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Gustave Courbet est mort depuis longtemps, depuis 1877 exactement. Et pourtant c'est lui qui s'adresse à nous tout au long de ce roman.
Lui qu'Elle a appelé de toute son âme pour venir l'accompagner dans sa vie de jeune fille amoureuse, de jeune femme mariée à George, qu'elle aime à la folie, mais qui ne le lui rend pas vraiment.
Amour féroce, amour toxique, amour soumission, mais amour passion.
C'est Courbet qui nous en parle, évoquant à la fois sa vie à Elle, et ses œuvres à lui.
Étrange spectre qui dit la passion, mais aussi la douleur de vivre avec un homme manipulateur. Qui nous parle d'Elle à travers ses tableaux. Enterrement à Ornan, dans l'atelier, l'origine du monde, pour ne citer qu'eux. D'ailleurs une liste bien utile nous les remémore en fin de roman.
Je n'avais pas lu le premier livre de Thael Boost, qui évoquait sa mère. Mais j'en ai entendu beaucoup de bien. La rencontre au salon du livre de Levallois m'a donné envie de découvrir celui-ci.
C'est une étonnante idée, celle de faire vivre cette jeune femme par les mots d'un artiste singulier, et de nous les rendre proches tous les deux.
Tu l’as invoqué comme un ange gardien. Qu’il veille sur toi et cet amour avec George. Le magnétique et énigmatique George. Doux et terrifiant. Toxique, George?
Tu m’as appelé pour que je veille sur cette passion naissante, moi Gustave, l’anti conformiste, le moderne, le féministe.
Homme du 19eme siècle, j’erre dans ce siècle inconnu, en pleine mutation, témoin de ton histoire.
Still loving you résonne, la femme au perroquet en toile de fond, la voix de Thael qui murmure à mon oreille le souvenir de Gustave, George et toi, la jeune fille amoureuse. J’ai adoré ce roman, contemporain et romantique. Saturation est un roman sur l’amour, une ode à la liberté, un très grand tableau ! Gustave serait fier !
Que penserait Gustave Courbet de notre époque ? Lui, l’anticonformiste, le scandaleux, le sulfureux, celui qui place l’origine du monde là où personne n’ose regarder ? Thael Boost l’imagine, parmi nous et aujourd’hui. “Sans doute aurais-je aimé peindre les visages éreintés des caissières face aux caddies vomissant leur contenu sur les tapis roulants.”
Mort en 1877, il apparaît dans ce livre sous la forme d’un spectre. Il décide, un peu par hasard, un peu par intuition, de s'arrimer à une jeune fille. “J’ai immédiatement su que tu pouvais te revendiquer de ma lignée et j’ai senti la catastrophe qui s’annonçait.” S’il s’adresse à elle dans ce récit, il ne peut qu’observer, fantomatique et impuissant, sa muse tomber amoureuse de George. À mesure que les années passent, l’amour devient passion, excès, abus. Jusqu’à saturation.
En chaque scène il imagine un tableau. Avec un vocabulaire un rien désuet, quelques expressions nouvelles et un brin de prétention pas forcément posthume, il pointe les similitudes - plus que les différences - entre les deux époques. “Une fresque de rue, comment vous appelez ça déjà ? Ah oui, un tag !”
La fréquentation des modernes offre aussi à Gustave un nouveau point de vue sur sa carrière, ses éclats, ses amours, ses regrets - “bon sang, j’aurais dû y penser de mon vivant !” -, son amitié houleuse avec Charles Baudelaire, mais surtout sur ses œuvres, au rythme d’une toile par chapitre. Le roman expose la fougue créatrice qui éclabousse, au-delà du peintre, au-delà de l’art, au-delà de l’au-delà, les âmes passionnées d’aujourd’hui en quête de liberté.
Voici un très beau récit de Thael et un bel hommage à sa mère.
Rosy, 90 ans, est atteinte d’Alzheimer. Elle ne peut plus rester chez elle. Il faut qu’elle se résolve à vivre dans un établissement. On lui découvre aussi un cancer des seins. A son âge, les médecins ne font pas dans la dentelle, c’est l’ablation. On ne la voit plus comme une femme mais comme une personne âgée qui n’a plus beaucoup de temps à vivre.
Thael évoque ce moment où les rôles s’inversent. Désormais elle est la mère de sa mère. Elle s’occupe d’elle. Sa mère a toujours été un peu farfelue mais la maladie accentue certains traits de son caractère. Les souvenirs s’effacent, alors elle tente de les consigner. Elle se réjouit que sa mère la reconnaisse encore, même si parfois elle la confond avec sa tante ou une autre femme de la famille, d’une autre époque.
Elle raconte le quotidien en maison de retraite, la vieillesse, les petits plaisirs gourmands, les bons et les mauvais côtés de la maladie. Avec générosité, elle partage des souvenirs et des anecdotes sur sa famille. Certaines sont très drôles, j’ai bien aimé la façon de compter les jours en nombre de culottes !
Ce récit se lit comme un roman, à la fois drôle et touchant, nostalgique sans être larmoyant. A la fin du livre, on a juste envie de rencontrer Rosy et de manger une crêpe avec elle. Une sacrée femme !
Vous pouvez prolonger cette lecture et retrouver le quotidien de Rosy sur le compte Instagram Tête de Mum !
Bravo Thael pour ce premier livre dont j’ai apprécié la plume sensible.
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