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Très court texte de Myriam Dao qui réussit l'exploit dans ces très belles 145 pages de parler du racisme, de la misogynie, d'un couple qui s'étiole, de la différence de classe sociale, de la difficulté d'être une femme dans les années 50 lorsqu'on ne peut travailler et dépenser de l'argent qu'avec l'accord de son mari, du lien marital difficile à rompre, de la difficulté d'être un immigré qualifié lorsque les Français ne voient que l'immigré donc nécessairement un tâcheron. "A mesure que Zao traçait sa misérable trajectoire, assujetti, pour ne pas dire aliéné, à des industries automobiles ou textiles ayant grassement tiré bénéfice du colonialisme par la production de caoutchouc ou du coton, son pays écrivait une nouvelle page d'histoire, celle de l'indépendance. L'ironie de la situation lui laissait un goût amer. Se retrouver larbin dans des usines qui avaient exploité sa terre natale." (p.57)
Myriam Dao va au plus court, au plus direct sans s'étendre sur des détails superflus. A coups d'anecdotes, de faits, de mots que les époux s'écrivent après une dispute, de descriptions de photos au fil des années, le lecteur reconstruit la vie du couple et bientôt de la famille, le lent effritement, puis l’inexorable éloignement des deux conjoints voire la détestation. Et tour à tour, on peut trouver la femme injuste quand elle ne soutient pas son mari attaqué pour ses origines ethniques et penser que Zao est dur, misogyne lorsqu'il l'empêche de sortir. Aucun des deux n'est blanc ou noir.
Myriam Dao élague, épure son texte duquel émane une poésie et une grâce certaines. Un premier roman très réussi, très beau, très juste.
A Saïgon, dans le Vietnam de la colonisation française, Zao, un fils de bonne famille colonisée met enceinte une jeune fille de 16 ans, blanche, née à Saïgon, d'une famille de colons français pauvres. La famille de Zao impose le mariage mais aussi l'exil à Paris où nous assistons à la décomposition d'un mariage non désiré malgré la naissance de deux petites filles mais aussi, paradoxalement, à la persistance d'un lien ténu, fondé sur la perte commune de ses racines et de son pays.
Ce court roman (142 pages) est très singulier dans sa forme; les courts chapitres sont comme des instantanés de vie sans fluidité apparente de la narration entre lesquels s'intercalent des descriptions de photos où apparaissent les personnages et leur évolution physique qui est le reflet de leur évolution intérieure. On dirait que l'on feuillette un journal auquel on se confie, qui reçoit les confidences sur des moments marquants.
Ce roman aborde le colonialisme et le racisme par le regard de Zao et de sa femme qui en sont les victimes directes, comment concrètement ils rejettent à la périphérie de la société française ceux qui ont été exploités.
Il est question aussi d'identité; celle de l'épouse qui étouffe dans sa vie et son couple, qui rêvait d'une autre vie et qui finit par ne plus se battre; celle de Zao qui est diluée dans l'assimilation. Chacun a vu dans l'autre, au début, un objectif à atteindre : pour elle, se sortir de sa condition en fréquentant un homme plus âgé, riche; pour lui, sortir de son statut de colonisé en ayant une relation avec une femme blanche, fusse-t-elle de classe sociale inférieure. de plus, Zao, comme le titre l'indique, est réduit à sa fonction d'époux et non d'individu, d'homme.
Il est aussi question de différences sociales et culturelles exacerbées par le manque d'amour, par l'exil, l'exclusion.
J'ai lu ce roman très riche, hors des sentiers battus, presque d'une traite, happée par la déréliction de ce couple dont le destin était pratiquement scellé lors de leur rencontre par le déterminisme social et historique. Regard original et émouvant, sans jugement, qui permet au lecteur/trice de réfléchir aux thèmes évoqués en toute liberté.
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