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C’est avec Écume de Jade que je découvre Pascal Debrégeas auteur déjà de sept romans.
L’épigraphe, une citation d’Albert Camus tirée du discours de Suède, suite à l’obtention du prix Nobel en 1958 augure déjà de réflexions intéressantes :
« Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse ».
Ce roman s’apparente à une dystopie dans la mesure où il nous dépeint une société imaginaire organisée de telle manière qu’il devient impossible de lui échapper et dans laquelle les dirigeants exercent une autorité totale sur des citoyens qui n’ont plus la possibilité de s’y soustraire.
C’est avec le personnage principal, Nicolaï, que l’auteur nous entraîne au cœur de cette société qui se délite depuis déjà longtemps et qui n’est pas tant éloignée de celle dans laquelle nous vivons, dans un univers marqué par la folie du matérialisme, de l’argent roi et de l’égoïsme.
Notre héros désespéré constate avec amertume que l’homme a cessé d’être un homme et qu’il est la source de tous les maux que ce soit le dérèglement climatique, la disparition de maintes espèces animales, des pandémies, et ce qui l’afflige le plus, c’est la perte des valeurs humanistes, de la fraternité et du vivant.
C’est sous une forme allégorique que Pascal Debrégeas décrit le suicide du monde moderne.
La plus belle métaphore de la dégénérescence humaine est ce drame des suicides en masse causé par une panne géante d’Internet qu’aucun ingénieur ne parvient à résoudre, d’autant qu’il finit par ne plus en rester, ceux ayant échoué et donc déclarés responsables, dirigés au fur et à mesure sur des camps de travail et de rééducation…
Nicolaï va rencontrer trois personnages, trois révoltés qui, tous, ont été humiliés d’une façon ou d’une autre par le gouvernement et par leur intermédiaire on découvre comment gouverner par la peur est le meilleur moyen de maîtriser la société.
En une centaine de pages, Pascal Debrégeas s’emploie avec talent à montrer comment, si l’homme continue à être passif et à perdre la faculté de penser, s’il prend l’habitude de penser qu’une relation électronique et virtuelle est l’équivalent d’une relation humaine réelle, s’il préfère le goût de l’uniformité et de la passivité, pernicieusement, il s’achemine vers une extermination délibérée du vivant.
Ce roman dont l’action se situe en Asie et en Europe, pas assez précisée à mon goût, nous fait prendre conscience de la nécessité qu’il y a à rester éveillé, à ne pas nous satisfaire de ce que l’on veut nous faire croire et à lutter pour ne pas subir. Le capitalisme est là pour nous faire croire que la vie doit continuer comme avant même si nous nous acheminons vers la destruction du vivant et cela pour que le fric puisse continuer à couler à flots pour une minorité de possédants. Il est aussi une mise en garde à la venue du totalitarisme qui ne tolère aucune opposition.
Il fait par ailleurs référence à l’histoire de Sisyphe, qui est celle de la condition humaine, celle des hommes de bonne volonté qui ne se résignent pas à l’absurdité du destin.
Réflexion philosophique certes, Écume de Jade n’en est pas moins un roman distrayant, malgré quelques répétitions, qui se lit avec grand plaisir, grâce justement à sa forme allégorique. Cette lecture nous incite à rester vigilants et actifs si nous ne voulons pas devenir cet homme dégénéré qui a perdu la faculté de penser que l’auteur par le truchement de Nicolaï nous dépeint.
Lu en SP.
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2023/10/pascal-debregeas-ecume-de-jade.html
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