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"La servitude est volontaire, presque heureuse. L'usine m'a eu, je n'en parle plus qu'en disant Mon usine."
Il y a l'usine, ou plutôt les usines, qui se succèdent les unes aux autres, celle de crevettes, celle de poissons, et même l'abattoir.
Le travail est précaire, quelques jours, quelques semaines au plus. Les horaires décalés, les conditions difficiles, les tâches s'enchaînent sans fin. Alors on se rattache à ce qu'on peut, chaparder quelques crevettes, retrouver son chien en rentrant chez soi, les promenades en bord de mer.
C'est du Zola moderne, entre aliénation par le travail et poésie. C'est du témoignage concret, réel, venant de ceux qui ont les doigts dans la glace, les pieds dans le sang et la tête ailleurs, rêvant déjà de la prochaine pause et de la débauche.
Je n'ai pas lu le roman de Joseph Ponthus, qui est pourtant depuis bien trop longtemps dans ma liste d'envies, je ne peux donc pas vous dire si c'est une bonne adaptation, mais personnellement, j'ai vibré aux rythmes des cadences infernales.
Évidemment, c'est politique, évidemment, ça touche en plein cœur, évidemment, c'est à lire absolument.
Il est des livres qui marquent et qui font date. « A la ligne : feuillets d’usine » de Joseph Ponthus publié en 2019 en fait partie.
On pourrait penser qu’il faisait écho à d’autres ouvrages sur le monde du travail comme « l’Etabli » de Robert Linhardt qui avait lui aussi marqué son époque.
Mais l’écrit de Ponthus était beaucoup plus que cela en étant traversé par l’humanisme de l’auteur, la poésie salvatrice dans des vies dures, la sociologie des relations au travail, l’économie et les contraintes du « travailleur libre mais contraint » avec des boulots difficiles comme il peut y en avoir notamment dans l’industrie agroalimentaire dans le monde de la pêche et des abattoirs avec des conditions de travail extrêmes (froid, sang, …) et des cadences souvent insoutenables, l’amour qui peut conduire à accepter ces « boulots alimentaires » avec la précarité marquée du travailleur intérimaire, juste pour avoir de quoi vivre matériellement, …
« A la ligne », c’était l’illustration de l’incapacité à faire des dissertations après une longue et dure journée (nuit) de travail, du besoin d’écrire juste quelques lignes. C’était aussi une façon de décrire le monde du travail et des « lignes de production » avec leurs cadences et objectifs.
J’avais trouvé ce livre tellement puissant et singulier que je l’ai offert à plus de 60 personnes (amis et collègues de travail) et que je continue … c’est dire !
C’est dire aussi que j’étais un peu sur mes gardes à la lecture de l’adaptation en BD par Julien Martinière. Avec le choix des dessins pointillistes en noir et blanc et une assez grande fidélité au texte original, Martinière produit un travail sur le monde du travail avec des illustrations assez percutantes notamment des abattoirs et des conditionnements des crustacés. Cette mise en images est à saluer comme une contribution complémentaire au livre de Ponthus. Il ne faut donc pas hésiter à lire le A la ligne de Matinière.
Il ne peut néanmoins préserver la spécificité de l’écriture (et notamment du texte enchainant les lignes et captivant le lecteur au point de ne pas pouvoir lâcher le livre) et le lien que Ponthus parvient à créer avec le lecteur.
Et donc : il faut aussi relire Ponthus !
Traîner sur le canapé en attente d'une éventuelle embauche n'est pas possible. Alors Joseph se résout à bosser en interim, dans l'agroalimentaire, à l'usine. Parce qu'il faut bien travailler, gagner des sous. Au fil des jours, voilà que cette usine bretonne de production et transformation de poissons et crevettes déclenche une envie d'écrire.
Alors Joseph Pontus se met à raconter sa vie d'intérimaire. C'est son roman qu'adapte ici Julien Martinière. De crevettes en cochons, de jour comme de nuit, il raconte la fatigue, la répétition des tâches, les odeurs, le froid. Mais sans jamais s'en plaindre vraiment. Non, il en retient plutôt une "paradoxale beauté" mettant en avant le collectif, la valeur travail mais questionnant aussi le capitalisme et rendant hommage à tous les ouvriers, les invisibles.
Si l'écriture lancinante a son importance (le roman a gagné deux prix en 2019), le dessin de Julien Martinière est davantage qu'une simple mise en scène graphique. Son trait noir à l'encre est fin et précis. Il sait se faire brut mais aussi évocateur lorsque l'imaginaire de l'auteur, son appel à la littérature, prend le dessus. N'est-elle pas salvatrice cette capacité à convoquer l'imaginaire lorsqu'on trime huit heures de suite avec des bulots ?
Avec une écriture forte et un dessin d'une grande finesse, A la ligne est un roman graphique politique et engagé. Ce très beau livre est à la fois un témoignage marquant et un manifeste contre l'aliénation du travail.
Un tome 3 avec une tension énorme en compagnie de Chu', Djack et ZeCrow. L'intrigue est prenante mais l'angoisse met plus de temps a apparaitre, les personnages sont très attachants. De nombreux dangers et de rebondissements, un rythme efficace, un roman d'ambiance.
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