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Quand j'écris le nom de Michael Lonsdale, je pense en premier lieu à l'acteur de quelques grands moments de cinéma : «Le procès» d'Orson Welles, «La mariée était en noir» de François Truffaut, «Monsieur Klein» de Joseph Losey, «Nelly et Monsieur Arnaud» de Claude Sautet, «Le nom de la rose» de Jean-Jacques Annaud, sans oublier, plus récemment, «Des hommes et des dieux» de Xavier Beauvois et «Les hommes libres» d'Ismaël Ferroukhi ; sa lecture aussi du Très-bas de Christian Bobin, avec son timbre de voix si personnel, comme perméable et attentif à tout ce qui nous interpelle et nous interroge. Mais ce qui m'a surpris et enchanté demeure un tout petit livre intitulé Oraisons, publié dans la collection «Souffle de l'esprit» chez Actes Sud en 2000, et réédité en 2011. On y retrouve, avec la discrétion qui le caractérise, un homme en prière, avec des mots qui sont les siens et n'appartiennent à nul autre, comme autant de sarments fertiles jaillis d'une solitude aimante.
Cet homme de théâtre - il interprète Samuel Beckett, Marguerite Duras, Friedrich Dürrenmatt - est en effet aussi, peut-être avant toutes choses, un chrétien pratiquant et engagé. Il nous revient aujourd'hui avec L'amour sauvera le monde - Mes plus belles pages chrétiennes, une anthologie de textes choisis, illustrés avec une beauté fervente par Olivier Martel. «Si j'ai choisi de partager mes plus belles pages chrétiennes», nous dit Michael Lonsdale, «c'est une manière pour moi de rendre hommage à ces hommes et ces femmes - saints, moines, religieuses, prêtres, écrivains, personnes ordinaires - pétris de la parole du Christ, qui m'ont accompagné au long de ma vie». Plus loin il ajoute : «Travailler avec le coeur, c'est laisser place à l'inconnu. Si l'on cessait, ne serait-ce que le temps d'une journée, de se noyer dans le bruit, si l'on avait cette patience et ce courage, on obtiendrait, en se mettant à l'écoute, de petites indications pour atteindre à de grandes richesses.»
Chaque extrait éclaire un aspect de ses mouvements de l'âme, tels les différents motifs d'un vitrail qui ne prennent corps et sens que dans la réverbération les uns dans les autres et dont la respiration méditative guide nos pas. D'Augustin d'Hippone à Jean Grosjean, de Thérèse d'Avila à Paul Claudel, de Martin Luther à Maurice Zundel, du Curé d'Ars à Sylvie Germain, son choix témoigne de la lumière du monde, délivre de tous les artifices et de toutes les extravagances du temps.
Davantage qu'une «simple» anthologie personnelle, tous ces textes - une cinquantaine environ - sont aussi, littérairement parlant, des chefs d'oeuvres. Pour le plaisir, je vous citerai un extrait de mon préféré, celui de Bernard de Clairvaux : «Avec quelle sûreté la prière monte dans la nuit, quand Dieu seul en est témoin, et l'Ange qui la reçoit pour aller la présenter à l'Autel céleste ! Elle est agréable et lumineuse, teinte du rouge de la pudeur. Elle est calme, paisible, lorsqu'aucun bruit, aucun cri ne viennent l'interrompre. Elle est pure et sincère, quand la poussière des soucis terrestres ne peut la salir. Il n'y a pas de spectateur qui puisse l'exposer à la tentation par ses éloges ou ses flatteries. C'est pourquoi l'Épouse agit avec autant de sagesse que de pudeur lorsqu'elle choisit la solitude nocturne de sa chambre pour prier, c'est-à-dire pour chercher le Verbe, car c'est tout un. Vous priez mal, si en priant vous cherchez autre chose que le Verbe, ou si vous ne demandez pas l'objet de votre prière par rapport au Verbe. Car tout est en lui : les remèdes à vos blessures, les secours dont vous avez besoin, l'amendement de vos défauts, la source de vos progrès, bref, tout ce qu'un homme peut et doit souhaiter.»
Une présentation soignée pour ce livre qui peut ravir non seulement les croyants, mais aussi les poètes, les amoureux de notre terre et de tout ce qu'elle contient de beau ou de louable, au-delà d'un présent qui parfois s'essouffle en nos murs autant que les caprices du vent. A lire ou relire ces textes d'une profondeur aussi ardente qu'intemporelle, me revient en mémoire la devise de l'Ordre des Chartreux : «Stat Crux dum volvitur orbis / La terre tourne, mais la Croix demeure immobile...»
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