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Franck Bouysse en a parlé dans un salon et j'ai été intriguée bien que ce ne soit pas mon genre de lecture habituel.
Un roman inspiré d'une histoire vraie, qui s'est déroulée au XVIe siècle, dans ces contrées que les Européens croyaient être l'Inde, donc peuplée d'Indiens.
Un groupe de marins est massacré par des autochtones, à l'exception d'un jeune mousse de 15 ans, retenu dix ans, et qui, rentré dans son pays, racontera son histoire.
La traduction de l'espagnol (argentin) est bien faite, le langage recherché, les descriptions de la nature et des gens fluide et captivante.
Il y a bien des passages un peu durs dans leur authenticité mais le côté humain et poétique les surpassent facilement.
Une lecture très prenante et agréable pour moi.
C’est une chronique lue sur le blog de CulturaLivres qui m’a donnée envie de découvrir ce livre.
Ce récit romancé est inspiré d’une histoire vraie du XVIème siècle : en 1515, trois navires espagnols ont appareillé en direction du Nouveau Monde. Sur l’un des navires avait embarqué une jeune orphelin de 15 ans, devenu mousse.
Plusieurs mois plus tard, arrivés près de l’embouchure du fleuve Paraguay, une petite équipe d’hommes, dont le capitaine et le mousse, débarquent à terre. Les Espagnols sont massacrés, seul le mousse est épargné.
Fait prisonnier, il est emmené dans la tribu, les Indiens emportant avec eux les corps de leurs victimes.
Le jeune adolescent, qui ne comprend pas pourquoi il a été épargné, assistera à la fête organisée où les corps de ses compagnons seront dépecés, grillés et dévorés et à l’orgie alcoolisée qui s’ensuivra. Ce défoulement collectif faisant penser aux périodes de Carnaval au Moyen Age.
Ces Indiens androphages ne semblent toutefois manger de la viande humaine qu’une seule fois par an.
Tous les ans, à la même époque, la même chose se reproduira, les Indiens ramenant de leur « chasse » les cadavres d’autres tribus, toujours accompagnés d’un survivant, appelé » Def-ghi ».
Ce Def-ghi est renvoyé dans sa tribu d’origine quelques mois plus tard dans une barque chargée de cadeaux.
Le mousse espagnol, lui aussi traité comme un Def-ghi, ne retrouvera la liberté que 10 ans plus tard, quand un navire espagnol accostera tout près du lieu où vit la tribu. Renvoyé lui aussi dans une barque, il retrouvera ses congénères mais 10 ans passés dans cette tribu lui ont fait oublier sa langue maternelle.
Le récit qu’il fait de ses années de captivité, de sa compréhension du fonctionnement de cette tribu, de son langage, de leur compréhension du monde et de leurs croyances amène à celui de son retour en Espagne, de la transformation que son être intérieur pendant sa captivité et de son choix de vie ultérieur.
Je m’attendais en débutant la lecture de ce livre à une ressemblance dans les descriptions de cette tribu avec celles faites des Indiens Quechua par Luis Sepulveda dans « Le vieux qui lisait des romans d’amour ».
Il n’en est rien, en tout cas pas que je m’en souvienne.
Ce qui m’amène à penser que l’Homme primitif a toujours fait preuve d’une grande créativité pour penser l’origine de la Vie et créer des mythes et croyances.
Ce livre que j'ai récemment relu a confirmé qu'il pouvait vraiment rentrer dans ma bibliothèque idéale.
La traduction est d'une qualité rare et le style pictural et poétique m'a plongé dans un songe éveillé.
Ce jeune mousse qui est gardé en vie après le massacre de ses compagnons pour rendre compte et faire lien avec l'humanité de ce peuple, nous porte dans son histoire comme dans un rêve lointain.
Le retour dans son monde (le Portugal et l'Espagne du 16ème siècle) qui mène au bilan de sa vie nous pose question et remet en cause beaucoup de nos certitudes.
Le changement de focale en essayant de se glisser dans les yeux de l'autre est un fabuleux outil pour accepter l'altérité.
J'ai reçu ce petit livre par la Poste, envoyé par Geoffrey des éditions Le Tripode, accompagné d'un petit mot : « L'un des plus grands auteurs à mes yeux.»
Waouh ! Inutile de vous dire que ce genre de petite phrase ne peut qu'aiguiser au plus haut point ma curiosité… C'est ainsi que j'ai découvert un texte étonnant, effectivement très différent de ce qu'on peut lire actuellement : en effet, il se présente comme le récit d'un homme âgé qui, au début du 16e siècle, alors qu'il était encore un jeune orphelin sans expérience, s'embarqua sur un navire en direction de l'Amérique du Sud. A peine arrivés sur place, tous les hommes de l'équipage furent massacrés par des Indiens et le narrateur fut le seul survivant. Prisonnier, il vécut pendant dix ans auprès de cette tribu dont il tenta de percer les mystères.
Sachez que tout ceci est une histoire vraie : en effet, en 1516, trois navires, sous le commandement du capitaine Juan Diaz de Solis, quittent l'Espagne et abordent aux rives du Río de la Plata, vaste estuaire entre l'Argentine et l'Uruguay. Le mousse qui échappe à la mort se nomme Francisco del Puerto, il a 17 ans. C'est ce point de départ historique que Juan José Saer a voulu poursuivre à sa façon en imaginant que, de retour en Espagne, le narrateur âgé décide de raconter et d'analyser les souvenirs de ces dix années passées auprès des Indiens.
J'ai trouvé ce court roman fascinant, oui, le terme est fort et je vais tenter de préciser pourquoi je l'emploie : tout d'abord, j'ai été bluffée, comme on dit. J'ai en effet eu vraiment l'impression de lire un de ces fabuleux récits de grands voyageurs, je pense par exemple au Livre des merveilles du monde de Marco Polo (1298), au Journal de bord (1492) ou aux lettres de Christophe Colomb ou aux Histoires d'un voyage fait en la terre du Brésil (1578) de Jean de Léry.
En effet, dans L'Ancêtre, les descriptions à la fois des hommes, de leur mode de vie, de leurs mœurs, de leur langue même sont très précises : on y croit !
En même temps, le narrateur, plein de sagesse, exprime clairement son incapacité à déchiffrer ce qui fondamentalement est autre, à comprendre tout ce qu'il a vu, à tel point qu'on a vraiment l'impression de lire un témoignage très subjectif. J'ai beaucoup aimé cette idée que, finalement, aucune certitude, aucune vérité n'est possible : l'autre demeure inéluctablement un étranger...
On découvre en effet un peuple anthropophage : le narrateur raconte comment il a observé, sidéré, la façon dont ses compagnons de route étaient coupés en morceaux puis rôtis lors d'une espèce de barbecue géant avant d'être dégustés ! Mais, plus on avance dans l'oeuvre - et c'est une expérience d'ailleurs étonnante qu'il nous est donné de vivre -, plus on se dit que, finalement, ces Indiens n'ont rien d'effrayant, bien au contraire. Leur façon d'être, de concevoir le monde, leur rapport au temps, à la notion de réel, le sentiment qu'ils ont de la place qu'ils occupent sur cette terre sont tellement différents des nôtres que dans un premier temps, on les observe avec une certaine stupeur. Mais les analyses que le narrateur fait, alors qu'il est à la fin de sa vie, nous éclairent, nous font réfléchir et nous amènent à reconsidérer la première approche que nous avons eue de ces hommes et par là même, notre propre conception de nous-mêmes et du monde.
En effet, dans la dernière partie, assez philosophique, le narrateur, avec moult précautions, tente de comprendre ce peuple, cette expérience fondamentale qu'il lui a été donné de vivre. Et j'ai trouvé cela extraordinaire parce qu'on a vraiment l'impression de lire les propos d'un anthropologue alors que tout est fiction. Je vous donne un exemple : le narrateur explique que dans l'esprit de ces Indiens, ce ne sont pas eux qui dépendent du monde mais le monde qui dépend d'eux. Lourde responsabilité, n'est ce pas ? « Dans les deux ou trois lieues à la ronde qu'ils occupaient, sous un ciel indifférent, tous les actes humains étaient destinés à préserver, à tout moment, la constance improbable du monde que guettait, tenace, l'anéantissement. Même les jours les plus limpides et les plus paisibles étaient contaminés par cette menace. Chaque geste constituait un étai pour le monde prêt à la débandade ; chaque action, une forme imposée aux choses pour qu'elles ne se défassent point ; chaque regard, une façon, vigilante et soucieuse, de s'assurer que l'ordre précaire du tout avait condescendu, pour un moment encore, à persister.», « C'est pour cela qu'ils étaient, sans s'accorder aucune trêve, si efficaces et si anxieux : efficaces parce que le vaste jour et ce qui le peuplait dépendaient d'eux, et anxieux parce qu'ils n'étaient jamais sûrs que ce qu'ils édifiaient n'allait pas à tout moment s'écrouler.»
Peut-on parler d'une pensée écologique avant l'heure ? Oui, peut-être… Se juger responsable de l'ordre du monde… l'homme peut-il s'investir d'une plus noble mission ? Or, n'est-ce pas précisément cette mission que nous oublions chaque jour, persuadés que nous sommes d'être le centre et d'avoir l'univers à nos pieds… « Ce monde-là, ils le soignaient, le protégeaient, en essayant d'augmenter ou plutôt de maintenir sa réalité» , « on ne peut appeler sauvages des hommes qui assumaient une telle responsabilité...»
C'est un peuple qui réunit en un tout l'être, le lieu, le temps, ils sont à la fois eux-mêmes et le lieu où ils sont dans un présent qu'on n'imagine même plus à notre époque, plongés que nous sommes toujours dans l'avenir. Eux parviennent à être là, là dans le monde, à être le monde, dans une espèce de nécessaire réciprocité. « L'arbre était là et eux ils étaient l'arbre. Sans eux, il n'y avait pas d'arbre, mais sans arbre, eux n'étaient plus rien.», « Ils étaient eux-mêmes ce lieu.»
Fascinant, non ?
Comme je l'ai dit plus haut, il n'est pas facile pour le narrateur de comprendre le sens des événements dont il a été témoin, d'accéder à leur vérité : je repense, par exemple, à cette scène incroyable de cannibalisme où chaque Indien a un rôle très précis (et si manger le corps de l'autre revenait à l'honorer, ça doit bien pouvoir se concevoir, ça, non?), scène d'orgie et de beuverie où tout est excès (pour ensuite vivre en paix?) ou, quelques pages plus loin, à une scène de jeu où les enfants semblent se fondre en un seul corps (pour n'être qu'un?) Qui sont ces hommes pour qui « être» signifie « paraître» : « Dans cette langue, il n'y a aucun mot qui équivaille à être. Le plus proche veut dire sembler ou paraître», « pour les Indiens, tout semble et rien n'est», (est-ce une façon d'envisager l'existence comme un rêve, une illusion dans ce grand théâtre du monde…) ?
Nombreuses sont les questions passionnantes soulevées par ce texte…
L'Ancêtre fascine aussi par son écriture : les phrases, pleines de poésie, s'étendent souvent sur plusieurs lignes comme si elles cherchaient à saisir la quintessence de ces êtres et des paysages qui sont les leurs. Elles ont un je ne sais quoi de proustien dans leur recherche d'une forme de vérité. L'auteur semble vouloir décrire une espèce de beauté presque indicible, de pureté originelle perdue à jamais. Je préfère le dire, ce n'est pas une lecture facile, c'est un texte qui se mérite, qui se prête volontiers à l'analyse, à la réflexion, à la contemplation même et donc, bien sûr, et comme tous les textes riches, à la relecture...
Oui, Geoffrey, vous avez raison, ce texte que vous avez eu la gentillesse de m'envoyer est un très grand texte et, croyez-moi, j'ai le sentiment profond d'être loin, très loin d'en avoir fait le tour. Il me faudra y replonger pour tenter d'en explorer tous les mystères.
De tout coeur, merci !
LIREAULIT http://lireaulit.blogspot.fr/
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