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Madrid 1998. Luz est venu d'Argentine dans l'espoir d'y rencontrer Carlos Squirru, qui est peut-être son père. Elle va lui raconter son histoire, ses histoires...
Celle, officielle, de la petite fille d'un colonel fachiste, un de ceux qui semèrent la terreur durant la dictature militaire des années 1076-1983.
Et celle qu'elle tente de reconstituer, où elle pourrait être la fille d'une prostituée, ou d'une militante anti-fachiste, enlevée à sa mère par les militaires.
C'est le troisième roman que je lis sur ce thème des enfants enlevés à des parents opposants, par des soutiens de dictateurs (*).
Le premier, L'affaire Jane de Boy, de Simone Gélin, est un thriller qui aborde le sujet avec délicatesse et beaucoup d'empathie.
Le deuxième est Mapuche, de Caryl Ferey, un de ces romans noirs très violents auxquels l'auteur nous a habitué (mais le seul, parmi ceux que j'ai lus, qui se termine à peu près bien pour les héros).
Et voilà donc Luz et le temps sauvage... La quête d'une jeune fille, d'une jeune femme, d'une jeune maman, qui a le sentiment diffus de ne pas être à sa place, qui se sent rejetée par une mère, qui pourtant ne sait pas.
Je ne m'attarderai pas sur l'intrigue. J'en ai dit l'essentiel.
Parlons des personnages. L'autrice a choisi de mettre en avant la bienveillance, l'empathie, la solidarité, l'amour, l'espoir. Bien sûr, compte tenu du sujet, la barbarie ne peut être totalement absente ; mais "la bête", "le colonel" ou "la mère officielle" ne sont là que comme des repoussoirs. Le roman offre donc une galerie de portraits qui met en avant l'humanité contre la violence.
Terminons par l'écriture (et donc également la traduction).
Le roman est découpé en trois parties : 1976 et la naissance de la barbarie ; 1983, la fin de la dictature et le temps des questions ; 1995-1998, l'âge adulte et celui des réponses. La narration alterne l'histoire vécue et l'histoire racontée, donnant du rythme la lecture. Ces deux points structurent le roman.
L'écriture (la traduction) est délicate. Elle ne cherche pas la complexité, plutôt la simplicité. Elle s'appuie sur les faits, les doutes et les questions, ne recherche pas l'emphase. Elle réussit à restituer avec beaucoup d'émotion les interrogations de Luz et la violence de ses jeunes années.
Un vrai coup de cœur. Et ce n'est donc pas par erreur que j'ai attribué ♥♥♥♥♥♥ / 5 à ce magnifique roman sur mon blog !
(*) Et j'entends ce matin à la radio que l'histoire se répète, dans les régions ukrainiennes occupées par les russes...
Chonique illustrée : http://michelgiraud.fr/2023/02/06/luz-ou-le-temps-sauvage-elsa-osorio-editions-metailie-une-quete-emouvante-un-coup-de-coeur/
Luz est née à Buenos Aires en 1976, au début de la dictature militaire en Argentine. Ce n’est qu’à ses vingt ans, à la naissance de son fils, qu’elle commence à s’interroger sur ses origines. Et si elle n’était pas la petite-fille d’un lieutenant-colonel aux mains sales, mais l’un de ces enfants de « disparus » à qui l’on a volé l’identité ? Commence pour elle une quête difficile, aboutissant à sa rencontre, en 1998, avec son père biologique, opposant politique réfugié à Madrid. Ce livre est le récit de cette fille à son père de tout ce qu’il lui a fallu démêler pour comprendre son histoire et celle de son pays, et, pour, enfin, le retrouver.
Usant d’une technique narrative efficace et d’un ton sobre exempt de tout pathos, la narration dévoile peu à peu les méthodes d’extermination utilisées par la junte argentine au nom d’un national-catholicisme justifiant une répression massive, organisée et systématique, des opposants. Des dizaines de milliers de personnes disparurent sans autre forme de procès - parfois de simples adolescents protestant contre les frais d’inscription universitaires -, torturées et exécutées dans des centres clandestins de détention. Des centaines de bébés furent volés à leur naissance dans ces prisons, et, adoptés sous une fausse identité par des familles en mal d’enfant proches du gouvernement, font aujourd’hui encore l’objet de recherches, sous l’égide de l’association des Grands-mères de la Place de mai.
Au-delà des atrocités commises, la narration souligne la terreur vécue pendant ces « temps sauvages », l’épaisseur d’un mensonge institutionnalisé qui, quand ce livre paraît, pèse encore sur la société argentine, au travers de situations familiales complexes, douloureuses et violentes, alors qu’après la chute du régime, le gouvernement a amnistié la plupart des militaires impliqués par la Loi de l’Obéissance Due – loi que ne devait être abrogée qu’en 2003 – et que menaces et meurtres ont toujours cours pour réduire au silence les personnes trop entreprenantes dans leur quête de vérité.
Dénonciation d’un génocide qui a usé des enfants des détenus assassinés comme de butins de guerre, mais surtout du silence et de la peur qui, en cette fin des années quatre-vingt-dix, entravaient encore la recherche de leur identité, ce livre illustre l’importance et le courage de tous ceux qui, les Grands-Mères en tête, continuent à oeuvrer pour restituer les enfants volés à leurs familles légitimes et pour faire condamner les responsables de ces crimes contre l’humanité. Alors, peut-être, deuil et chagrin pourront-ils un jour être surmontés, fermant, pour les générations futures, le chapitre d’une douleur aggravée par l’impunité des coupables. Coup de coeur.
Luz est née à Buenos-Aires en 1976. Elle a grandi dans une famille aisée et à l'abri des tourments de la dictature qui sévissait pendant ces années là. Son grand-père maternel est d'ailleurs un colonel très puissant. Mais Luz, depuis toute petite, souffre de crises de panique, de cauchemars dont le pédiatre ne peut expliquer la cause.
Si la petite fille se sent très proche de son père, elle rencontre des difficultés relationnelles avec sa mère. Les tensions s'aggraveront après la disparition de son père et quand Luz deviendra mère à son tour à 22 ans, elle entamera des recherches sur son identité.
En effet, elle a découvert quelques années plus tôt, les horreurs commises par les militaires pendant la dictature : les enlèvements, les tortures, les bébés volés à la naissance à leurs mères détenues qui étaient peu après tuées.
Ce roman dévoile d'une façon que j'ai trouvée formidable car il n'y a pas de pathos, tout est très justement dit : la situation en Argentine dans le milieu des années 70, les comportements des fachos et de ceux qui voulaient rétablir la démocratie (les subversifs).
Il touche aussi au secret de famille et à la vérité sur la filiation.
C'est un excellent roman construit en trois parties. Il n'y a pas de chapitres, seulement une suite de réflexions des personnages impliqués (un peu comme si on lisait dans leurs pensées). L'intrigue est très forte, on se demande vraiment ce qui va se passer et comment tout va se terminer.
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