Hors des sentiers battus, des ouvrages étonnants pour assouvir votre soif de découvertes
Hors des sentiers battus, des ouvrages étonnants pour assouvir votre soif de découvertes
Magnifique premier roman. Léon et Marie s’aiment et le livre commence après la fausse couche de Marie. Chacun vit ce drame à sa façon. Marie crée Amande une poupée avec des mèches de cheveux volées aux enfants. Le récit bascule dans le fantastique, le fantasme quand ils décident d’en essayer un. Difficile à raconter mais laissez vous embarquer dans l’écriture de Léna Pontgelard.
Le début de ce roman fait craindre le développement autour d’un drame difficile à vivre malgré sa fréquence. Une fausse couche est un événement traumatisant pour de nombreuses femmes, surtout si le désir d’enfant s’érige en maître ! Mais le sujet, malgré l’empathie qu’il peut susciter, n’est pas de plus romanesques.
L’autrice, avec un savoir-faire remarquable fait évoluer à petites touches le propos : le chagrin laisse peu à peu la place à la folie…
Avec un crescendo savamment orchestré, le récit de ce délire d’un couple obsédé par le désir d’enfant n’en reste pas là. De nombreuses réflexions sur la parentalité, la place d’un enfant dans le monde actuel, mais aussi le quotidien d’une famille avec les contraintes que cela suppose, toutes ces questions sont évoquées à travers le prisme de de la folie.
Quelques maladresses grammaticales que le plaisir de lecture fait oublier.
Etonnant et questionnant
320 pages Panseur 11 janvier 2024
« Une si moderne solitude » est le piédestal littéraire. Une expérience de lecture atypique dont on ne sort pas indemne, tant elle est existentielle.
Magistral, aux lisières de la folie, lorsque la douleur est trop vive. Ce roman est une gageure. Une prouesse d’écriture essentielle, impressionnante et singulière.
Nous sommes dans un premier roman né depuis des millénaires. Un chef-d’œuvre dont on retient le regard, l’envoûtement et le cri.
Ici, c’est la matrice. Le cœur de la vie et le nid vide d’enfant. Le battement d’ailes (d’elle), Marie qui vient de faire une fausse-couche. Amande est dans les limbes. Elle aime Léon. Léon l’aime. Le récit n’est pas sous la première épaisseur. Il faut briser l’écorce. Pénétrer ce livre inestimable et se heurter de plein fouet au manque et au vide. La douleur vive et le don inné de Léna Pontgelard qui va briser les carcans d’un drame. Bouger la trame avec force entre le fantastique, l’étrange et les fantasmes à fleur de peau et de sens.
Léon et Marie sont dans cet après.
« Alors j’observe mon bureau. Ce n’est pas vraiment le mien, je fais simplement comme si. Parce que je suis autrice, et que les livres se vendent, j’ai droit d’être bizarre. Incompréhensible, différente. Pourtant, je suis de la même multitude qu’eux. »
Léon est en veille. La lumière blafarde, l’antre grise. Le rituel d’un deuil en advenir. Pas maintenant, pas tout de suite. Il est en posture métaphysique. Entre un réel assourdissant et Marie qui va tel le rocher de Sisyphe, franchir l’autre versant, vaincre l’enfer. Les rêves comme des ancres jetées en mer dont le grincement est le signal d’une autre couleur, être à la limite de la normalité. Le vide et ses démons et ses gestuelles déplacées vers l’errance intérieure.
Créer une poupée : Amande, tel son enfant, avec des vrais cheveux enfantins. Se réfugier dans la cabane, grotte-abysse, ventre, réinventer une maternité avant le final.
« J’ai besoin d’être seule avec lui. » Léon et Marie, fusionnels et déraisonnables. Ils sont en dérive, et flottent sur la zone d’ombre. Les dangers comme une prison mentale. Séquestrés dans cette radicalité, au plus profond des vacillements intérieurs. Ils inventent le scénario de la survie. La noirceur étincelle. « Mais lorsque mon corps a tenté de reprendre ses droits, je me demande si mon esprit, vexé, ne s’est pas vengé. Désormais, je le sais, je préfère la fiction. » « J’ai tout de même perdu un enfant. Plutôt un drap blanc qui nous a traversés la nuit, dans les couloirs d’un manoir hanté. Un petit rien, de la taille d’une amande . »
Le blanc ténébreux écarte les branches immanquablement. Le paroxysme d’un basculement vers un thriller psychologique. « Marie, je peux ? Léon m’a dit qu’il fallait que je te demande parce que j’allais me salir. J’ai pas de dehors chez moi… S’il te plaît ! »
Caustique, glaçante, Marie est mythomane. « Je ne sais pas. Ça dépendra s’il enlève ses chaussures avant de rentrer. »
Cet enfant simulacre, qui franchit le seuil d’une psyché tourmentée, semble imaginaire. Nous sommes dans le plein d’un récit d’ombres et d’angoisses. La quête d’une survivance. Le lâcher-prise avec Amande, poupée-fils. Tom semble fantomatique. La traversée du miroir dans cette invisibilité frissonnante. La parentalité comme un mime glaçant. « Mais je sais qu’elle reviendra la culpabilité. Dans dix ans. Avec une lanterne qui aura déformé plus que son nom et qui éclairera toutes mes nuits. Je commence à entrevoir l’intérêt d’un enfant. Si je veux, je peux le faire malpoli. C’est un produit frais. »
Tom qui habite partout dans les moindres recoins est un fantasme. La mort en arrière-plan. Le mimétisme dans l’immensité d’une satire qui féconde l’allégorie du mal.
Ce roman est un défi au conventionnel, « Harold et Maude » dans notre vive contemporanéité. Il est d’une puissance rare. Stylistiquement majestueux et féroce. Il bouge les normes, secoue et devient l’exploit d’une création. C’est une fresque mentale. L’abîme métaphysique qui oscille entre la chute et la résilience. « Une si moderne solitude » est une lutte pour résister autrement. Publié par les majeures Éditions du Panseur.
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