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Nivaria Tejera "Le ravin"
Un livre puissant, original:Le quotidien d'une famille pendant la guerre d'Espagne aux Canaries, vu par les yeux d'une petite fille envahie chaque jour un peu plus par les angoisses et pourtant ses tentatives pour surmonter les chagrins et les humiliations . Un contraste étonnant entre la douceur de la langue (qui n'est pas vraiment celle d'une enfant, mais celle d'un poète) et la brutalité des faits: l'arrestation de son père, le rejet des enfants de l'école, la pauvreté et la faim.
Inspiré de la vie de l'auteure.
Ce roman écrit en 1958 , édité en France par Maurice Nadeau et réédité en 2013.
Il faut tout d'abord situer Nivaria Tejera, née à Cuba en 1930 , élevée aux Canaries, son père connut les geoles franquistes.. Elle revient à Cuba, rentre à Paris en 54, retourne à Cuba en 59 lors de la Révolution socialiste, elle sera secrétaire d'Etat à la Culture puis attaché culturel en Europe.En 1960, lors de l'avènement du parti Unique, elle rompt définitivement avec Cuba .
Ses textes sont marqués par cette errance, ce déracinement perpétuel, et surtout sa profonde révolte contre l'Amérique latine.
Dès les premières pages , j'ai compris que ce texte exigerait une lecture attentive, sans concession .
Les trois personnages forment à peine la trame du texte, le narrateur, sans nom, une femme Veronica, et Andrea, l'homme qu'elle aimait. Dans ce texte énigmatique, Andrea s'est suicidé, et Veronica ,à travers le narrateur , explique la tentation de la mort, omniprésente depuis l'Antiquité. Veronica et Andrea n'auraient-ils pas vécu il y a quelques siècles pour se retrouver là, maintenant à travers lui.
Se pose aussi le questionnement sur »la complémentarité d'une vie en commun devant l'incapacité à exister individuellement »
Beaucoup de références littéraires émaillent ce récit qui n'est pas un roman, mais un texte poétique : Musil, Baudelaire, des peintres aussi, Mantegna est souvent cité. Vermeer, Bosch
Peut-être une respiration plus concrète vers le milieu du livre, une diatribe contre l'Amérique latine que seuls les natifs peuvent écrire avec autant de violence.
Pour Veronica, tout détermine l'écriture:le bruit, le silence et ses minutieux murmures, l'état de l'âme, tout en fait et surtout la justification de la vie.
J'avoue avoir parfois pris le dictionnaire, notre langue est si riche(épreindre par exemple) et je pense que le traducteur, François Vallée, a fait des merveilles pour avoir ainsi traduit un texte difficile certes, mais poétique et si prenant.
Il n'est pas possible de lire à la suite un roman tout simple... Il faut se reprendre. C'était le premier texte que je lisais de cet auteur, et ne risque pas de l'oublier.
La guerre civile est focalisée par ce ravin qui est également l’espace qui la sépare entre hier, la paix, une enfance heureuse et demain, l’angoisse, la peur, l’absence…. Le puits profond où s’enfonce sa mère. Heureusement, il y a le grand-père bourrelier, celui vers qui elle se réfugie, qui lui permet de redevenir ou rester une petite fille alors que la mère veut en faire une grande personne.
Dans ce livre d’une grande beauté poétique, Nivaria Tejera fait parler la petite fille qu’elle était à travers ses souvenirs. Par petites touches, elle dessine son entourage, la grande maison, puis les autres, celle du grand-père adoré où elles vivront, la tante qui coud à la machine, le grand-père, la prison, le collège, l’absence, la peur, les procès, les visites à la prison puis au camp de concentration où se trouve son père … autant de petits tableaux impressionnistes qui impressionnèrent la lectrice que je suis.
Ce livre vous prend aux tripes, touche ce que nous avons de pus profond, un vrai diamant. Ce livre ne se laisse pas oublier, les mots restent dans la tête, durs et limpides comme les explications de la petite fille.
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