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Au début, je ne voyais pas où l’autrice voulait en venir. Puis je me suis laissée aller à la suivre et j’ai déambulé dans le labyrinthe de ses pensées vagabondes. Je ne sais pas si j’ai toujours su où je mettais mes pieds, dans ses pas, mais j’ai compris surtout qu’il fallait parcourir ce chemin pour arriver quelque part.
De digressions en coq à l’âne, d’enchaînements d’idées ou d’images en bifurcations, drôles, poétiques, parfois tristes ou déchirantes, l’humour, toujours présent, passe du loufoque au burlesque et tout peut arriver...
Le moins que l'on puisse dire c'est que Nathalie Léger-Cresson ne manque ni d'idées ni d'originalité. J'ai découvert son écriture avec A vous qui avant nous vivez, paru aux mêmes éditions Des femmes dans lequel elle nous faisait visiter la grotte Chauvet-Pont-d'Arc. Là, point de visite, c'est un roman à la quasi unité de lieu, l'appartement sous les toits, à part quelques promenades au Luxembourg et en Bretagne.
Dès le début je me posai la question de savoir dans quelle histoire je m'étais embarqué. Du mal à entrer dans un monde entre réalité, poésie, rêve... Et puis, la beauté de l'écriture, le jeux avec les mots, la taille de polices, la mise en page génèrèrent une certaine attraction voire une attraction certaine. Une partie de la narratrice est dans le rêve, l'invention d'histoire pour surmonter ce difficile passage de sa vie et l'autre est ancrée dans la réalité avec des amis et ses filles qui l'y maintiennent ainsi que ses écrits, même si ceux-ci tutoient l'irréalité, l'onirisme et sont parfois de la pure poésie.
Ce livre est loin très loin des polars que l'on ne parvient pas à lâcher, mais il a de commun avec eux cette envie d'aller au bout, une sorte de fascination saine qui donne envie, même si parfois, des phrases semblent absconses. Pour finir, un extrait que j'aime bien, très réel, presque vécu :
"Pendant cinq jours, je m'étais donc appliqué deux gouttes de pivoine toutes les trois heures sous la langue, et sonnai chez ce dentiste inconnu, presque calmement. Malheureusement, entre les manches courtes de sa chemisette et les gants en latex, l'extraordinaire pilosité de ses bras eut sur moi un effet anxiogène immédiat et irrépressible. A croire que chacun de ses poils noirs et hérissés faisait antenne, absorbant mon stress pour le répercuter multiplié à la puissance dix. Une mécanique action-réaction était lancée, un cercle vicieux. J'ai demandé triple dose d'anesthésiant mais après les piquouses, j'ai dit désolée, je ne peux pas aujourd'hui, je ne veux pas qu'on fourrage avec des instruments métalliques motorisés dans ma bouche, dans ma tête, dans moi. Comme je pleurais, il m'a laissée partir." (p. 108)
A travers différents narrateurs et intervenants, Nathalie Léger-Cresson nous invite à visiter la grotte Chauvet-Pont-d'Arc, découverte en 1994 par trois spéléologues : Jean-Marie Chauvet, Éliette Brunel et Christian Hillaire. Site qui comporte des milliers de peintures datant, pour les plus anciennes de 36 000 ans.
J'ai découvert la maison d'édition Des femmes-Antoinette Fouque, très récemment grâce à la très heureuse lecture de Placement libre d'Ella Balaert. Y sont publiées des femmes mais pas seulement.
Cette fois-ci, je vous invite à une lecture pas banale et à une visite non moins originale, la grotte Chauvet donc mais vue par différentes personnes à diverses époques. Nathalie Léger-Cresson fait la guide des lieux. Nul besoin d'être passionné par l'art préhistorique et ses différents âges, le Gravettien et l'Aurignacien entre autres -qui sont les deux périodes d'occupation de la grotte- ; nul besoin non plus de s'y connaître parfaitement, la bonne idée de l'auteure est de regrouper pas mal d'informations en fin de volume pour les plus curieux d'entre ses lecteurs. On peut aussi, comme je l'ai fait, se laisser porter par les histoires, celle de la passionnée de la grotte dont les filles disent qu'elle est atteinte de chauvite, celles des spéléologues-découvreurs, celle des habitants du lieu. À chaque fois, Nathalie Léger-Cresson change de registre d'écriture, partant même parfois dans des dialogues franchement surréalistes. Je vous l'ai dit c'est original : l'auteure et les éditrices s'amusent même à jouer avec les formes, si mes souvenirs sont exacts, on nomme cela des calligrammes.
Si vous aimez lire différent, découvrir des textes, de nouvelles formes d'écriture, laissez-vous tenter. Tout ne passe pas aisément, certaines pages peuvent paraître d'un accès difficile, mais les inventions, les jeux avec la langue et les mots, avec la mise en page devraient faire leur effet et ne laisseront sûrement pas insensibles.
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