Des incontournables et des révélations viendront s'ajouter à cette liste au fil des semaines !
Michel Pastoureau était pour moi l’historien des couleurs : bleu, noir, jaune, blanc ou encore rose.
Je le redécouvre ici en historien des corbeaux.
Comme toujours avec Michel Pastoureau, on apprend plein de choses, de l’oiseau noir malfaisant autrefois à l’animal que l’on sait très intelligent aujourd’hui.
C’est passionnant.
L'historien Michel Pastoureau se souvient... me voici piquée de curiosité : un historien qui raconte sa propre histoire, voilà qui me parait passionnant !
Le fil conducteur de son histoire est la publication de son tout premier livre "La vie quotidienne au temps des chevaliers de la Table Ronde" (Hachette, 1976). Vous aurez toutes les anecdotes, les émotions, le travail, de l'historien. Vous comprendrez sa peur du téléphone (cela peut-il encore exister aujourd'hui ? peut-être cela serait bien !), sa réserve quant aux mondanités, son désarroi quand les subventions de recherches lui sont refusées... son travail en solitaire.
Pastoureau ne prend pas de gant et ses critiques sont amères, cyniques, nostalgiques envers le monde de l'édition et les décisionnaires universitaires.
Les anecdotes sont des petites pépites à savourer en souriant. Pastoureau est touchant, anachronique quant à son temps.
Alors ce premier livre ? Comme une invitation de l'auteur au lecteur de ne pas juger ni oublier les livres : ils faut les replacer dans l'histoire, le contexte du moment, l'expérience de l'auteur...
Je vous invite à ce très agréable moment de lecture !
Clairement nous ne voyons pas tous le monde de la même façon, à commencer par ses couleurs.
« les couleurs se dérobent dès que l’on tente de s’en emparer, elles ne sont qu’illusion…car une couleur c’est une ensemble de symboles et de conventions ». M. Pastoureau
Je me suis toujours demandé comment les daltoniens voyaient le monde, mais aussi mon chien. En fait à la lecture de l’ouvrage, on pourrait étendre cette question à tous nos semblables lorsque l’on découvre l’aspect subjectif et culturel de la perception des couleurs. Les couleurs sont véritablement une production de l’homme.
Les couleurs ne sous sont pas données, mais dépendent d’enjeux économiques, de jugements scientifiques, de conventions, elles n’ont rien de neutre. Après la lecture du petit livre des couleurs de M. Pastoureau, on ne peut plus porter sur elles le même regard.
Aristote en aurait accepté 4 ou 6 c’est selon, Newton avec sa découverte de spectre lumineux acceptait 6 rayons colorés, il en a ajouté un 7ème (l’indigo) par convention.
Et maintenant nous sommes bombardés de couleurs, elles sont banalisées, notre œil est fatigué et on continue de nos proposer des variations extrêmement obscures, alors que selon la science, l’œil humain ne distinguerait que 180 à 200 nuances…
Mais l’aspect sans doute le plus intéressant de l’ouvrage n’est pas la question de la catégorisation des couleurs mais leur aspect symbolique, leur évolution, le déclin et le succès de certaines, les suspicions à l’égard d’autres basées sur des malentendus.
Sur le plan du choix des couleurs, on a perdu la recette de la pourpre romaine et on s’est donc rabattu sur d’autres techniques. On semble parfois oublier qu’il faut obtenir les couleurs par différents procédés et on se rend compte aussi du lien que l’on perd avec notre environnement en oubliant comment obtenir certaines couleurs. Ce qui mène à cette perception biaisée du vert qui oui peut s’obtenir par différentes techniques et ne découle
pas uniquement du mélange de couleurs dites primaires. Cet oubli a eu un impact sur la peinture, car cette théorie de pseudo scientifiques définissant les couleurs primaires et complémentaires, a influencé les artistes du 19ème siècle et suivant, comme ceux Bauhaus ou Mondrian par purisme et à tort à ne pas utiliser certaines couleurs comme le vert !
Autre exemple, jusqu’au 18ème la nature était définie par les 4 éléments : le feu, l’air, la terre et l’eau, mais il n’était pas question de plantes avec du vert !
Enfin l’exploitation économique de notre environnement et les bénéfices qui en découlaient ont généré de véritables luttes économiques, en ont découlé des monopoles, des lobbies et donc une compétition entre certaines couleurs de façon arbitraire, sans lien avec l’esthétique ou la notion de goût.
Cela faisait longtemps que les ouvrages de l’historien M. Pastoureau dédiés aux couleurs nous faisaient de l’œil, mais nous n’arrivions pas à nous décider sur une couleur aussi le choix a-t-il été simplifié avec ce petit opus réalisé en collaboration avec D. Simonnet et nous offre une première entrée en matière avant de plonger dans un ouvrage plus conséquent.
On découvre tous les préjugés liés aux couleurs, dans différents pays, une belle galerie sous nos yeux, de l’histoire mais aussi les liens avec la religion, du rejet et/ou de l’adoration portée à certaines.
Le rouge étalé sur les lèvres, le rouge qui flotte sur nos drapeaux, le rouge sanguin, le rouge sulfureux, le rouge de l'amour passion, le rouge aristocratique, le rouge papal…
Dans ce nouvel opus, Michel Pastoureau nous fait voir la vie en rouge et ça claque forcément un peu. Il n'oublie pas non plus de faire le lien entre les couleurs (l'histoire des couleurs est inextricable de l'histoire d'une couleur en particulier).
Vous y apprendrez dans le désordre que les échiquiers n'ont pas toujours été monochromes, que le petit chaperon rouge devrait être plus logiquement un petit chaperon vert, et que le rouge est aussi une couleur dangereuse, subversive…
S'il est une couleur vivante et vibrante, c'est bien celle-là.
Mais sa signification n'a pas cessé d'évoluer au fil des siècles et de son utilisation, voire même de notre perception.
Aujourd'hui encore ses déclinaisons interrogent, passionnent voire dérangent !
Ainsi du rose, qui n'a pas toujours été, et loin de là même, une couleur à connotation féminine puisque le rose était porté indistinctement par les deux sexes (c'était même plutôt une couleur dite "masculine").
Sur d'anciens portraits de jeunes enfants, il est parfois difficile de juger : garçon ? fille ? D'autant que la mode de l'époque est aux cheveux longs et bouclés.
Et si c'était très bien comme ça ?
Comment se fait-il alors que le rose soit devenu une "couleur de filles" ? Mais, ouf, les temps changent encore… Ne dit-on pas que la mode est un éternel recommencement ?
Voilà donc un ouvrage qui ne pouvait être - on s'en doute bien avec une couleur pareille - que passionnant !
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