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Je fais une petite fixation sur Kessel en ce moment
En 1975, quelques années avant sa mort, le grand écrivain français Joseph Kessel (1898-1979) se confiait à son filleul, Jean-Marie Baron. Celui qui écrivit des romans tels que Le lion, Belle de jour, L’armée des ombres ou Les mains du silence allait conter sa vie au journaliste qui l’enregistra avec un dictaphone.
De ces confessions, Baron en fit un livre judicieusement intitulé "Ami, entends-tu… ".
Un titre on ne peut plus approprié pour celui qui fut reporter de guerre, journaliste, académicien, mais également parolier du Chant des partisans (Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines?...) avec Maurice Druon en 1943.
En effet, c’est pour répondre à la demande du Général de Gaulle en exil à Londres qu’ils avaient rejoint en 1943, qu’oncle et neveu (Maurice Druon est le fils de Lazare Kessel, le frère de Joseph) écrivirent les paroles de ce chant devenu l’hymne de la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale.
Avec cet album "Joseph Kessel l’indomptable", les scénaristes Judith Cohen-Solal et Jonathan Hayoun, accompagnés du dessinateur Nicolas Otéro, racontent la vie du romancier, telle qu’il l'avait confiée dans cet enregistrement d’une dizaine d’heures.
Depuis sa naissance en Argentine jusqu’à son retour en Russie avec ses parents.
Depuis l’installation de la famille à Nice jusqu’à l’emménagement à Paris pour poursuivre ses études.
Depuis son départ pour le front en 1917 comme aviateur jusqu’à ses débuts de journaliste auprès de l’armée secrète irlandaise en 1920.
Depuis son premier roman Les captifs publié en 1926 jusqu’à son séjour à Berlin en 1932.
Depuis son départ pour Barcelone afin de couvrir la Guerre d’Espagne jusqu’à son engagement dans la Résistance.
Depuis le procès de Nuremberg jusqu'au Kenya…
La vie de Joseph Kessel est un roman, qui mêle grande Histoire et histoire personnelle. Ou plutôt elle ressemble à une volonté de vivre au plus près l’Histoire, au point d’en devenir un acteur.
Cet album sobrement illustré retrace la vie incroyable de cet homme indomptable qui demeure, encore aujourd’hui, une référence littéraire et journalistique en raison des choix qu’il a faits, bien souvent au péril de sa vie.
Après le récit publié aux Belles Lettres, André Hébert a construit un scénario de bande dessinée où la première personne domine, faisant de cette histoire un témoignage fort et précis. Tout au long de la narration, le lecteur est dans la tête du narrateur, d’André, de cet homme dont le militantisme se confronte aux foncières du pays et du monde actuel. On sent l’envie d’engagement monter en lui et révéler des possibilités d’action inattendues. On bascule rapidement dans une autre réalité, ce qui explique facilement la difficulté du protagoniste à revenir en France et aux préoccupations classiques. Il y a l’expérience de la guerre et du combat. La bande dessinée est plus psychologique et théorique (au sens de la réflexion politique) bien qu’André soit sur le terrain et les scènes de combat. La tension est palpable de bout en bout malgré les différents changements de lieux ou de sections au sein de l’YPG (Unités de protection du peuple – en kurde – branche armée du Parti de l’union démocratique kurde en Syrie).
Le propos de l’auteur est renforcé et porté admirablement par la mise en scène et le trait semi réaliste de Nicolas Otero. Dessinateur de la série Amerikka et du récent La Cellule, on retrouve son sens du détail et cette manière d’ancrer directement le lecteur dans le présent du récit. L’angle choisi est toujours ingénieux, ouvrant un champ entre la fiction et le documentaire. Les décors transpirent toute leur complexité. Au milieu de ces champs de bataille, les personnages expriment une certaine impassibilité (Nicolas Otero est un dessinateur impressionnant pour capter l’ennui, l’attente, ces moments de perdition avant la violence) mais aussi des expressions brutales. Les sentiments quand ils parvient à sortir des êtres nous sautent aux yeux qu’il s’agisse de la peur, de la colère ou d’un simple sourire. Ainsi il laisse, dans sa mise en scène du récit, vivre des portraits marquants de ses soldats de la liberté.
André Hébert est un militant actif. Lorsqu'il décide de rejoindre la Syrie pour aider les kurdes de Rojova contre Daech, il n'en parle pas à sa famille.
Véritable témoignage d'un combattant français parti à la guerre, cet album est une véritable mine d'informations.
Personnellement, je n'avais jamais entendu parler de cette résistance kurde dans ce territoire. Ce témoignage m'a donc appris ce qui se déroule dans la région de Rojova. Basé sur des faits réels que l'auteur a vécu, cette bande dessinée s'apparente à un reportage documentaire qui nous met face à des combats totalement ignorés et tus de nos médias. André Hébert est un jeune homme courageux qui se bat pour ses convictions et c'est très beau.
Il faut ajouter à cela le magnifique graphisme de Nicolas Otéro.
La lecture est prenante, il m'a été difficile de lâcher ma lecture. J'aime quand j'en sors avec de nouvelles connaissances. C'est le cas pour celle là.
Un très grand merci à #NetGalleyFrance et aux éditions Delcourt pour l’acceptation de ma demande de lecture.
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