Un douloureux passage à l'âge adulte, entre sensibilité et horreur...
Ce roman traduit de l’italien nous ouvre les portes d’une très modeste famille romaine des années 2000. Gaïa, le personnage principal, nous compte sa vie et ses aventures de l’enfance à l’âge adulte, toujours à la première personne sans que cela ne soit jamais lassant.
Gaïa a une mère singulière, qui ose aller jusqu’à des scènes dont sa fille a honte pour tenter d’obtenir un logement décent. Un père handicapé depuis qu’il a fait une très mauvaise chute sur ce chantier sur lequel il n’a jamais travaillé. Deux frères jumeaux bien plus jeunes et trop dociles, et un aîné rebelle né d’un père différent. Elle abhorre sa vie dans la pauvreté et cette condition sociale qui la place perpétuellement en marge de la vie des autres. Ils vont vivre une grande partie de leur vie à Anguillara Sabazia, une commune située près du lac de Bracciano au nord de Rome.
Elle grandit aux côtés d’Antonia, une mère au caractère bien trempé qui en est presque caricaturale. Tout repose sur elle, et elle doit se battre contre les injustices, au-delà des conventions, seule depuis que le père est relégué au rang des accessoires. L’enfance lui fait découvrir l’injustice, l’adolescence lui colle ses complexes et l’entrée dans l’âge adulte exacerbe ses difficultés. De part son milieu social Gaïa est souvent rejetée par ses camarades, surtout lorsque Antonia souhaite l’inscrire dans des écoles pour riches. Ce rejet accentue ses complexes mais fait émerger en elle des ressources insoupçonnées.
Il faut dire que sa mère lui a inculqué l’idée que seule la beauté permet aux pauvres d’accéder au milieu des riches. Alors elle se désespère, trop maigre, trop rousse, trop plate, trop mal habillée, trop différente. Mais elle découvre peu à peu qu’elle a hérité de sa mère une farouche détermination et une intelligence qui pourraient lui permettre de bousculer son destin.
Ce récit dans lequel les lieux et les événements ont leur place reste vrai, le style est léger, rythmé, féminin, poétique parfois. L’écriture de Giulia Caminito est directe, sobre, vivante, et terriblement réaliste. Les phrases sont simples, les mots précis, les répétitions de bon goût, les énumérations jamais fastidieuses et les allégories et les métaphores bien choisies. L’adolescence, point central du roman, y est bien décrite avec ses amitiés, ses expériences heureuses ou malheureuses, ses trahisons, ses succès et ses déceptions.
Difficile parfois de comprendre la psychologie du personnage principal. On la voudrait victime, elle est rebelle et toujours en colère. L’auditeur s’attache à Gaïa malgré son caractère ni sympathique ni agréable, et imagine la suite de sa vie à la lumière de ce qu’il croit comprendre. La fin un peu trop brutale à mon goût peut décevoir tellement l’empathie pour ce personnage ambigu est forte.
J’ai aimé la voix de Florine Orphelin, à la fois posée et juste dans ses atermoiements, ses hésitations, ses révoltes et ses envies de vie meilleure. Dans sa rage aussi contre une mère qui par son obsession de réussite scolaire espère lui permettre de vivre mieux qu’elle. Il y a tout dans ce personnage, l’espoir, le doute, la violence, la rébellion, l’amour et la déception, l’amitié et le deuil, et tout cela est bien transmis à l’écoute du roman.
https://domiclire.wordpress.com/2023/03/17/leau-du-lac-nest-jamais-douce-guilia-caminito/
Un prologue plein d'une menace à faire dresser les cheveux sur la tête vous emporte brutalement dans ce roman sans qu'aucune résistance ne soit possible.
Toi qui entres ici abandonne toute espérance.
Voilà ce que j'ai ressenti.
L'Italie au début du XXème siècle dans un coin où vivent des gens frustes, pauvres, durs, car leur vie est d'une âpreté extrême. Ça sent le soleil et la chaleur, le gargouillis des ruisseaux et le vent dans les arbres, le bêlement des moutons, le bruit des outils, l'amertume des pères, les cris des mères. C'est tout une ambiance qui est décrite ici, celle de l'Italie pauvre et reculée qui vit dans la crainte de Dieu, qui n'aime pas les gens instruits, loin de l'industrialisation, loin des rêves, les pieds dans la terre. L'Italie de ces gens seulement nés pour le travail.
Lupo et Nicola, deux frères d'une nombreuse fratrie où chacun meurt l'un après l'autre, élevés sans amour, dans la violence de leur père et l'indifférence de leur mère. Lupo rebelle et généreux dont la révolte est le souffle vital, Nicola fragile et cérébral qui vit dans une terreur constante. Ils s'aiment et se soutiennent. Ils ont fait un pacte… parce qu'ils ont un rêve, au moins un.
Un jour la rébellion est arrivée au cœur de ces montagnes, un mouvement libertaire amené par ceux de la ville, contre l'indifférence et l'égoïsme des riches et des curés. Certains l'ont adopté, les autres ont continué à trimer et à aller à l'église le dimanche.
J'ai furieusement aimé Lupo le ténébreux et Nicola le solaire, dont l'attachement qui les uni pourrait être saccagé par un lourd secret.
Il y a de la beauté dans cette histoire douloureuse qui raconte la misère poisseuse qui colle à la peau, de la naissance jusqu'au tombeau, où l'absence d'amour est une évidence parce qu'il n'y a pas de temps pour ça, où chaque matin il faut survivre jusqu'au soir. Ce récit est empreint de hargne, de combativité, de douleur, mais aussi de foi, en la possible justice sociale, et spirituelle avec Clara, la Moretta, l'abbesse de Serra de' Conti, née au Soudan et devenue religieuse dans ce monastère qui jouxte le village, où le silence est la règle. La vie de ces petites gens dans le tumulte de l'Histoire qui gronde nous est contée avec une grâce infinie. J'ai été envoûtée par les émotions et la profondeur des mots.
Tout petit bémol, les changements d'époques et de personnages ne sont pas toujours très clairs. C'est néanmoins une histoire passionnante, magnifiquement écrite qui raconte la vie au cœur de l'agitation du monde dans les prémices de la première guerre jusqu'aux champs de batailles de cette immonde boucherie puis la reconstruction du désir de vivre, peut-être…
L’eau du lac n’est jamais douce de Giulia Caminito
Lu par Florine Orphelin
Durée 8h54
Une écoute intense grâce à la révolte des personnages comme à toute l’injustice de leur histoire.
J’ai très vite accroché l’écoute grâce au personnage de la mère, Antonia qui tente désespérément de sortir sa famille d’un logement minuscule dans lequel ils vivent à 7 avec un mari handicapé sur fauteuil roulant, des bébés jumeaux, GaÏa, notre narratrice et son grand frère. Pour Antonia, la seule façon de ne pas reproduire ce qu’elle a fait, pour sa fille c’est de faire des études. Elle ne veut pas qu’elle évolue dans la pauvreté,qu’elle fasse des ménages comme elle. Alors elle la pousse, la menace mais il va falloir qu’elle y arrive. Et cette mère si impressionnante, devient pesante pour sa fille. Gaïa baigne dans l’injustice dès l’école primaire où elle est raillée par ses camarades. Mais en grandissant, elle prendra sa revanche.
Gaïa est un personnage en colère mais l’autrice a su mesurer sa rage, la nuancer, nous rendre sensible à la colère de Gaïa. D’ailleurs tous les personnages sont nuancés et c’est une des forces du livre, au delà de sa dimension sociale et féministe, le style est vif. Il dégage une incroyable énergie de l’écriture qui rend l’écoute saisissante notamment grâce à la place que prend le lac dans le décor..
Et cette force dans les personnages, dans le style comme dans l’histoire, la lectrice nous la transmet de manière implacable sans exagération. Tout est équilibre, un peu sur le fil du rasoir parfois dans l’histoire et le ton de la lectrice est impeccable.
Un très belle écoute saisissante et perturbante.
Grosse erreur d'appréciation de ma part à la lecture de ce titre ; erreur renforcée par mon habitude ne pas lire les quatrièmes de couverture des romans que je lis ou écoute.
Je m'attendais donc à un récit plutôt doux et gentil, qui aurait senti l'automne et le renouveau.
Mais pas du tout. Et d'ailleurs, si j'avais fait attention, il y avait un indice en réalité dans le titre, elle n'est jamais douce cette eau du lac, jamais.
Gaia est une enfant issue des quartiers pauvres italiens, en périphérie de Rome. Sa mère, Antonia, personnage fort en gueule et hargneuse comme un pit bull, s'occupe de ses quatre enfants et de son mari handicapé, elle fait des ménages et se démène pour leur trouver un logement décent.
Alors Gaia n'a pas intérêt à rater ses études car c'est la seule chance qui lui sera offerte de sortir de la pauvreté.
Ce qui m'a plu ici, c'est que Gaia est loin du personnage que l'on aura tendance à imaginer. Il y a chez elle une noirceur inattendue, une violence et une dureté qui surprennent. Ses amitiés comme ses inimitiés sont fortes et passionnées, elle n'a pas de demi-mesure.
Florine Orphelin pose sa voix douce sur ce texte et aide à l'empathie envers Gaia. Le contraste en est parfois saisissant. Certains passages m'ont d'ailleurs mis les larmes aux yeux.
Un roman d’apprentissage âpre et parfois amer mais qui ne manque pas de beauté.
Il n'y a pas encore de discussion sur cet auteur
Soyez le premier à en lancer une !
Un douloureux passage à l'âge adulte, entre sensibilité et horreur...
Blanche vient de perdre son mari, Pierre, son autre elle-même. Un jour, elle rencontre Jules, un vieil homme amoureux des fleurs...
Des idées de lecture pour ce début d'année !
Si certaines sont impressionnantes et effrayantes, d'autres sont drôles et rassurantes !