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Discrétion ou ruse marketing, de l’auteur de ce roman l’on ne sait rien, sinon ce que le récit prétend laisser croire. Lui et le narrateur ne seraient qu’un, et sous le pseudo, anagramme de « le vieil homme », se cacherait à la fois le fils d’un espion du KGB installé à New York et l’ami de toujours du champion d’échecs américain Bobby Fischer. Célèbre pour avoir mis fin en 1972, en pleine guerre froide, à l’hégémonie soviétique qui perdurait sur le titre depuis 1948, ce génie inégalé d’un jeu alors devenu affrontement politique avait à nouveau stupéfié le monde trois ans plus tard, quand, sans explication, il s’était déclaré forfait lors de la remise en jeu de son titre. L’explication, détonante si l’on en croit les supposées révélations de cet ouvrage, le narrateur était bien placé pour la connaître. C’est incognito qu’il se décide à la révéler dans ces pages, déplaçant le mystère vers... sa propre identité cette fois. A moins que l’indice de sa maîtrise, autant de la langue que des références littéraires françaises, ne suffise à faire pencher le lecteur perspicace vers l’hypothèse de la mystification romanesque…
Empilant donc les manipulations en un échafaudage à plusieurs étages incluant le lecteur lui-même, l’auteur s’empare de faits historiques propres à frapper les imaginations, entre un joueur iconique qui « était aux échecs ce que Mozart est à la musique » – champion des Etats-Unis à quatorze ans, grand maître à quinze ans, champion du monde à vingt-neuf ans à l’issue de ce qu’on appela le « match du siècle » –, son retrait inexpliqué alors qu’il passait pour imbattable, et le déplacement de la guerre froide à l’intérieur d’un plateau de soixante-quatre cases, pour y adjoindre la construction d’une intrigue encore plus hallucinante.
Tout part de cette affirmation des dirigeants soviétiques au lendemain de leur défaite politiquement trop symbolique contre Bobby Fischer : "Dans trois ans, au prochain championnat du monde, notre fier représentant écrasera l’Américain !" Encore leur faut-il en trouver le moyen, puisqu’en vérité aucun Russe ne se sent en mesure de le battre. Parce qu’il figerait définitivement Bobby en vainqueur mythique, le poison – tant craint par le champion qui, dans la vie réelle, ne quitta plus une petite valise emplie d’antidotes – est écarté. Et le KGB se met activement à la recherche du génie capable de trouver la solution. Il va se matérialiser sous les traits d’une femme, surdouée à tendance Asperger, qui, puisque la cible ne vit que pour les échecs, va elle aussi s’immiscer à l’intérieur des soixante-quatre cases, pour une partie convoquant – excusez du peu – Dieu lui-même. Mais peut-être devrait-on également évoquer le Diable, tellement cette histoire est une prouesse d’ingéniosité machiavélique…
Si l’on peinera sans doute à trouver ce texte tout à fait brillant, tant rebondissements et twists, qui plus est un peu trop scolairement surchargés de références littéraires et philosophiques semblant parfois au récit comme autant d’artificielles décorations en stuc, finissent par former une accumulation presque aussi épuisante qu’abracadabrantesque, l’on restera néanmoins estomaqué par la virtuosité inventive de ce roman, bien décidé à embrouiller son lecteur en mimant ingénieusement toutes les apparences de la véracité. En somme, un monument de manipulation…
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