La Revue de Presse littéraire de juin
La Revue de Presse littéraire de juin
Édité en 2010, ce texte est précédemment paru dans une revue en 1968.
Texte absurde et décalé qui cherche à montrer toutes les manières d’aborder son chef de service en fonction de ses potentiels absences, refus de recevoir dans son bureau, report de rendez-vous, maladie, mauvaise humeur… Soixante-dix pages sans ponctuation, sans majuscule, sans signe autre que les lettres et les espaces. C’est brillant et drôle. Georges Perec joue sur la répétition des situations et donc des descriptions, et l’on peut sentir l’agacement du requérant par de subtils changements de mots dans une formule récurrente, par exemple "l’organisation qui vous emploie" devient -entre autres- "l’organisation qui vous exploite".
Et l’on voit déambuler dans les couloirs de l’entreprise, le demandeur, à la recherche de "mr x", son chef de service, rarement présent dans son bureau -lui-même à la recherche de son chef de service-, à la recherche de "mlle yolande" qui, selon qu’elle est présente et de bonne humeur pourra faire passer le temps de manière fort agréable, jusqu’à ce que "mr x" revienne et daigne le recevoir.
Comme toujours avec Perec, je me suis régalé de bout en bout, j’ai souvent souri, ai apprécié chaque mot, chaque phrase et l’exercice de style, ainsi que cette histoire abracadabrantesque d’un homme qui peine à voir son chef de service.
Il s'agit là du livre d'un film tourné en 1979 et édité en DVD par l'Institut national de l'Audiovisuel. Je croyais emprunter à la médiathèque un autre livre de Georges Perec intitulé Ellis Island tout simplement et je me suis retrouvée avec celui-ci. Et c'est tant mieux car ça m'a énormément plu. Il y a des textes pour nous raconter l'histoire de ce lieu où tant de gens sont passés, mais aussi beaucoup de photos d'époque qui ajoutent quelque chose de très émouvant qui nous fait toucher du doigt cette étape de la vie de ceux qui tentèrent leur chance aux États-Unis.
Quelque chose me fait rêver depuis toujours dans l'évocation de cet îlot minuscule car il représente l'arrivée dans le Nouveau Monde et le rêve américain. Pourtant bien des miséreux sont arrivés là pleins d'espoir et finalement ont continué une vie de misère. D'ailleurs, dans toutes les langues Ellis Island était surnommée l'île des larmes. C'est passionnant, on apprend l'histoire de l'île et comment elle est devenue le centre d'accueil des émigrants et pourquoi peu à peu les conditions d'entrée dans le pays se durcirent mais aussi de quelle façon nombre d'émigrants changèrent de nom à Ellis Island pour des noms à consonance américaine.
Lieu d'espoirs et de désespoir, où tant de suicides ont eu lieu, où le pourcentage des refoulés est minime mais représente une grande quantité de personnes tant le nombre d'émigrants était important.
Des questionnaires à la chaîne, des individus soupçonnés de maladie donc en attente, seize millions passés par Ellis Island en trente ans.
Georges Perec semble être venue chercher là des réponses à sa judéité, lui qui n'a pas connu la terre ni la langue de ses parents, du peuple juif, presque toujours voué à l'exode.
Le livre est divisé en cinq parties. La première, "L'île des larmes", raconte l'histoire d'Ellis Island.
La deuxième, "Description d'un chemin", le nombre d'immigrants de chaque origine ainsi que les noms des bateaux qui les amenèrent et de quel port, les lieux d'arrivée, en fait le long chemin avant, pendant et après, accompagnée de nombreuses photos.
La troisième, "Album", des photos, très belles, très parlantes.
La quatrième, "Repérages", une liste de noms de gens, de lieux, de nourritures, que pour ma part j'ai passé rapidement.
La cinquième, "Mémoires", contient les témoignages de onze personnes, arrivées entre 1909 et 1928, la plupart dans l'enfance. Les auteurs ont choisi d'interroger les Italiens et les Juifs Russes ou d'Europe Centrale, parce que ce sont eux qui sont le plus massivement concernés par Ellis Island et parce qu'ils s'en sentaient plus proches. Dans ces témoignages on ressent très fort l'espérance que représentait l'Amérique. Pourtant, certains témoignages malmènent un peu le rêve américain. C'est aussi l'histoire intemporelle de l'humanité : s'exiler dans l'espoir d'une vie meilleure.
Bonjour . Je pense que pour lire ce livre , il serait d'abord intéressant de lire le post-criptum . Entre le Cluedo , Zadig de Voltaire . On est entre la poésie du mot , le jeu de cache cache (un mot pour un autre). On mène l'enquête avec les personnages , tout en relevant le défi de comprendre la subtilité des phrases , où chaque mot est une énigme . Chaque phrase s'anime de plusieurs phrases qui nous disent , sous des formes différentes et complexes , voire amusantes , la même chose ; ce qui nous amène à réfléchir longuement sur le pourquoi du comment du meilleur usage de la langue française s'il nous manquait la lettre"E"
Cette enquête des plus simples , est devenue alambiquée grâce à la présence joyeuse de nouveaux mots qui , vous bondissant au visage , comme des mises en garde , et des rires .J'ai l'impression d'entendre : à toi qui n'entend rien à la culture française , à notre si beau et complexe vocabulaire , honte sur toi!. J'ai même dit autour de moi : j'aurais dû faire des études littéraires .
Belles lectures . Prenez soin de vous
Lieux, Georges Perec, Seuil
Douze ans (de 1969 à 1980). Douze lieux parisiens. Douze mois par an. Le projet de Georges Perec est de décrire ces lieux, une fois de manière neutre et une autre fois en parlant de ses souvenirs. Ce gros livre est le résultat de cette expérience qui, finalement durera de 1969 à 1975, avec des interruptions, parce que Perec travaillait sur beaucoup d’autres projets, dont le film Un homme qui dort, tiré de son roman.
1,3 kg et 600 pages de littérature que je me suis offerts il y a un peu plus d’un an et que je viens de finir, parce qu’on ne les lit pas d’une traite. Perec pourrait réécrire un annuaire qu’il serait passionnant. Et c’est un peu le cas ici, lorsqu’il décrit ce qu’il voit : des échoppes, des immeubles en construction… ça tourne parfois et même souvent à la poésie :
"Rue du Cardinal-Lemoine (derrière mon dos)
"Boum 85" vêtements
un jour encore
arbre non feuillu du tout
un peu de monde pas trop sur la place.
Le café est aux trois quarts plein même pas
Temps pluvieux
Place plus vieille
Ce n’est pas ça
(c’est moi qui)
Nothing more ?"
C’est l’occasion pour le lecteur de découvrir une ville qui n’existe plus, des boutiques qui ont été remplacées, voire même des métiers disparus… Un Paris aux petites rues vivantes. Sur les dernières années, Georges Perec note beaucoup de travaux, de transformations.
Et dans les parties souvenirs, il se livre sur sa vie, ses amours, son enfance, ses parents (son père tué à la guerre et sa mère morte en déportation), ses amis, son travail. Il faut noter le formidable travail fait sur les écrits de Perec, les notes de fin de volume sont très documentées et utiles.
Bref un gros bouquin indispensable lorsque l’on aime Perec, qui vous le fait aimer davantage. Sur la durée, il laisse passer des informations sur lui, ça donne la sensation de le connaître un peu plus, de partager plus que ses déambulations parisiennes.
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