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Lumineux, inestimable, « K comme Almanach » est un livre-monde. Un edelweiss à flanc de rocher.
« A son retour, à l’aube, il n’était pas rare qu’il les croise encore attablés, entre pousse-café et café réconfort. L’immeuble ne connaissait pas le désenchantement des lundis matins… Lorsque Simon retourna au lacmer, le temps était à la grosse vague, le ciel zébré de crevures, la palette grisâtre. »
La fable s’éveille. Simon prend place. L’allumeur de réverbères, dans une ville en déliquescence. Les habitants fuient les uns après les autres vers Belgador. Une navette qui perce le ciel vers le méconnu, métaphore d’un Eden . Eux, accrochés aux parois vers une destination mystérieuse. La magie d’un nouveau monde, l’émigration parabolique. S’échapper d’une ville qui agonise. Conte utopique, à la croisée des perditions. Simon reste sur la terre ferme, lampiste résistant. L’écriture est intemporelle. Initiatique, boréale, tout est au ralenti. Tant de regards, de compassions pour ce langage bleu-nuit, intrinsèque et si doux que son chant est un murmure.
Simon est seul. Flore, son épouse est partie. L’effondrement des murs porteurs, il observe les palpitations de sa ville en délitement. Métaphore écologique, Simon et le recommencement de l’amour.
« Dans la barque disloquée, il y avait un paquet blanc, dans ce paquet blanc, un enfant… Donne ta main… Pareil à l’aurore, le visage du petit s’illumina et ses doigts cherchèrent ceux de l’autre. »
La litanie lève le voile. Hors du temps dans cette orée crépusculaire, la ville perd les siens, tout vacille. La trame est le macrocosme. Un réverbère allumé chaque soir, pavlovienne gestuelle.
Écoutez : « D’habitude l’homme éteint la lumière pour endormir l’enfant. Ici cet homme allume une à une les lumières de la ville pendant que l’enfant se laisse aller dans une charrette transformée en berceau. »
Bergador, le mirage, les prairies jachères fleuries, entre rêves et désirs, ils, elles et chaîne humaine. D’aucuns ferment les volets, un pas de plus pour que la ville se meurt à petits feux. Elle se recroqueville, affamée et blessée dans ses chairs. Le lacmer, mer et lac soudés, indociles et ravageurs. Il aurait suffit d’un signe pour tout changer.
Les navettes percent le ciel telles des craies. Rester, forger l’enfant à la survie. Les mots étoiles filantes, le petit, le charme d’un viatique symbolique dédié aux spéculatives sèves. Le récit est un seuil. Franchir le premier pas, toucher du doigt les personnages qui encensent l’idiosyncrasie d’un territoire, encore un peu pour demain. Georgette, Novembre, Pivert (comme je l’aime!). Les paroles sont les balles d’un jongleur. Marie-Jeanne Urech souffle sur les braises. L’histoire est une guirlande flamboyante. Ici, tout est lumière, cherche et tu trouveras la pleine lune . Un texte qui foudroie par sa beauté et ses alarmes. Les êtres qui gravitent entre les rues, les murs, les secrets et les forces altières sont des réverbères. L’atmosphère est un cercle, un huis-clos. La passation des pouvoirs entre Simon et L’enfant est la transmission de la vie-même. Pétri d’humanité et de tendresse, nous sommes dans le théologal et ses profondeurs signifiantes.
« Tu sais petit, soleil et lampiste sont frères. L’un chasse l’autre, mais tous deux s’attendent. »
L’Almanach , calendrier perpétuel dévorant d’amour. On ressent les jours qui s’envolent comme des lucioles. On vacille sous cette apothéose, les sous-entendus et les degrés qui agitent leurs prouesses.
« L’espace n’est pas ce qu’il prétend être. Il nous confine… Taille tout ce que tu peux et demain tu seras plus grand… L’espace c’est beau de loin. »
Ce livre est une révélation qui excelle l’humain. Il a ce pouvoir de conter les rêves blessés, les échos à la minute même, la constance et la connivence. La tendresse est son parchemin et la magnanimité, sa splendeur. Ses gravités sont des étoiles filantes. La navette, la tragédie de nos perditions. Il est un levier, une marelle entre ciel et terre. Il sonne le glas de nos erreurs et de nos arrogances. Publié par les majeures Éditions Hélice Helas. À noter une magnifique illustration de couverture de Marie-Mo. L’Alcazar littéraire !
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