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1945. Les deux jeunes Tateru et Ryu doivent quitter la colonie japonaise qui occupait la ville chinoise de Qingdao. Pour tous leurs compatriotes, c’est une fuite honteuse et un retour déshonorant dans un Japon sous tutelle américaine, complètement ruiné et ravagé. Les deux enfants vont devenir adolescents dans un Tokyo qui repart de zéro et où fleurit sans entrave une dangereuse criminalité.
François Simon manie la plume, fort joliment d’ailleurs, comme d’autres fleurètent avec un stylet : les phrases sont courtes, l’écriture précise et incisive, chaque mot choisi avec justesse. Aucun gras n’habille l’ossature du récit qui s’en tient aux faits, mettant de côté les sentiments sur lesquels les protagonistes n’ont guère le loisir de s’attarder, dépassés comme ils le sont par une situation et des évènements absolument sismiques pour la société japonaise. Si les personnages n’ont aucune complaisance avec eux-mêmes et se corsètent dans leurs efforts de survie, c’est à travers la poésie que transparaît leur âme, cette poésie que l’auteur est parvenu à faire fleurir sur l’extrême sobriété de son texte.
Le cadre historique est évoqué avec réalisme et habileté, au travers d’évocations saisissantes et vraiment intéressantes qui font penser aux Sept roses de Tokyo de Hisashi Inoue : entre les vents qui sauvèrent le Japon de l’invasion mongole en 1274, les bombardements les plus terribles de l’histoire sur Hiroshima mais aussi sur Dresde, les kamikazes et leurs collines couvertes de fleurs, le code du seppuku, la différence entre les saules et les fleurs du monde de la nuit japonaise et la première locomotive à sel…, revit un Tokyo d’après-guerre si vivide que le lecteur s’y sent transporté.
Curieusement, le début et la fin semblent presque ne pas faire complètement partie du même livre : après une première moitié où les personnages servent plutôt de faire-valoir à une vaste fresque historique, la seconde partie prend une tonalité plus proche d’un roman noir, resserré sur les destins de Tateru et de Ryu confrontés au monde du crime, organisé ou pas.
La fin m’a laissée presque désemparée, écartelée entre la rupture abrupte d’un des destins évoqués, et l’absence de fin de l’autre, qui laisse la porte ouverte à une suite que l’on voudrait réclamer à l’auteur.
Intéressant sur le fond pour une découverte saisissante du Japon d’après-guerre, ce roman est aussi séduisant sur la forme, portée par une belle écriture à la fois sobre et poétique. Monsieur Simon, quand publierez-vous la suite ? Coup de coeur.
C'est à Qingdao, ville portuaire chinoise occupée par les Japonais, que grandissent deux amis, Tateru et Ryu. Le premier, fils d'un gardien de phare, n'est que sensations, lumière, imagination. Il parle le langage des vents dont il perçoit les variations, les forces, la douceur. Le second, fils du photographe de la ville, est plus sombre, plus observateur, plus mature aussi.
1945 marque la fin de leur enfance insouciante. Hiroshima et Nagasaki sonnent le glas de l'esprit de conquête japonais. Chassés de Chine, les Japonais reviennent au pays natal. Ryu est séparé de son père laissé pour mort sur le quai par une horde de Chinois vindicatifs. Les parents de Tateru recueillent bien volontiers l'ami de leur fils et la petite famille s'installe dans un village de montagne. Mais suite à un accident, Tateru doit s'installer à Tokyo pour y être opéré et entamer sa rééducation. Ryu le suit dans une capitale dévastée par les bombardements où la population survit tant bien que mal. Tateru est hébergé par sa tante tandis que son ami s'immerge dans la rue et les bas-fonds de la ville. Toujours très unis et complices, ils suivent pourtant des voies bien différentes. Tateru devient cuisinier, Ryu homme de main des yakuzas.
Un roman poétique et sensuel qui aurait pu être un grand roman. Malheureusement, François Simon accumule les maladresses stylistiques. Tantôt ses phrases sont courtes, elliptiques, à la limite de la compréhension, tantôt elles deviennent envolées lyriques et se perdent dans des descriptions ampoulées. Par ailleurs, Tateru aime les vents, il leur donne des petits noms, il les appelle, il leur parle, mais tout est prétexte pour l'auteur à filer la métaphore, jusqu'à épuisement du lecteur.
Pourtant, l'idée de départ est des plus belles. Le Japon de 1945, la colonie chinoise, la fuite, le retour au pays, l'humiliation des vaincus, Tokyo à terre qui peu à peu se relève de ses cendres, la capacité des Japonais à faire table rase du passé pour aller de l'avant, reconstruire, revivre. Autant de thèmes passionnants qui se noient dans le melting-pot des idées d'un auteur qui en fait trop, ajoutant ici et là les clichés liés au Japon. On croise donc des yakuzas, des geishas, du saké et un zeste d'érotisme sulfureux.
Bilan mitigé donc. La lecture n'est pas désagréable mais manque de fluidité. Un roman japonais écrit par un français, c'est peut-être là son principal défaut.
L’esprit des vents est un roman qui manque de souffle. François Simon aime le Japon et sa culture. Ça ne suffit pas à faire un bon livre. On ressort avec l’impression d’avoir traversé un grand bric-à-brac japonisant, encombré de souvenirs, de folklore et de clichés. Voulant tenir la promesse de son titre, l’auteur fait constamment référence aux vents, frôlant le ridicule de leurs noms ou de leurs provenances. Tout est vent et du coup, tout s’évente, à commencer par l’intrigue qui s’étiole au fil des pages. Plus on avance vers la fin, plus le destin des deux protagonistes, Ryu et Tateru, perd de son intérêt au profit de personnages secondaires dont l’histoire prend soudain le premier plan. Déroutant autant que frustrant. Dommage car il y a de très beaux morceaux d’écriture : la singularité de Qingdao, la description du Japon meurtri par la guerre ou plus spécifiquement l’atmosphère des rues de Tokyo. Mais, sans surprise, c’est avec la gastronomie qu’excelle François Simon (p204 le magnifique passage sur la tempura d’huîtres, toutes les références à la restauration). Animé par sa passion du soleil levant, excité par l’envie d’en découdre (un projet qui traîne depuis 14 ans), François Simon s’est jeté à corps perdu dans son récit, oublieux de certains fondamentaux : la cohérence de l’histoire, l’épaisseur des protagonistes ou encore, l’usage mesuré des références historiques ou géographiques. Les « remerciements » sont un désastre. Non seulement l’auteur jure au lecteur qu’il s’est fait adouber par de vrais japonais mais il y confesse ses errements et ses hésitations. Si je goûte avec plaisir les critiques gastronomiques de François Simon, je n’ai pas été convaincue par son travail de romancier.
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