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Retrouvant par hasard un ancien camarade de classe, François Contellec, le narrateur, fait remonter des souvenirs enfouis, souvenirs bien utiles pour apprendre ou remémorer ces années d’une guerre d’Algérie qui ne voulait pas dire son nom.
Ce camarade, Pierre-Alain Jézéquel, est un général à la retraite. Tout opposait les deux garçons, à l’adolescence et pourtant : « mon contraire, mon rival en latin et mon ennemi en politique, Pierre-Alain, mon meilleur ami. » Tous les deux, ils se souviennent de ce prof de français qui leur avait donné la chance de faire du théâtre et qui, soudain, sursis résilié, fut appelé en Algérie. Seules des lettres ont permis de garder le contact, jusqu’au jour où…
Jean-Pierre Le Dantec nous entraîne sur les pas de ces garçons qui voient arriver Loïc Quémener, leur prof : « Mince, la chevelure rousse, légèrement bouclée sur les tempes, le visage doté d’une bouche large surmontant une fossette qui creusait son menton, il a gagné l’estrade et le bureau, serviette en cuir de couleur tabac à la main, ses yeux parcourant la salle d’un regard attentif, un brin soucieux. »
Dans ce lycée de Guingamp, les quinze garçons de troisième AB observent : « Quoiqu’il sourie lui aussi, quelque chose dans son regard suggère un trouble, une inquiétude qu’aujourd’hui j’attribue à la fin de son sursis militaire. »
L’internat est bien décrit avec la journée de classe, les discussions sur le foot, les disputes à propos de musique et de chansons sans oublier ces fameuses promenades du jeudi après-midi. On croise par… hasard un groupe du lycée de filles, c’est l’occasion d’observer Myriam que le narrateur aime, mais qui regarde Pierre-Alain, « ce facho qui défend Franco et Salazar », d’où une jalousie terrible.
L’auteur aime aussi décrire la nature mais je trouve son style un peu emphatique. Il est plus convaincant lorsqu’il évoque sa passion pour le cyclisme, ce jour de Noël 1957 : « Mes parents m’offrent en effet le cadeau dont je rêvais : un vélo demi-course de marque Louison Bobet sur lequel, grâce à des virées sur les routes sillonnant le relief mouvementé de la campagne guingampaise, je me vide la tête et m’épuise au point que je m’écroule chaque soir, dans mon lit. »
Après ce Noël et la représentation réussie du Bourgeois gentilhomme, c’est le traumatisme du départ de M. Quémener sous les drapeaux. Le ton du livre change. Il suit l’évolution politique de la France et la guerre en Algérie. Les lettres reçues en Bretagne montrent le trouble ressenti après le coup d’État des généraux. Quémener stigmatise l’attitude des « petits blancs » et note : « Les autochtones (je ne dis pas les musulmans car, dans la minorité d’autochtones qui a eu la chance d’étudier, on compte une forte minorité d’incroyants) traités comme des animaux – familiers s’ils obéissent, sauvages, s’ils se rebellent. »
Jusqu’au bout, Le disparu est passionnant, riche d’enseignements sur une période récente de notre histoire avec ces tentatives d’amitié entre personnes d’origine différente que certains s’ingénient à casser. Pierre-Alain qui a évolué, le constate : « …tout, dans cette guerre pourrie, a été dégueulasse. Les attentats et les crimes du FLN, les tortures, le sort fait aux harkis, et surtout l’abandon. »
Chronique à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Voici un livre qui m'a beaucoup plu et que je vous recommande vivement : Le disparu de Jean-Pierre Le Dantec.
Le roman s'ouvre sur une rencontre à bord d'un TGV : celle de deux anciens camarades de pensionnat : François Contellec et Pierre-Alain Jézéquel. S'ils se retrouvent avec plaisir, ils n'ont pas oublié qu'ils ont été rivaux sur le plan sentimental et surtout qu'ils ne partageaient pas les mêmes points de vue politiques à une époque où les événements algériens créent des tensions et des fractures dans la population française.
Au cours de leur conversation, ils en viennent à évoquer un bon souvenir : celui de leur professeur de français, Loïc Quéméner, un jeune homme qu'ils adoraient et qui avait été capable de leur transmettre sa passion de la littérature en leur proposant de jouer Le Bourgeois gentilhomme.
Hélas, Quéméner avait été appelé sous les drapeaux et, la mort dans l'âme, avait dû abandonner sa classe et ses élèves pour se rendre en Algérie. Avant de partir, il avait proposé à ses élèves de mettre en place une correspondance, ainsi pourrait-il leur donner des nouvelles…
Je ne vous en dis pas plus… mais sachez tout de même que vous allez vous régaler à la lecture de ce roman… Tout d'abord, l'écriture est délicieuse : ah, les lettres de Quéméner… quel style, quelle élégance… les mots vous portent, vous éprouvez de façon saisissante tout ce qu'a pu vivre ce jeune homme généreux, sensible, plein d'humanisme, tout frais débarqué en Algérie, vous partagez ses impressions, ses réserves, ses révoltes, vous ressentez pleinement toute la misère qu'il découvre de la caserne de Cherchell à la SAS (Section Administrative Spécialisée) de Aït Hichem, la haine, l'esprit de vengeance et bien pire encore…
Rien que pour ces lettres qui m'ont paru tellement vraies que je me suis demandé si elles existaient vraiment, ce roman vaut d'être lu ! Elles nous proposent un autre point de vue sur l'Algérie et dévoilent une réalité bien complexe s'il en est !
Mais Le disparu est aussi un roman d'apprentissage : en effet, nous rencontrons des adolescents dans leur pensionnat breton, le lycée Auguste-Pavie de Guingamp dans les années 50, une grande bâtisse mal chauffée, des règles strictes et des grappes de garçons pleins d'enthousiasme, fous de sport, découvrant les filles, la sexualité, le rock'n roll, le jazz, le cha-cha-cha et commençant à s'interroger sur leur premier conflit contemporain.
C'est le passage à l'âge adulte, une espèce de basculement pas toujours facile à vivre car tout est à construire. On sent toutes les tensions que la situation algérienne provoque chez des adolescents encore naïfs et largement influencés par leurs parents ou par un frère parti là-bas, jeunes adultes dont la conscience politique émerge petit à petit et qui apprennent à se construire à travers les échos lointains de ce qui se passe en Algérie… Douloureux et passionnant éveil politique…
C'est vraiment toute une époque qui est évoquée ici, une période où beaucoup s'interrogeaient sur cette guerre qu'ils osaient à peine nommer… Difficile pour des adolescents d'affirmer leurs convictions et leurs doutes...
Et puis, lorsque les grandes vacances arrivent, les garçons s'égaillent dans la nature, une nature bretonne décrite merveilleusement par Jean-Pierre Le Dantec : ce sont des tableaux qui prennent forme sous nos yeux. Ajoncs et genêts agités par le gwalarn (vent de noroît), mer en furie aux teintes gris cendre, délicieuses baignades sous le soleil, pêche à pied dans les crevasses rocheuses…
Un livre fait de contrastes saisissants : tandis que les uns profitent de leur jeunesse et du bonheur de vivre, d'autres, ailleurs, perdus dans un conflit qui les dépasse, combattent et meurent.
Au risque de me répéter, ce roman m'a procuré un vif plaisir de lecture et je ne suis pas près d'oublier le portrait fascinant de Quéméner, le jeune professeur sensible, témoignant à travers ses lettres de toute la complexité d'une situation politique trouble dans laquelle, sans y être préparé, il fut plongé malgré lui.
Un très beau texte, à lire absolument !
LIRE AU LIT : http://lireaulit.blogspot.fr/
Avant de lire Le disparu, je ne connaissais pas Jean-Pierre Le Dantec et j’ai été séduite par la lecture de ce roman.
Tout commence dans un train où François Contellec tombe sur un ancien camarade de classe : Pierre-Alain Jézéquel. Ces retrouvailles font ressurgir alors entre les deux hommes un passé fait d’amitié adolescente, de rivalité scolaire, politique, sportive et amoureuse au sein d’un pensionnat breton. Ils se souviennent notamment de cette année 1959 où arrive alors un jeune professeur de français : Loïc Quéméner qui réussit à faire aimer la littérature, même aux plus cancres.
Malheureusement, en cours d’année, il est appelé en Algérie d’où il écrira à ses élèves pour leur rapporter la réalité de cette guerre qui ne dit pas son nom.
Le Dantec, avec Le disparu, a écrit un roman très fort. Il nous fait revivre cette époque, fin des années 50, début des années 60, de façon remarquable. Il nous retrace, avec une grande finesse cette période de la guerre d’Algérie et arrive à tisser un lien entre ces événements et la France d’aujourd’hui.
Chronique à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
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