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« Djalli cessa de collectionner des images en troisième année. Tout le monde arrêta en même temps. »
« Les collectionneurs d’images » est solaire, un classique à l’aube née. Ce grand livre « nord atlantique » est l’image la plus sincère des Îles Féroé. Six enfants tous des garçons sont le microcosme de ce livre multitude et beau. Un film à ciel ouvert, une page d’un journal que l’on retient pour demain. Ce récit est à l’instar d’un témoignage crucial. C’est un éloge funèbre (ne prenez pas peur). Kári conte la mémoire d’Olaf Lydersen, le cinquième disparu le 7 février 1996. « Les collectionneurs d’images » prend vigueur. On écoute le battement des Îles Féroé, on pénètre subrepticement l’orphelinat en 1952, on reste en assise dans l’école Saint-François de Tórshavn. Pas de pathos, nous sommes dans une autre dimension. Les images sont, pour ces jeunes enfants, une corde à nœuds, le symbole de l’attachement, la reconnaissance suprême, un lien de camaraderie inestimable.
« Les meilleurs élèves recevaient la belle carte verte, et Djalli était de ceux-là. La plupart recevaient la carte jaune moyenne. Et les chenapans en chaussettes trouées recevaient la honteuse carte rouge… »
« Par beau temps, les collectionneurs d’images avaient l’habitude de se retrouver près du poulailler des nonnes. Environ sept à huit enfants. Ils s’asseyaient sur l’herbe avec leurs albums et leurs boîtes, et ils se montraient leurs images. »
L’histoire est mappemonde. Ces six garçons sont le symbole d’une micro-société qui se bat contre vents et marées. Chacun arrime une image sociologique, politique, philosophique. La toile de fond des Îles Féroé aux coutumes vives, aux aprioris sévères. Les couleurs sont apaisantes, profondes et exaltent les cheminements qui s’entrecroisent et perdurent dans le temps jusqu’à la finitude.
« Les Féroïens sont un peuple faible, dit le père en tendant la bière à Staffan. Pourquoi les Féroïens ne connaissent-ils pas l’art de penser plus rationnellement de façon plus moderne, je l’ignore. »
La libre-pensée, les religiosités, les orientations sexuelles, le Sida, la bête honteuse des Îles Féroé. Ce livre est bien plus qu’une épopée, mais le lever de rideau sur les habitus, l’idiosyncrasie, les diktats, l’authenticité d’une époque et son histoire qui est ressac et résistance. Le canevas des Îles Féroé qui sont perfectibles à l’instar des insulaires eux-mêmes. Cette « fresque » est le passage obligé pour toucher les couleurs du vrai monde. La profondeur intrinsèque, les conjugaisons d’enfances sont des éloges souveraines et vitales. Lire ce livre, approuver les signaux, les interpellations, ces vies lianes, le mystique entrelac d’une écriture poétique, le regard altier de l’intégrité. Ce livre bleu-nuit, sérieux car cadré à l’ultime est un hymne à l’endurance et à la constance des sentiments. C’est une cartographie fabuleuse d’enfants, d’hommes devenus, dans un cercle où la vie même prend tout son sens. Un hommage aux Îles Féroé. Jóanes Nielsen est digne d’un génie évident : « Rien que des mots anciens, répondit Kári en souriant. Ils sont seulement changé de propriétaire. ». Traduit du danois (Danemark) par Inès Jorgensen. Postface et validation linguistique à partir du texte original féroïen par Malan Marnersdóttir. Magistral, culte, incontournable. Publié par les majeures Éditions La Peuplade.
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