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Jean-Hughes Oppel écrit des romans noirs dont aucun ne se ressemble, sauf la qualité qui est là, indéniablement. D'abord celle de l'écriture : l'auteur ne fait pas dans le plat, le déjà-lu mais pour autant évite l'ampoulé, le pompeux. C'est juste, clair, limpide.
Ensuite les personnages qui ne sont pas mièvres ou fades. Certes, ils peuvent emprunter des traits aux stéréotypes, mais cela me paraît bien normal et JH Oppel ne tombe pas dans la facilité. Il ajoute des détails, des qualités humaines mais aussi des défauts, très réalistes.
Enfin, l'histoire, dense parfois technique, et toujours bien détaillée sans que les pages explicatives ne soient rébarbatives. Il faut dire que les affaires politico-financières sont alambiquées volontairement pour que le vulgum pecus ne puisse rien en saisir, mais il y en a eu tant depuis des années qu'on en connaît un peu les mécanismes. Je ne suis pas certain que la lecture de cet excellent roman noir ramène du monde vers les urnes.
Le tout donne un noir serré, vitaminé, dans lequel les flics auront du mal à cerner le tueur, un roman dont le titre énigmatique laisserait à penser à une suite mais que nenni, il est bien complet, construit en trois grandes parties. Excellent, ai-je besoin de le préciser ?
Ambernave, ville portuaire, il y a des dockers et Émile, un ancien unijambiste, alcoolique et misanthrope. Il rencontre Johé, un colosse mutique accompagné d'un chiot. Affamés, tous les deux. Émile les recueille, les nourrit et se prend d'amitié.
Ambernave, il y a aussi le croque-mitaine, surnommé ainsi par la presse. Un tueur en série qui sévit dans les quartiers du port. Il y a donc des flics, Lombard et Brison, des patrouilleurs. Un duo qui pourrait bien être celui qui connaît le mieux le tueur.
Il y a aussi M. Wong, mafieux local, qu’Émile renseigne, se faisant quelques billets supplémentaires pour finir le mois lorsque la pension d'invalidité ne suffit pas.
Le roman débute ainsi :
"Dans le port d'Ambernave, il y a des marins, ce qui en soi n'a rien d'étonnant.
Dans le port d'Ambernave, il y a des marins qui ne chantent pas, parce que le cœur n'y est plus. Parce qu'il n'ont plus de rêves. Ce qui les hante, c'est la fermeture totale des chantiers navals, le chômage, la mise au rancart. La crise." (p.9) Et Jean-Hughes Oppel continue ainsi son prologue pendant quatre pages. Quatre pages qui font venir les images et la musique et la voix de Brel. Ensemble qui ne nous quitte plus du livre.
Roman insolite, original. Noir, évidemment. D'une qualité littéraire rare et réjouissante. C'est un festival de bons mots, de belles phrases, bien tournées, bien troussées, de celles qui font s'ébaubir à chaque page, qui donnent au roman une ambiance poisseuse, noire, collante, un truc dont on ne se défait pas. D'aucuns qui dédaignent encore le roman noir parce qu'il n'est pas assez bien, trop populaire peuvent sans risque ouvrir celui-ci qui les réconciliera avec le genre.
"La véritable nature de sa bienveillance [celle de la mère maquerelle] à l'égard de l'ancien docker est plus subtile et lui échappe complètement. C'est un alibi ; un élan de charité noyé dans le vice. Inconscient, informulé, n'osant pas dire son nom, mais un élan quand même -une bonne action pour brandir à la corbeille du Jugement Dernier. Encore que : s'il y a une chose sur laquelle madame Angèle s'assoit (après son cul), c'est bien la religion." (p.152/153)
Écrit en 1995, découvert en bouquinerie cet été, quel pif j'ai eu de tomber dessus et de ne pas le laisser dans les rayons !
Total Labrador dépoussière le roman d’espionnage !
Le lecteur suit des personnages variés, en attendant de comprendre leur lien : des conducteurs de drones en attente de missions secrètes, un agent spécial abandonné en tragique posture par son commando, divers officiers des services secrets, un animateur de radio anti-système…
Ce roman choral énigmatique, entrecoupé de rapports et de messages caviardés, prend un rythme plus fluide et plus entraînant à l’apparition de Lucy Chan, analyste de la CIA entraînée pour devenir officier de terrain.
Le lecteur peut enfin s’attacher aux personnages de Lucy et de sa supérieure Darby, mais aussi à Jonathan, l’agent sacrifié dans le passé, ou à Etienne, qui se croit en sécurité sur sa chaîne web où il dénonce les manipulations financières.
Il faut passer outre les multiples pages de garde, messages, rapports, citations, latitudes et longitudes pour apprécier ce roman passionnant qui nous fait réfléchir sur la Raison d’Etat et le dilemme de lui sacrifier des êtres humains…
Total Labrador – Jean-Hugues Oppel (296 pages)
Je n’avais jamais lu Jean-Hugues Oppel avant. Pourtant il a écrit plein de livres, dont un, Six-pack, a été adapté au cinéma.
Pour tout vous dire je m’en faisais une joie absolue, d’autant que ma bibliothécaire préférée et mon libraire préféré avaient l’air de l’attendre avec impatience. Le titre était plein de promesses. Et je dois avouer que j’ai eu du mal à entrer dedans, voire à le terminer.
Entrer dans ce livre est compliqué car il est au départ extrêmement brouillon. On se doute que tous ces petits chapitres qui ont l’air décousu vont finalement amener à un patchwork qui aura du sens. La suite au contraire, est tellement évidente et limpide, qu’on se demande si ça vaut le coup d’aller au bout, parce que c’est cousu de fil blanc.
Après, dire que je n’ai pas du tout aimé serait faux, parce que l’auteur a un style plutôt amusant avec des petites blagues toutes les trois lignes. Là encore, au bout d’un moment, on a compris les ficelles, un peu faciles parfois. Les personnages sont attachants, et l’histoire se tient quand même. L’auteur semble cabotiner dans ce livre où il s’est sûrement bien amusé. J’avais un peu l’impression d’être dans un manga un peu léger, une sorte de barbe à papa, livre d’espionnage ou bien comique, d’où la couverture rose bonbon.
Bourré d’allusions à Mission impossible et aux films d’espionnage en général, les fans vont sûrement se régaler. Je n’étais peut-être pas dans le bon mood pour être vraiment accrochée, mais je pense que ce n’est pas son meilleur, il faudra que je réitère.
Un peu décevant…
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