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Quelque part en Amérique du Sud, une prisonnière qu'on imagine « politique » est longuement interrogée par des soldats. Salvador, un des gardiens de la prison, s'intéresse à elle et cherche à améliorer son sort. Il use d'un stratagème risqué pour la faire transférer dans un premier temps à l'infirmerie et dans un second dans une cellule individuelle du quartier des politiques. Elle s'y retrouve seule, moins exposée et surtout elle échappe à la torture. Elle peut même tranquillement accueillir son protecteur qui devient très vite son amant. Mais comment Salvador a-t-il pu organiser tout cela ?
Le format de « La femme cachée », un peu plus de 80 pages, peut classer ce texte dans la catégorie « novella » ou dans celle des longues nouvelles voire des courts romans. Il n'en demeure pas moins que cette histoire tragique reste une fort belle réussite. Tout d'abord par son intrigue tout à fait originale et par son contexte particulier. Que d'horreurs et de monstruosités certains régimes totalitaires d'Amérique latine ne se sont-ils pas rendus coupables dans les années 70 et suivantes ! Sera-Montès a l'élégance de rester évasif sur le nom précis du pays où se déroule cette histoire et sur les raisons politiques qui ont placé l'héroïne dans la triste situation où elle se trouve. Vers la fin, le lecteur aurait aimé en savoir un peu plus sur les arcanes d'un dénouement qu'il ne déflorera pas pour ne pas gâcher le plaisir de la découverte. Car il faut lire ce livre ne serait-ce que pour son style fluide, élégant, agréable et même un tantinet sophistiqué. L'auteur dispose d'une plume magnifique. Il sait ciseler de belles phrases bien équilibrées, n'hésite pas à employer des termes recherchés comme « rubescence » ou « cachexique » et réussit de très convaincantes et poétiques descriptions. Tous les ingrédients du succès sont présents dans « La femme cachée » : une bonne histoire, une belle écriture (cela devient suffisamment rare à notre époque pour ne pas le noter) et un contexte intéressant autant du point de vue politique qu'historique. Que demander de plus ?
Après une trentaine d'années d'absence, l'auteur, issu d'une famille rapatriée d'Algérie, revient Cité des Grands Chênes sur les lieux où il a passé une enfance heureuse. Il y découvre que presque tout a changé. On a construit partout. Il y a de nouvelles routes, de nouveaux immeubles, de nouvelles maisons et le pire pour lui, c'est que La Frayère, la jolie petite rivière qui serpentait dans le vallon et qui servait de terrain de jeux à tous les gosses du coin, a été domestiquée, bétonnée, corsetée et transformée en un infâme cloaque... « La vision des fiers roseaux de jadis s'est substituée à celle du goudron et des bâches de plastique », note-t-il avec un brin de nostalgie. Et les souvenirs un à un l'assaillent... La guerre d'Algérie et ses horreurs, Agnès, la grande, qui est enceinte et doit se cacher dans la cité, son petit ami Jean-Louis qui a subtilisé de l'héroïne à des malfrats locaux et la bande de gamins qui s'organise pour leur venir en aide...
« La République des roseaux » est un joli roman assez difficile à classer, ce qui est peut-être le signe distinctif d'une œuvre originale. A la fois récit de souvenirs d'enfance, roman noir, conte philosophique, méditation poétique sur la vie, la jeunesse, la nature et l'amour, cet ouvrage possède une musicalité propre qui ne peut que séduire le lecteur. On y trouve des personnages hauts en couleurs bien dans l'esprit d'une époque révolue dont ne peuvent se départir d'une certaine nostalgie celles et ceux qui l'ont connue. On y trouve aussi le côté charmant d'une « Guerre des Boutons » provençale avec les affrontements entre la bande des Roseaux et celle de l'Olivier. Les premiers émois amoureux aussi touchants qu'émouvants. On ne s'ennuie pas à lire ce livre car les péripéties ne manquent pas : incendie, chevaux accidentés, bagarres, mort d'un enfant et j'en passe. Le tout raconté de manière impressionniste, par petites touches qui laissent au lecteur toute sa part d'imagination. Le style est fluide, agréable, impeccable. A lui seul, il justifie la lecture. Jean Sera-Montès est vraiment un auteur à suivre de très près...
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