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Et dire que j'avais laissé ce livre pour "plus tard" alors qu'il m'avait été grandement recommandé par ma libraire.
Erreur!, pas fatale heureusement. Quel beau texte! Une écriture classique, fluide.
C'est l'histoire d'une vie, j'ai repensé à G. de Maupassant. Une vie , celle d'un gamin de la campagne anglaise au début du XX siècle, fils de paysans et qui vouera sa vie à la littérature. Il passera ses années d'études et celles d'enseignant dans une université du Missouri(pas loin de 5 0 années). Il ne prendra pas le temps d'apprendre la vraie vie, d'où une sorte de raté dans celle ci , mais toujours en pensant bien faire.Il est dévoré par le besoin d'apprendre et d'enseigner , malgré parfois les vicissitudes du métier et ce jusqu'à sa mort. Superbe.
Accessoirement, j'ai remarqué qu'Anna Gavalda avait traduit ce roman pour lequel elle avait eu un coup de coeur . On ne peut que lui en savoir gré et lui pardonner ses facilités habituelles.
Voici un magnifique et troublant «western» qui se déroule à la fin des années 1870, dans le Kansas et le Colorado.
Will Andrews, est étudiant à Harvard. Bercé par la pensée de Ralph Waldo Emerson, le jeune homme est bien décidé à donner un sens à sa vie en se rapprochant de la nature et en découvrant l’Ouest. Il arrive à Butcher’s Crossing, petite ville du Kansas perdue au milieu de nulle part, peuplée d'hommes qui chassent les bisons pour leurs peaux et de quelques prostituées. Très rapidement il rencontre Miller, chasseur expérimenté, qui lui parle d’un des derniers grands troupeaux caché dans une vallée au fond des Rocheuses du Colorado. Il convainc Andrews de financer une expédition. Accompagné de Charley Hodge et de Fred Schneider, écorcheur averti, ils partent pour un long voyage et une grande chasse.
John E. Williams nous fait suivre toute l’expédition : le voyage aller, la chasse (ou plutôt la tuerie) et le retour à Butcher’s Crossing où ils découvriront un monde aussi irrémédiablement changé qu'ils l'ont été par leur aventure.
Ce livre est souvent classé dans la catégorie « western » en raison de son cadre et de son époque mais ça s’arrête là. Pas de cowboys, pas d'Indiens, pas de colons, pas de ranchers, pas de fusillades, pas de shérifs, pas de bandits. C’est un roman plus complexe qu’il n’y parait sur les hommes, leurs rêves, leurs motivations, et ce qu'ils sont prêts à faire pour les réaliser.
L’auteur plonge profondément dans la dimension psychologique des personnages qui tâtonnent dans l'obscurité à la recherche de réponses à des questions même pas formulées. Malgré leurs tempéraments disparates, les quatre hommes partagent leur insignifiance face à la grandeur impassible du monde naturel.
C’est aussi une vision déchirante, pure et sans romantisme de l'expansion incontrôlés des États-Unis vers l'ouest, des pillages des ressources naturelles et du massacre incontrôlé de la faune. Les scènes de chasse vont vous retourner l’estomac… Il y est bien évidemment question de l'avidité humaine, de la recherche du profit et des dérives du capitalisme.
Ce « western littéraire » est un roman de première classe, avec une intrigue forte, une atmosphère, des personnages convaincants, des descriptions magnifiques de la nature, des thèmes profonds, dérangeants et une intensité dramatique qui va crescendo. Toutes proportions gardées, il y a quelque chose de Moby Dick dans ce roman. Il n’est pas question de baleine et d’océan. Ici se sont les bisons et la nature qui servent de miroir aux obsessions des hommes, un miroir qui reflète leur moi sauvage.
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jessica Shapiro.
Ce roman paru en 1960 se lit comme un anti western tellement John Williams a épuré les codes de ce genre. Il y a bien des hommes rugueux, des prostituées perdues dans un saloon miteux, du whisky bu sec, le cadre somptueux du Colorado ... mais c'est à peu près tout. Les Amérindiens, figures incontournables des westerns, sont ainsi évacués en une phrase.
Surtout, sans aucune bande-son hollywoodienne, l'intrigue en elle-même est resserrée sur une ligne très intimiste, quasi introspective, centrée sur un personnage principal en quête de sens à donner à sa vie. le jeune Will Andrews a fui Harvard et ses promesses d'une vie confortable, littéralement aimanté par l'Ouest sauvage. Il tente alors la grande aventure en partant dans une chasse aux bisons annoncée comme phénoménale avec trois hommes qui ont l'expérience de ces expéditions.
Et là encore, l'auteur propose une torsion de l'attendu, cette fois, du genre roman initiatique. Bien sûr, Andrews va devoir affronter une Nature déchaînée, la faim, la soif à rendre fou, le blizzard à la Jeremiah Johnson. Mais avant tout, ce sont ses fantasmes de régénération loin du monde qu'ils voient exploser à la confrontation de la réalité. C'est face à lui-même qu'il va se mesurer pour savoir ce qu'il a dans les tripes, dans le coeur et dans la tête pour se construire en tant qu'homme, sans dérobade possible.
« Il comprit qu'il n'avait pas fui parce qu'il était écoeuré par le sang, la puanteur et les entrailles visqueuses. Il comprit que ce qui l'avait rendu malade, c'était le choc de voir le bison, si fier et noble quelques moments auparavant, désormais nu et impuissant morceau de viande inerte qui se balançait, grotesque et moqueur, devant ses yeux, dépouillés de son identité, ou plutôt de l'identité qu'Andrews lui avait prêtée. Cette identité avait été tuée ; et Andrews avait senti dans ce meurtre la destruction de quelque chose en lui, auquel il ne parvenait pas à faire face. Voilà pourquoi il s'était détourné.
Encore une fois, dans l'obscurité, sa main se faufila hors des couvertures pour tâter son visage, étudiant le renflement froid et rêche du front, suivant le nez, effleurant les lèvres gercées frottant la barbe épaisse à la recherche de ses traits.
Lorsque le sommeil l'envahit, sa main reposait encore sur son visage. »
Butcher's crossing est un roman empli de scepticisme, profondément mélancolique et désenchanté. Pas un hasard si John Williams choisit de situer son roman dans les années 1870, un point de bascule pour l'Ouest, les gigantesques hardes de bisons ont déjà été décimées par exemple. Dans cet Ouest en pleine mutation, ce n'est pas le pouvoir rédempteur de la Nature virginale qui est mis en avant, c'est la Nature en tant qu'expérience transcendante qui va bouleverser Will , mais pas comme il le pensait.
Un western révisionniste au souffle intemporel et à la beauté singulière. La fin est très puissante tout étant une large part de projection et d'imaginaire au lecteur.
⛺ Butcher's Crossing - John Williams ⛺
Traduction : Jessica Shapiro @editions1018
Andrews a quitté Boston pour Butcher's Crossing en quête d'aventures dans l'ouest sauvage. Il y rencontre Miller, chasseur expérimenté qui le convainc (très facilement) de financer et de prendre part à une expédition de chasse dans le Colorado où il y aurait d'après lui un énorme troupeau de bisons connu de lui seul. Miller prend le commandement de l'expédition, recrutant Schneider, un dépeceur qui formera Andrews et Charley son fidèle acolyte à qui il a dû trancher la main suite à un accident durant un rude hiver. le voyage jusqu'au paradis des bisons est éprouvant, les choses ne sont pas aussi simples que ce qu'avait prévu Miller au saloon mais ils finissent tout de même par arriver à la vallée où des milliers de bisons vivent paisiblement. Ils établissent leur campement et le massacre commence. Car c'est effectivement d'un massacre qu'il s'agit : les bêtes sont tuées à la chaîne, leurs peaux enlevées et leurs cadavres laissés à pourrir sur place. Jour après jour Miller tire sur les bêtes jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'une poignée, même si il sait qu'un voyage ne suffira pas à transporter toutes les peaux et qu'il leur faudra revenir au prochain printemps. Mais décimer le troupeau dans sa quasi-totalité a pris du temps, trop de temps et l'hiver arrive avec sa neige et son blizzard, les piégeant dans la vallée pour des mois...
J'ai beaucoup aimé ce livre, l'évolution du jeune Andrews, la détermination butée de Miller, l'agaçant/touchant Schneider et le pauvre Charley, obligé de revivre son plus grand traumatisme, et biensur les paysages somptueux et sauvages. J'ai adoré le départ et le voyage de l'expédition pleins d'incertitudes, j'ai été révolté par le carnage des bisons, j'ai grelotté durant les tempêtes de neige, quant à la fin... je ne l'avais pas vu venir.
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