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Perdre la vue pour y voir clair.
Le héros, Simon, est un homme qui a tout. Tout ce que l’on peut matériellement posséder. Il a tourné le dos à ses parents, des petites gens, des polonais qui ont bossé dur et vécu les fins de mois difficiles, il a amputé son nom pour le franciser et ainsi oublier tout à fait son passé et il a avancé, avancé, pulvérisant la barrière sociale, mué par une ambition démesurée de ne pas être un gagne-petit, de fuir la foule grouillante des hommes-rats, ne pas être de ceux qui triment pour moins que rien.
Il a réussi. Le virtuose de l’informatique est devenu le PDG d’une firme cotée en bourse, le monde lui appartenait. Kate aussi lui appartenait. Il a jeté son dévolu sur cette collaboratrice, cette irrésistible écossaise rousse, il l’a choisie et elle devenue sa propriété.
Il aura fallu un terrible accident pour que la course effrénée de Simon s’arrête net. Plongé dans le noir, il va se laisser aspirer par une vie amputée de tout ce qui faisait de lui un homme puissant.
Kate soutiendra à bout de bras l’homme dans son effondrement, elle assistera impuissante à sa lente destruction.
Jusqu’au jour où la lumière reviendra. Un miracle médical que sa fortune lui permettra d’acheter. Il verra, oui, mais que verra-t-il exactement ?
C’était toute la palette de nuances et de formes que Simon explorait là et auxquelles il n’avait jusqu’à présent jamais prêté la plus petite attention. Il avait le sentiment de s’être trouve emporté – toutes ces années durant, celles d’avant l’accident – par l’emballement d’un monde grouillant d’impatience. Un monde d’affaires ne laissant aucun espace à la délicatesse des sentiments. Un monde frénétique. Sans cesse en mouvement. Synthétique. Superficiel. Réservant à ceux qui se jetaient dans son ciel, l’illusion affabule d’exister plus haut et autrement.
Cette paire d’yeux venus d’ailleurs vont l’obliger à explorer ce qu’il n’avait encore jamais vu : lui. L’intérieur de lui. L’intérieur des choses, de la vie, de ces infimes choses de la vie qui font un tout dans lequel chacun de nous est absorbé sans en avoir la pleine conscience.
« C’est en dehors de soi que tout commence. » Cette phrase venue d’ailleurs va occuper ses jours et ses nuits. Sur un fil tendu entre la vie normale des gens normaux et son esprit qui prend le contrôle, l’attirant sans répit vers un ailleurs lointain, un ailleurs qui n’existe que dans ses yeux, Simon va cesser de lutter, il va se déshabiller, découvrir son âme, ne regarder que le beau, s’éloigner de la réalité des Hommes, et au risque de basculer, il cherchera l’équilibre.
Ce très beau roman questionne sur notre Monde, sur la vie que nous traversons trop souvent sans la voir, sur la normalité imposée comme étant la seule digne d’intérêt. Et qu’un visionnaire s’échappe de cette réalité, qu’il sorte des sentiers balisés de l’existence et on le traitera de fou.
Fernand Malicier, un septuagénaire « banal », décide de quitter un jour sa Salamandre, la maison familiale en Lozère, où désormais il ne peut se résoudre à vivre seul.
Après le décès de sa douce et bien-aimée Fantine, il a élevé son fils Jacques, parti à son tour vivre sa vie d’homme. Le fidèle Goliath, son chien, était le dernier qui le retenait dans ces lieux.
Il décide ainsi que sa nouvelle demeure sera « Le Perce Neige » qui accueille ceux qui, comme lui, se posent là pour attendre l’ultime instant.
Abattu par cette décision, il sera vite rattrapé par cette énergie qui l’habite et lui donnera l’élan nécessaire pour s’adapter à sa nouvelle vie, car « il faut s’adapter » …
Fernand est de ces êtres rares qui portent le bonheur en eux quoiqu’il arrive, le diffusent, le partagent avec une détermination profonde avec ceux qui sont désormais son unique univers :
"Les vieilleries du Perce Neige n’avaient-elles pas le droit à vivre et exiger une existence comme tout le monde ? N’avaient-elles plus, ces vieilleries-là, le droit de décision sur la dernière chose qu’il leur restait encore après qu’on ait tout pris de leur passé, qu’on les ait banalisées, quelconquisées ?"
Félicie, une des résidentes des lieux, va précipiter cette contagion et l’obliger à refaire usage d’un don naturel qu’il était pourtant déterminé à garder bien caché dans un coin de sa mémoire. Le don d’aider et secourir ces « âmes fêlées » comme il les nomme avec une empathie et tendresse toute particulière.
Fernand devient alors un véritable catalyseur de toutes ces énergies qui avant son arrivée, étaient destinées à s’éteindre.
C’est un tsunami d’événements inattendus et improbables qui va déferler sur le Perce Neige jusqu’alors engourdi.
"Elle était devant nous cette réalité et nous, pauvres bougres,on ne la voyait pas. C’est comme la lune…les gens la regardent mais ne la voient pas. Vous savez, c’est bien souvent qu’on ne voit pas les choses vraies de la vie ! Monsieur Fernand nous a appris cela aussi » dira Félicie."
Ce roman, un véritable conte moderne diront les sceptiques, est un condensé de tendresse et d’énergie. Il nous révèle une émouvante perception de l’Essentiel, une volonté profonde de connexion entre les êtres et la Nature qui les a invités là.
On se prend à souhaiter faire un jour une telle rencontre, pour être contaminé à notre tour, avoir son « Fernand », son « antalgique naturel », son « semeur d’espoir », son « répandeur de lendemains meilleurs », son « temps des cerises ».
De ce subtil et touchant récit, vous découvrirez qu’il existe « un arc-en-ciel sous la lune », et la seule chose que vous détesterez lire à la dernière page, sera le mot FIN .
Ambiance polar sans en être un, ce roman noir (très noir) mais également optimiste nous interroge sur la place de l’homme dans la nature, dans le monde.
Après avoir été totalement détestable dans son comportement, Simon finira, au fil des pages, par se remettre en question grâce à son handicap…
Si je reconnais à l’auteur une plume (bienveillante) des plus intéressantes et une construction vraiment remarquable du personnage principal, j’avoue avoir parfois trouvé le temps un peu long au moment des dialogues entre Simon et Kate mais cela ne m’a pas empêché d’apprécier le livre.
Ma chronique sur https://arthemiss.com/lhomme-en-equilibre-de-martial-victorain/
Fernand est veuf depuis longtemps. Après avoir élevé seul son fils, maintenant partir travailler à l'autre bout de la France, Fernand perd aussi son chien. Le voilà donc seul dans sa maison à la campagne, face à la vieillesse et à la solitude.
Pour ne pas finir ses jours seul, il a donc vendu sa maison en viager et, après avoir dit adieu à son coin de nature, il a chargé ses affaires dans sa voiture et s'est mis en route pour le Perce-Neige, une maison de retraite.
Mais à l'instar des héros du roman de René Fallet, "Les vieux de la vieille", ce que Fernand découvre au Perce-Neige n'a rien à voir avec les promesses alléchantes sur papier glacé du prospectus !
Cloitrés dans les odeurs de détergent et les parfums de synthèse, quelques dizaines de vieillards attendent la mort et se complaisent à comparer leurs maladies et leurs ordonnances.
Hors de question de Fernand, magnétiseur et un peu rebouteux, qui n'a jamais pris un cachet de sa vie et qui aime plus que tout sa balade matinale dans la nature, avant le lever du jour, accepte de se fondre dans le moule de ce mouroir. Hors de question pour lui de devenir un de ces petits vieux ratatiné par l'âge et la solitude, qui attend la fin en mangeant une nourriture insipide et des médicaments !
Pour redonner le goût de la vie aux pensionnaires du Perce-Neige et leur rendre un peu de joie de vivre et de confiance en eux, Fernand usera de tous les moyens à sa disposition, avec la complicité de Charles, le veilleur de nuit. il ira même jusqu'à leur faire faire l'école buissonnière !
Mais face aux souffrances, aux manquements parfois du personnel, à l'emprise du médecin de la maison de retraite et à l'abandon par les proches, Fernand va avoir bien du pain sur la planche, d'autant que son passé ressurgit sans crier gare.
Marial Victorain déploie ses talents de conteur avec ce roman tout en finesse, justesse et douceur. Il explore avec poésie et empathie l'univers doux-amer de ces personnes âgées, fait d'attentes, de déceptions et parfois de bonheurs simples et inattendus.
Lauréat du Prix Vaugelas tout récemment, c'est un écrivain prolixe qui fait vivre tout un monde avec simplicité et un réalisme troublant.
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