entier. »
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