Une librairie éphémère, plus de 40 auteurs, une nuit inoubliable ! La Nuit blanche des Livres.
Nathalie Iris, de la librairie Mots en Marge organise chaque année en juin "La Nuit Blanche des Livres" à La Garenne Colombes. Dans ce lieu d'échange, les auteurs viennent à la rencontre de leurs lecteurs pour une grande fête du livre joyeuse et...
Après avoir établi une liste de vingt-huit romans le 21 mars, le jury du Prix Orange du Livre s'est réuni pour sélectionner les cinq romans finalistes. Retour sur des débats animés et consensuels ! L'équipe du Prix Orange du Livre remercie...
Une librairie éphémère, plus de 40 auteurs, une nuit inoubliable ! La Nuit blanche des Livres.
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Dans les coulisses du jury
Visionnez le replay de la soirée de lecture des cinq romans finalistes du Prix Orange du Livre
Ce n’est pas ici que je raconterai ma rencontre improbable, digne d’un roman, avec Lucile Bordes, car là n’est pas le propos. Mais elle m’a permis de lui acheter son petit dernier, un recueil de nouvelles aux couleurs vives et au titre intrigant "Aurélie et autres femmes sans nom" et de m’en régaler, car oui, il est délicieux.
J’aime les nouvelles, sans doute parce que, pour moi qui ne suis guère ordonnée, qui aime vagabonder, grappiller, elles sont synonymes de sentiers non balisés, de détours, de sauts par-dessus les pages. C’est ainsi que j’ai laissé pour la fin la plus longue d’entre elles, la première : "Aurélie". Et j’ai déambulé de l’une à l’autre, j’ai visité toutes celles qui n’avaient pas de nom. Et quelle belle balade entre ces femmes que l’auteur dépeint avec tant de talent. Son écriture est élégante, elle est simple comme peut l’être la beauté, sans fard ni artifice. Il y a de l’absurde dans ces histoires, de l’humour et de la tristesse. Il y a cette femme qui réclame une feuille de recensement à remplir pour son fils emprisonné, celle qui suit avec difficulté son amoureux dans un parc floral, et qui voudrait pouvoir lui dire qu’elle en a assez. Il y a celle qui mange du homard, seule à sa table parce que…dit-elle "Je veux t’écrire encore. Appuyer sur la touche « envoi » et que ça parte vers toi dans l’espace…Alors je tape, l’écran tourné vers l’au-delà…" et aussi celle qui parle avec sa mère des personnages de son feuilleton quotidien comme s’il s’agissait de membres de sa famille. Toutes ces femmes aimeraient être autres, se libérer de quelque chose, s’émanciper.
Et puis il y a Aurélie, la première nouvelle, dernière lue. Après tout, j’aurais peut-être dû, tout de même, commencer par elle. Elle est le fondement de tout, le modèle exclusif de ces femmes sans nom mais poussées par le même désir de vivre par soi-même. "Veuve ! Ça veut dire être de nouveau dans les rails, ça, non ? Récupérer un statut honorable, redevenir une honnête femme ! La liberté en plus ! … La vie commence enfin ! Aurélie ne dépend plus de personne, en éprouve une sorte de vertige, ne pense qu’à ça." Voilà ! C’est leur souhait à toutes : l’émancipation.
Un recueil de nouvelles, portraits de femmes bien ficelés, à l’écriture variée et belle : un régal ! Je l’ai déjà dit ? Qu’à cela ne tienne, je le répète !
https://memo-emoi.fr
Après quinze années d'abstinence dans l'écriture, Félicité se remet à la tâche pour offrir à un certain Eddie une longue litanie et un cri de rage.
Avec un titre interrogatif et un prologue énigmatique, le roman de Lucile Bordes a excité mon appétit de lecture. Il s'ouvre en 2018. Félicité vit alors au Bas-Pays, là où les hommes, ceux « qui bute(nt) les orangs-outangs », sévissent.
Mais, comme elle fait partie de cette espèce qui détruit tout, elle se sent complice des actes commis au nom d'une soi-disant supériorité sur la nature. Le poids de la culpabilité la pousse à quitter ses semblables pour rejoindre le Haut-Pays, sorte de réserve préservée où nous la retrouvons, en pleine communion avec son environnement, vingt-cinq ans plus
tard. Là où elle a échappé à une société proche de celle décrite par George Orwell il y a plus de soixante-dix ans.
Par la voix de Félicité, Lucile Bordes nous livre une réflexion salutaire sur l'utilité de l'écriture, et de l'art en général, à l'heure des urgences climatique, migratoire et sociale (rappelons que Théophile Gautier écrivait : « Tout ce qui est utile est laid »). Le roman engagé et dérangeant a-t-il encore un avenir dans une société prise d'une frénésie d'hyperactivité ? A contrario, la « littérature-brushing », « gentille, lisse et polie » aurait de beaux jours devant elle. Comme un pansement sur nos névroses...
Si j'ai apprécié la belle écriture, entre gouaille et lyrisme, de l'autrice ainsi que l'intelligence de son constat sur l'éloignement de l'homme de la nature comme s'il y était étranger, alors qu'il lui appartient au même titre que les oiseaux, les arbres et les pierres, j'avoue que j'ai été parfois un peu perdue et un peu perplexe face à un afflux de redondances. Mais c'est un peu la loi du genre, celui de la fiction engagée.
Ce roman fait partie de la sélection 2022 du Prix des lecteurs de l'Armitière.
EXTRAITS
La folle écrit pour les hommes du futur des histoires de maintenant.
Tout est data depuis longtemps.
J'ai laissé au Bas-Pays le travail de la beauté à sauver chaque jour. Ici elle est indiscutable.
http://papivore.net/litterature-francophone/critique-que-faire-de-la-beaute-lucile-bordes-les-avrils/
L'écriture qui peut transformer le monde
D'une plume soignée, Lucile Bordes raconte l'exil d'une femme face à un monde qui part à vau-l'eau. Félicité recherche le silence et la solitude. Jusqu'au jour où elle trouve un carnet et un stylo.
En passant du Bas-Pays au Haut-Pays, Félicité a changé de vie. Un choix dicté par un constat douloureux, le monde va mal. En mettant des œillères, elle pourrait se dire qu'elle a un mari, un poste d'enseignante, qu'elle vit au bord de la mer, qu'il y a bien pire comme situation. Mais dès qu'elle pose un pied dehors et doit affronter un univers anxiogène. Si elle passe près d'une demi-heure à faire le plein de sa voiture, c'est en raison d'un mouvement social qui bloque les raffineries. À la télévision, elle a vu cette image de l'exploitant d'huile de palme qui a abattu un orang-outang. La folle qui vit dans sa voiture laisse à la peinture blanche des mots qui envahissent tout, comme ce bienvenue en grandes lettres devant le centre pour mineurs isolés qui pourrait bientôt accueillir des migrants dont personne ne veut. Non décidément, le monde ne va pas bien. Par inadvertance, elle a marché sur une lucane et la carapace écrasée de l'insecte la hante. Il se pourrait même que ce banal incident ait entrainé sa décision de changer de vie. Une nouvelle version du battement d'aile d'un papillon en quelque sorte.
Elle décide donc de «fuir ses semblables, de se mettre à l'écart du monde».
Quinze ans plus tard, là-haut, elle se souvient.
«J'avais alors quarante ans, un mari, un travail, une maison. Et quoi? Qu'est-ce que ça dit de moi? Je n'avais pas de plaisir. Tout me pesait.
L'écriture même était devenue un fardeau. J'aurais aimé qu'elle soit magique, qu'elle ait le pouvoir de modifier les choses, de leur donner du sens, mais elle n'était qu'un regard, rien de plus qu’une façon d'être. Je ne supportais plus son ambivalence. Qu'elle soit à la fois la preuve irréfutable de mon humanité et le signe flagrant de mon anachronisme.» Désormais, le silence et la solitude seraient ses compagnons. Elle allait se délester du monde, de l'écriture.
Lucile Bordes découpe son roman en trois parties. Après le constat qu'elle situe en 2018, elle raconte la nouvelle vie de Félicité en 2033, avant de revenir en 2030, au moment où une rencontre va bousculer ses plans, faire vaciller ses certitudes. D'une plume délicate, elle va retracer cette quête, ce besoin vital de laisser une trace. Sans aucune certitude, mais avec l'intuition que les écrits restent. Qu'ils peuvent changer le monde. La force de la création serait-elle la réponse à la question du titre?
https://urlz.fr/idou
Le roman commence sur un cri de rage. Deux pages de colère, de ressentiment, les confidences d’une femme qui avait renoncé à l’écriture et reprendra la plume pour dire son mal-être. Ces phrases dures se construisent dans un futur proche. L’expiation suivra.
On revient en arrière, en 2018 alors qu’une fébrilité malsaine semble agiter la population du Bas Pays : les queues se forment aux stations d’essence, le climat est hautement délétère. Les tâches se poursuivent cependant, et la narratrice participe à des sélections de candidats sur dossier, alors que la grogne s’amplifie avec l’arrivée de migrants indésirables. Les propos ignorants et malveillants l’irritent mais son attention est attirée par une femme vite qualifiée de folle, qui obsédée par un métronome, illustre de propos bien sentis les surfaces publiques qui s’offrent à elle.
C’est en 2033 que se pursuit le récit. On a rejoint le Haut Pays, dans un décor désolé, alors que tout semble sous haute surveillance : le lieu est un passage reconnu pour ceux qui voudraient franchir la frontière.
Peu de personnages, mais des portraits taillés à la serpe autour de cette narratrice écorchée, en équilibre entre deux mondes contigus, celui d’avant en sursis sur ses contradictions et celui d’après où ce qui subsiste est ce que l’on redoutait le plus, un monde inhumain campé sur les droits qu’il s’arroge.
L’écriture, celle là même à laquelle la narratrice dit avoir renoncé, est magnifique, très expressive et porte la colère et la désespérance avec noblesse et légitimité.
Un récit comme une prophétie, qui déroule les possibles inscrits dans les incidents de nos vies.
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