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« Ô temps, suspends ton vol ! et vous, heures propices,
Suspendez votre cours !
Laissez-nous savourer les rapides délices… »
… De ce joli roman trop court.
Martha et son frère jumeau Martin sont en route pour un petit séjour dans un petit village de l’Yonne. A plus ou moins 50 ans, Martha se remet doucement d’une vilaine chute et d’un long coma. Encore fragile, elle revient à la vie en ayant perdu un peu de sa tête et un peu de sa mémoire. Mais au change, elle a (re)gagné une capacité enfantine à s’émerveiller devant les beautés de la nature, de l’insouciance et de la fantaisie, et une joie de vivre contagieuse. Martha et Martin font ce court voyage pour rencontrer Jeanne, une vieille dame qui a bien connu leur père des années auparavant, et qui souhaite leur remettre un manuscrit de celui-ci. D’autres rencontres, tout aussi touchantes et marquantes, émailleront leur séjour, dont certaine qui chamboulera en profondeur le cours de la vie de Martha.
Un roman comme un joli ruisseau, qui coule fluide et limpide, vif ou serein, mélancolique ou nostalgique, rempli d’espoir. Les personnages sont attachants, qui soignent leurs vieilles blessures en silence et sans larmoyer, et qui après avoir surmonté les obstacles de la vie, ont décidé de sourire à celle-ci avec générosité, authenticité et bienveillance.
Entre amours passées ou futures et secrets de famille, « Martha ou la plus grande joie » est un joli roman, tendre et pétillant, plein d’humanité et de poésie, qui nous invite à savourer, dans un moment suspendu, les « rapides délices des plus beaux de nos jours« .
Le narrateur a terminé d’écrire son roman et l’a envoyé à son éditeur. En attendant la publication, il végète dans un grand vide et dans la chaleur étouffante de l’été, cabotant entre son appartement de Bruxelles, sa maison de campagne et Paris, où il est hébergé par des amis. Spleen de n’avoir rien à faire, aucun projet professionnel ni de vie, célibataire mais entouré de femmes, relations amicales durables ou charnelles éphémères (même si pour certaine d’entre elles, il voudrait bien que cela se mêle). Dans cette langueur estivale, un frémissement : une inconnue, Ariane, le contacte : elle a lu son manuscrit chez l’éditeur, et veut l’acheter. L’acheter pour elle toute seule, comme un tableau, une œuvre d’art. L’écrivain refuse mais elle est insistante et enroule autour de lui un fragile fil de séduction. Il pense qu’elle est folle, il ne comprend rien, s’énerve, se fâche. Mais réfléchit : elle lui propose 500.000 francs (français), il a peu d’argent ; s’il accepte de lui vendre, il renonce à publier le roman, qui n’aurait que peu de succès de toute façon. Mais tout de même, ce texte, c’est un peu lui, un peu sa vie, son âme. Dilemme…
J’avais déjà lu deux romans de feu Francis Dannemark (Le grand jardin et Martha ou la plus grande joie), d’où fleurissaient douceur, drôlerie, humanité. « Qu’il pleuve » n’est pas dans le même registre, en mode mineur dirais-je : l’ambiance est plus lourde, l’homme est désabusé, mélancolique, amer, s’interroge sur ce qui le pousse à écrire. Le style est toujours agréable, fluide et poétique, mais rien à faire cette fois (peut-être parce que les motivations d’Ariane et la fin ne m’ont pas convaincue), pour moi « Qu’il pleuve » n’a pas le même charme lumineux que les titres précités.
Soren, la cinquantaine finissante, producteur, musicien, organisateur de spectacles, de festivals, toujours à la recherche de sons, de nouveautés, fou de rock et de jazz et d'influences diverses, disparaît un jour de novembre 2017. La dernière fois qu'il a été vu, c'était sur un pont à Bordeaux. Depuis, rien. Ni nouvelles, ni corps retrouvé. Rien. Des gens qui l'ont côtoyé, approché, aimé, proches ou moins proches témoignent des moments passés avec lui et sans lui.
Voilà une idée qu'elle est bonne de parler d'un homme qu'on ne voit jamais, à travers ses relations amicales, familiales, amoureuses, professionnelles. On devine d'abord puis se fait une idée de Soren, assez précise bien qu'elle reste floue. Je sais c'est contradictoire, mais c'est pourtant comme cela que j'ai pris ce portrait-puzzle. Qui finalement n'est pas éloigné de la vérité. Que sait-on réellement de ses amis, de ses relations, les connaît-on parfaitement ? Preuve que je ne suis pas si mauvais, je viens de retrouver -après avoir écrit ces lignes- une page annotée : "Connaît-on vraiment les gens ? Non, évidemment, quand bien même on ferait le récit complet et minutieusement détaillé de leur vie. Stéphanie a réfléchi un moment avant de me dire ceci : "On n'a jamais que des fragments de ce qui se passe dans le coeur et la tête des gens, des échos." Puis elle s'est tue avant d'ajouter : "Sauf dans l'intimité... Et encore, pas toujours !" (p.14/15) Et ajouterais-je, se connaît-on parfaitement soi-même ?Vous avez deux heures...
Au-delà de la blague éculée, les deux écrivains font un portrait kaléidoscopique de Soren, une image s'ajoutant à une autre quasi contraire. Chaque page et chaque intervenant ajoutent une touche de lumière ou de noir rendant cet homme tellement humain et complexe.
Je retrouve dans cette belle idée très bien rendue, tout le plaisir de lire Véronique Biefnot et Francis Dannemark. L'écriture en duo n'est pas toujours aisée et peut donner des résultats décevants lorsque les deux talents ne s'additionnent pas. Ce n'est pas le cas ici, les deux auteurs parvenant à rendre leur histoire fluide, crédible et comme toujours chez eux, même si le thème n'est pas joyeux, il ne plombe pas. Il y a toujours une lueur d'espoir, une atmosphère saine qui fait que l'on ferme le livre avec un sourire plutôt que des larmes.
Une belle histoire de rencontres, de gemmelité, d'amour aussi, un récit tout en finesse et poésie.
"Traversant le feuillage du sous bois, la lumière du soleil prenait cette teinte si tendre et chaude qui donne envie de croire à la magie , ou qui du moins rappelle que la vraie beauté du monde ne tient pas dans les paysages les plus spectaculaires mais dans la splendeur discrète et fragile d'un rayon qui caresse en passant le vert velouté d'une feuille d'argent."
Quand les souvenirs remontent avec l'envie du partage et font renaitre des images qui avaient complètement disparu, cela donne une sensation de connexion, d'émotions, d'harmonie et de tendresse, entre tous les personnages. Le cap du jugement n'est plus là, c'est la sagesse qui éclôt.
"Crois un vieux prof d'histoire, Jeanne, tout évolue, tout change. Je lui ai demandé si les gens aussi changer. Oui avec le temps, vite ou lentement pour mille raisons mystérieuses qui s'emmêlent... Ce serait bien si on arrivait à prendre sereinement les choses comme elles viennent, et quand ils viennent. Mais je reconnais que ce n'est pas facile..."
Martha tout en naturel, retrouvé suite à un accident est accompagné par son frère pour changer d'air... c'est le moment de plusieurs belles rencontres, le passé remonte en douceur, les images se forment à nouveau dans sa tête, elle se reconstruit peu à peu. Le frère jumeau est témoin de cette transformation tout en gardant un pied dans sa vie de traducteur. Le personnage de Septime apporte un peu de fantaisie et de réalisme dans ces quelques jours qui apparaissent comme une parenthèse hors du temps.
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