Leni Riefenstahl est une actrice, photographe et réalisatrice allemande née au début du XXème siècle. Son film, Les Dieux du Stade, immortalise les Jeux Olympiques qui se déroulent à Berlin en 1936. Mais Leni Riefenstahl est aussi une proche d’Hitler et de Goebbels, et devient la réalisatrice officielle du troisième Reich. En 1940, elle se lance dans la réalisation du film Tiefland dans lequel elle fera jouer une soixantaine de Roms et de Sintis détenus au camp de Salzbourg. A l’issue de ce tournage, ils seront déportés à Auschwitz et très peu survivront.
Dans ce roman Emiliano Poddi imagine que Leni Riefenstahl, arrivée dans sa cent-unième année se retrouve face à la fille de l’une des figurantes de Tiefland. Toujours très active, mariée à un homme beaucoup plus jeune qu’elle, Leni se rend aux Maldives pour une dernière plongée et pour y faire des prises de vue sous-marines et c’est Martha, biologiste marine, qui va lui servir de guide. Mais Martha s’est volontairement mise en présence de la photographe qu’elle espère confondre et mettre face à ses responsabilités. La mère de Martha, Anna, est en effet une survivante, l’une de celles qui est passée devant la caméra de Leni et que la réalisatrice a laissé partir à Auschwitz sans un mot.
Ce roman est une plongée dans les méandres de la pensée humaine. Face à une Leni Riefenstahl hautaine, sûre d’elle et autocentrée, Martha cherche le courage de l’affronter. La jeune femme est hantée par les souvenirs de sa mère, par cet héritage qu’elle doit assumer et qui l’enferme complètement. Elle sait que la Leni de cent-un ans qui nage au milieu des requins, des poissons colorés et des coraux, qui immortalise en photo les raies mantas est aussi la Leni impitoyable qui a imposé à la jeune Anna un choix impossible.
Emiliano Poddi nous raconte l’histoire d’une obsession, celle de Martha qui connait tout de Leni, qui a lu, enquêté, suivi la photographe-réalisatrice jusqu’à la retrouver aux Maldives avec la possibilité, peut-être, de venger sa mère.
Le roman se lit quasiment d’une traite grâce à un parti-pris narratif qui alterne la biographie de Leni, des extraits de ses mémoires, et les interventions de Martha. On est totalement immergé dans les pensées de Martha, dans ses hésitations, dans ses doutes. Car finalement Martha n’est pas comme Leni, une femme froide et calculatrice. Et affronter le monstre qui la hante depuis tant d’années, même sous l’eau et dans son élément, pas si simple.
Ce roman est absolument passionnant et d’une grande richesse. Il pose une lumière originale sur un personnage à la fois fascinant et terrifiant à travers ce roman qui s’appuie sur une effroyable réalité.
Leni Riefenstahl, à cent un ans, trouve toujours l'énergie nécessaire pour faire de la plongée aux Maldives afin de réaliser ses dernières photos des profondeurs océaniques. Habituée à observer les autres derrière son objectif, Leni Riefenstahl ne sait pas qu'elle est observée à son tour..
En fait, Leni n'est pas seulement cette femme à l'énergie débordante pour son âge pour traverser les océans, elle a aussi été la réalisatrice préférée d'Hitler, connu pour plusieurs documentaires et films, comme "Tiefland" où elle fait appel à des tziganes pris dans des camps avant leurs déportations.
Martha, jeune biologiste marine, observe Leni, elle nourrit une véritable obsession pour Leni, une obsession qui conditionne sa vie. Martha veut comprendre, veut savoir, veut la vérité sur ce qu'il s'est passé durant ce tournage en 1941 et pourquoi elle a demandé à sa mère, qui était une figurante tzigane de faire un choix presque impossible !
"Immersion" est un roman qui nous plonge dans les profondeurs de l'océan mais aussi de l'âme humaine à travers merveille, renaissance et aspérité. Emiliano Poddi apporte à travers un personnage fascinant, terrible, borné, mais complètement réel, une contribution au devoir de mémoire.
La construction du récit est d'une maitrise parfaite, entre le présent (la vie sous marine, la rencontre entre Leni et Martha, les détails du vivant des mers..) et le passé (photographies, citations, biographie, détails...), ce qui donne au roman sa puissance. Une construction mêlant une écriture mature, sonore, rythmée par le bruit des vagues.
Fasciné par ce roman ou peut-être par la personnalité de Leni Riefenstahl, aux multiples facettes : insaisissable, impitoyable, trouble, détestable. Et par cette jeune femme Martha, enfermé dans un réseau de souvenir, où même son métier a été conditionné par le passé. Un récit magistral qui reste l'une de mes meilleures lectures de ce début d'année !
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