#RL2016 : 560 romans à paraitre, nos #Explolecteurs vont en dévorer 50, venez les découvrir ici !
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Philippe Vasset grandit dans la région orléanaise, région qui vit aussi la naissance de l'aérotrain de Jean Bertin. Cet engin, censé être le train rapide du futur ne connut jamais le succès, mais les infrastructures, gros blocs de béton, monorails et terrasses elles aussi en béton restèrent, faisant la joie des jeunes des alentours, des amours qui avaient besoin de se cacher et des solitaires comme Philippe Vasset qui aimait passer du temps sur la terrasse, en hauteur. C'est sa relation avec l'aérotrain et surtout avec ses vestiges que l'auteur raconte dans ce livre.
Le moins qu'on puisse dire c'est que l'on n'est pas dans un livre maintes fois lu. Original, d'abord parce que c'est l'histoire de l'auteur, ensuite parce qu'il parle d'un projet fou et inventif qui ne fut jamais exploité et d'une relation forte entre l'enfant puis l'homme et la machine et surtout l'infrastructure qui permit à icelle d'être testée. L'homme qui se définit lui-même comme "Toxicomane de l'aérotrain" n'aura de cesse de le mettre en avant, de sauver ce qui reste, allant jusqu'à tenter de s'approprier la terrasse sur laquelle il passait de longues heures.
Plus globalement, Philippe Vasset parle d'aménagement du territoire, d'urbanisation, de sauvetage des sites industriels qui n'ont pas toujours la côte contrairement aux sites historiques, et pourtant on peut faire des choses très bien avec ce genre de lieux (cf. le Hangar à bananes de Nantes et tout le site des Machines de l'île).
Il parle aussi de lui et de cette étrange attrait pour l'aérotrain : "Toxicomane de l'aérotrain, j'essayai de tempérer mon addiction par d'autres substances. J'entamai une collection de routes abandonnées, pour voir si elles me procuraient des sensations aussi fortes que le viaduc de Jean Bertin" (p.134) et des dérivés qu'il va chercher un peu partout, des routes abandonnées, des immeubles vides, ...
Très bien écrit, on ne s'ennuie pas grâce à une construction en quatre parties, inégales en nombres de pages mais qui allègent le propos. Voici un récit pas banal, qui, semble dans la veine de ce qu'écrit Philippe Vasset, puisque son Journal intime d'un marchand de canon était déjà très bon.
Les explorateurs de la rentrée littéraire - Avis de la page 100
Un titre énigmatique, une couverture aux allures d'affiche de film : on a hâte d'entrer dans La légende ! Dès les premières lignes, l'immersion se fait, le charme de l'écriture de Philippe Vasset opère, magnifiquement ciselée, comme précieuse. Et cette question à laquelle la page 100 n'apporte pas (encore ?) de réponse : pourquoi le narrateur, qui a occupé plusieurs fonctions auprès du Vatican, a-t-il été défroqué, lui qui évoque évasivement des « turpitudes » et regrette l'immobilisme de la machine pontificale... ? Le suspense est savamment entretenu quant aux raisons de sa déchéance des droits sacerdotaux. Il y a cette femme, Laure, avec qui il goûte aux lectures de la vie des saints et dont il paraît s'éprendre – on pressent le malaise à Rome. Tandis qu'en milieu périurbain (terrain de prédilection de l'auteur), Azyle le tagueur du métro, Pie en quête d'amours homosexuelles clandestines..., sortes de héros punk surgis de nulle part, offrent un visage à la ville moderne, celle de toutes les solitudes. Le dialogue du religieux avec les marges s'annonce passionnant...
Les explorateurs de la rentrée littéraire - Chronique complète
Une image crépusculaire : éclairée par des lampadaires en forme de croix, une voie rapide file entre deux barres d'immeubles. Ou l'ère du religieux s'évanouissant face à l'assaut du tout-béton...
On comprend très vite que le narrateur de ce roman, tour à tour guide au Vatican, professeur de symbolique chrétienne, « convoyeur d'os sacrés »... –, entretient des rapports troubles avec la foi. Lui qui s'emploie, avec l'énergie du désespoir, à réhabiliter des saints et erre dans des lieux de culte désertés, pourquoi a-t-il quitté les ordres et semble-t-il, pour conjurer cette mise en demeure du bulldozer pontifical, ne voir de solution que dans l'exil ? Sa relation avec Laure, avec qui il partage une passion pour les reliquaires et une certaine conception du désir, est-elle davantage qu'une réaction face à une Église décatie, empêtrée dans ses dogmes ?
Dans Un livre blanc, Philippe Vasset se faisait déchiffreur des no man's land parisiens – des zones en marge où l'on tente d'exister dans l'invisibilité du quotidien. Ici, ces à-côtés sont peuplés d'anges ou de fous, dont les chemins de vie (ou de croix) rythment ces pages. Ce territoire de la foi qui fascine le mécréant, avec ses codes immémoriaux et la tentation du blasphème à laquelle notre fougueux narrateur pourrait bien succomber, on l'arpente avec une jubilation mêlée d'appréhension tellement ébranler la machine vaticane paraît sacrilège. L'auteur nous entraîne dans les méandres d'un sacré à réinventer : fuir la pesanteur du dogme pour mieux s'abandonner à cette douce folie qui élève l'âme et éveille les sens... D'une religion déclinante émergent alors des figures christiques... L'écriture au scalpel, travaillée à souhait, est tout à la fois implacable et sereine, lumineuse dans sa noirceur. Il émane de La légende une sorte de grâce intemporelle.
Mon avis à la page 100 :
"Je tourne les pages de ce livre à la fois curieuse et interdite : ce prêtre nous raconte sa descente aux enfers, et comment il a perdu son habit et son nom de prêtre. Mêlant à la fois des explications sur ces personnages célèbres et leur canonisation, il y a une vraie critique de cette "course aux Saints". Il dissèque ses méthodes de travail à la tête de personnes mettant au point les dossiers. La présentation de ces premiers Saints m'a perturbée, mais on s'y habitue très vite car on y découvre les similitudes entre ce que vis le prêtre et ces Saints. Arrivée là, je me questionne : est- ce une histoire vraie ? Je m'interdis d'en faire la recherche car cette question rend ma lecture encore plus intéressante : entre sa foi et l'amour d'une femme, les questions sont encore nombreuses."
C’est en grande partie dans la Villa Médicis que le livre de P. Vasset La Légende a été rédigé : lieu idéal pour parler du thème central du roman, décrit en ces termes par l’auteur lui-même : « Je me suis plongé dans le plus grand studio de fiction au monde : le Vatican, et plus particulièrement, l’administration du récit religieux qui s’appelle l’administration pour la cause des saints, bureau au Vatican où les gens passent leur vie à raconter des vies de catholiques illustres. »
C’est effectivement le cas du narrateur, un prêtre défroqué et tourmenté, qui joue les guides pour les congrégations étrangères place Saint Pierre. C’est son mode de survie. Il a visiblement du mal à s’habituer à sa nouvelle existence : « Mal dans ces pantalons qui me serrent, je regrette la caresse de la soutane. Faire mes courses est un supplice : j’achète au hasard et le plus vite possible des ingrédients que je cuisine n’importe comment. Auparavant, je ne m’inquiétais de rien : tous les jours, c’était réfectoire et, une fois par semaine, des sœurs faisaient ma chambre. » Il a même dû changer de nom : reprendre son identité de laïc. Et ça, c’est peut-être le plus dur.
Que s’est-il passé ? Il a été pendant vingt ans « homme de dossiers ». De quels dossiers, me direz-vous ? De quelle mission était-il investi ? Il appartenait à la Congrégation pour la cause des saints et était une sorte de « greffier des vocations extraordinaires » comme le dit l’auteur, évoquant ces « greffiers de sainteté qui sont aussi scénaristes et écrivains ». Or, s’il se devait de raconter la vie des saints, il lui fallait scrupuleusement vérifier, comme un enquêteur, le bien fondé de ce qui est dit à leur sujet, en supprimant si possible les propos trop fantasques, en gommant les outrances : « recadrer, tâcheronner et affadir, tel était mon rôle ».
Mais, le narrateur ne partage visiblement pas cette vision des choses : pour lui, l’histoire des saints est « un outil de conquête des âmes ». Il faut donc frapper les esprits, adapter le propos à l’époque pour remplir de nouveau les églises. De plus, tel un romancier, le narrateur aime raconter : ces vies de saints sont une source inépuisable d’éléments romanesques dont il serait dommage de se priver et, plutôt que de les placer dans l’ombre, il aurait souhaité les mettre sous les projecteurs telles des rock-stars, crier haut et fort leurs actions démesurées et folles en tirant un feu d’artifice… « Au lieu de saisir les saints dans leurs tremblements, j’en faisais des employés modèles et des ouvriers du mois. Je gâchais de la chair à sermon à longueur de semaine, quand j’aurais pu monter de spectaculaires numéros de dévotion ».
Ce qui lui plaisait ? « Les mortifications scandaleuses, les révélations obscures et les miracles invraisemblables ». Ses saints préférés ? « Le saint jongleur Bosco, qui fascinait ses ouailles en marchant sur les mains », « le célèbre Antoine, qui aurait pu prétendre au titre de patron des dompteurs tant il était capable… de dominer les lions qui visitaient sa grotte », Suzanne Foccart, Gianfranco Maria Chiti… La liste n’est évidemment pas exhaustive et de commenter : « il fallait couper les ailes de ces virtuoses et les faire entrer au chausse-pied dans des tabernacles étroits comme des bocaux. » alors qu’il les rêvait « disco, pulp et kitsch ».
Les écrits de Joseph-Antoine Boullan le fascinent car pour cet homme d’Église « la sainteté n’était pas un exemple, mais un scandale, une folie que rien ne justifiait et qui… ne pouvait s’approcher que par la fiction. Et il s’en donnait à cœur joie : ses textes étaient des machines hors de contrôle, des générateurs échevelés de rubans narratifs, d’adverbes et de superlatifs ». C’est donc l’histoire d’un narrateur qui, comme le dit P. Vasset, « tombe dans la soupe de fiction qu’il touille depuis des années ».
Et puis, il y a cette femme, Laure, qu’il rencontre dans un couloir de la Congrégation. Qui est-elle ? Où entraîne-t-elle le narrateur ? Où va-t-elle elle-même, s’offrant telle une sainte, corps et âme, à ceux qui sont là, autour d’elle pour disparaître soudain et réapparaitre ailleurs ?
Qui sont tous ces inconnus qui se donnent à leur passion, se brûlant le corps pour taguer une rame de métro, risquant de mourir à la recherche d’un partenaire éphémère auquel ils s’offriront ?
Aux marges de la ville sont les saints oubliés que le narrateur appelle à lui, citant leurs noms, un à un, comme il invoquait autrefois « l’immense cortège des saints et des archanges », le monde de ceux qui suivent leur vocation et s’abandonnent à elle dans la joie et la souffrance, entièrement, passionnément, jusqu’à l’inconnu.
J’ai découvert un univers fascinant, celui de la vie des saints et de ceux qui ont comme métier de la raconter. Franchement, je n’avais jamais rien lu là-dessus. Le sujet et la façon dont il est traité m’ont passionnée.
Enfin, l’écriture très maîtrisée de l’œuvre, sa dimension poétique et l’humour très présent ont achevé de me séduire.
Une très belle découverte pour cette rentrée littéraire 2016…
Retrouvez Marie-Laure sur son blog: http://lireaulit.blogspot.fr/
Avis de la page 100:
Le narrateur, un prêtre défroqué et tourmenté, joue les guides pour les congrégations étrangères place Saint Pierre. C’est son mode de survie. Il a visiblement du mal à s’habituer à sa nouvelle existence : « Mal dans ces pantalons qui me serrent, je regrette la caresse de la soutane. » Il a changé de nom et repris son identité de laïc. Et ça, c’est peut-être le plus dur. Que s’est-il passé ? Il a été pendant vingt ans « homme de dossiers ». De quels dossiers, me direz-vous ? De quelle mission était-il investi ? Il appartenait à la Congrégation pour la cause des saints et se devait de raconter la vie des saints en vérifiant, comme un enquêteur, le bien fondé de ce qui est dit à leur sujet, en supprimant si possible les propos trop fantasques, en gommant les outrances : « recadrer, tâcheronner et affadir, tel était mon rôle ».
Mais, il ne partage visiblement pas cette vision des choses : pour lui, l’histoire des saints est « un outil de conquête des âmes ». Il faut donc frapper les esprits, adapter le propos à l’époque pour remplir de nouveau les églises. De plus, le narrateur, tel un romancier, aime raconter : ces vies de saints sont une source inépuisable d’éléments romanesques dont il serait dommage de se priver et, plutôt que de les placer dans l’ombre, il aurait souhaité les mettre sous les projecteurs telles des rock-stars, crier haut et fort leurs actions démesurées et folles en tirant un feu d’artifice…
Pas tout à fait ce qu’on attendait de lui… Mais, est-ce pour cela qu’il a été remercié ou y a-t-il un autre mystère ? Et puis, il y a cette femme qu’il a rencontrée dans les couloirs de la Congrégation : qui est-elle, que veut-elle ?
Bilan à la page cent : un sujet original et une écriture non dépourvue d’humour… Un texte riche, maîtrisé : cette peinture d’une âme tourmentée m’a séduite et j’ai hâte de poursuivre le récit pour tenter de la cerner davantage…
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