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Être une Rock Star signifie-t-il encore quelque chose en 2020 ? Faites le test autour de vous, sondez les nouvelles générations, celles qui n'ont pas encore dépassé les vingt-cinq ans. Janis Joplin, Jimi Hendrix, Brian Jones, le mythique club des 27 pourtant revenu hanter les médias lors du décès prématuré d'Amy Winehouse, connais pas ! À l'heur d'Internet, ces noms ne semblent plus signifier grand chose, leurs mélodies ne se transmettent plus (à part pour une poignée d'irréductibles curieux) comme un trésor caché à redécouvrir incessamment. Le statut de Rock Star n'est plus. Il suffit de voir le désintérêt poli dans lequel David Bowie ou Prince nous ont quitté pour s'en rendre compte. Paul McCartney et Mick Jagger auront sans doute droit à un peu plus d'égard lorsque l'irréparable arrivera (le plus tard possible, on l'espère) mais quel sort réserveront les médias à un Roger Daltrey ou à un Steven Tyler ?
La disparition du statut de Rock Star (au profit de celui de Hip-Hop Star sans doute), Steven Tyler n'en a cure. Dans son autobiographie « Est-ce que ce bruit dans ma tête te dérange ? » paru en 2011, le chanteur d'Aerosmith démontre en un peu moins de quatre cent pages qu'il en est l'une des incarnations parfaites, que l'essence ô combien explosive de sexe, drogue et rock'n'roll continue de l'habiter même si l'âge aidant, ce colosse du rock commence à avoir de gros soucis avec ses pieds d'argile.
Plus habitué aux biographies qu'aux autobiographies lorsqu'il s'agit de lire des ouvrages sur la musique, j'avoue que je ne savais pas trop à quoi m'attendre. Steven Tyler étant connu pour son excentricité autant esthétique que vocale, je m'attendais à un décryptage détaillé des frasques forcément rock'n'roll d'un personnage hors norme et je n'ai pas été déçu sur ce point. La grande force de cette autobiographie repose sur l'aptitude surprenante du chanteur à revivre, état d'esprit compris, l'époque qu'il nous raconte. Chronologique, au premier abord, dans son approche, cette autobiographie multiplie les sauts dans le temps et se transforme régulièrement en un méandre incertain de souvenirs dont on finit par perdre le fil, le chanteur ayant sûrement été submergé par le flot d'anecdotes qu'il souhaitait raconter.
L'écriture, à deux mains (quatre s'ils sont tous deux ambidextres) avec un certain David Dalton demande un certain temps d'adaptation. Steven Tyler passe incessamment d'un registre de langue à l'autre, interpelle le lecteur, se perd dans ses interrogations métaphysiques sur le sexe, la musique ou et nous offre quelques jolis moments de poésie. Steven Tyler parle abondamment de drogue, de groupies, de ses excès en la matière et s'autorise pour l'occasion ce qu'on pourrait appeler du « baratin de rock star ». À force de vouloir légitimer ce statut légendaire qui l'obsède - « Aussi loin que je me souvienne, j'ai été une rock star, au sortir du ventre maternel, je réclamais déjà autre chose que tétons et biberons. Je suis né pour me pavaner et me bananer sur scène, remplir les stades, me bâfrer de substances, coucher avec trois groupies à la fois et donner mon nom à un barbecue (ah, non, ça, c'est Joe). Il fallait que la terre entière sache qui j'étais vraiment : Steven Tyler, le démon hurleur, le ténor terrorisant de la galaxie show-biz. Pour les ingrédients, prévoir un groupe qui tient la route, des titres qui claquent, et donc un alter-ego. Étais-ce beaucoup demander ? ». Le chanteur finit par devenir contradictoire, un peu incohérent et provocateur. À ce titre, l'anecdote quelque peu scabreuse sur Jimi Hendrix - qui lui donne d'ailleurs l'occasion d'un joli jeu de mot sur « Electric lady » - semble plus tenir de la légende urbaine que du fait avéré.
Il y a heureusement bien plus que cela dans « Est-ce ce bruit dans ma tête te dérange ? ». Tyler parle beaucoup de musique, de la sienne bien entendu, mais également de celles des autres dont il nous abreuve incessamment. Les chansons qui l'ont influencé, qui l'ont marqué, qui ont donné vie à certaines de ses propres compositions, un matériel solide qui donnerait lieu à une playlist longue mais néanmoins passionnante pour quiconque souhaite s'imprégner de l'essence d'Aerosmith car le groupe ne se compose pas uniquement de Steven Tyler, ce que lui-même a quelque peu tendance à oublier. Cette autobiographie n'est pas un règlement de comptes, mais en possède parfois les allures. L'autre moitié des « toxic twins », le guitariste Joe Perry en prend régulièrement pour son grade, tout comme les autres membres du groupe. Ils ne sont pas les seuls. Axel Rose, les groupes post-grunge et quelques autres prennent aussi quelques coups. Les tensions au sein d'un groupe font partie intégrante du processus de création et sont en conséquence largement abordées dans les ouvrages consacrés à une formation musicale, a fortiori lorsqu'elles jouent du rock. Toutefois, dans le cas présent, elles ne font qu'accentuer l'ego démesuré, la propension mégalomane d'un artiste qui semble vouloir tout contrôler.
Malgré ses incohérences, ses inconstances littéraires et le fait que Steven Tyler a parfois tendance à passer rapidement voire à occulter certains aspects de sa carrière que l'on aurait aimé mieux connaître - la collaboration avec RUN DMC résumée à une photographie entre autres ou le sens de certains morceaux - force est de reconnaître que le chanteur n'a pas son pareil pour charmer l'auditeur comme le lecteur. En dépit de son arrogance, parfois insupportable, et de ses errances philosophiques, quelque peu psychédéliques par endroit, le personnage - reste-il encore un peu de Steven Tallarico en Steven Tyler ? - est fascinant par sa personnalité, mais aussi par l'héritage musical qu'il laisse(ra ?) derrière lui. « Dream on », « Walk this way », « Seasons of Whiters », ou plus proches de nous « Cryin' », « I don't want to miss a thing », « Pink » témoignent en ce sens. Il l'est également par son humanité. Dans les derniers chapitres, alors que sa carrière musicale prend des allures de croisière pour retraités - le livre est paru en 2011 et à l'époque Aerosmith n'a pas sorti d'album depuis 2004 - Steven Tyler s'interroge sur sa vie, sur ses regrets, sur ses réussites mais aussi sur ses échecs tandis qu'on soigne ses « pieds d'argile ».
À bientôt 70 ans, Steven Tyler, malgré quelques soucis de santé, semble toujours prêt à en découdre avec son public. Le dernier album, « Music from another dimension » - date de 2012 et est passé relativement inaperçu chez nous, mais tout comme les Rolling Stones, si l'on veut tâter de la magie Aerosmith, il vaut mieux, je crois, la chercher du côté du live.
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