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De plume et d’ailes, Ella Balaert, Des femmes
Abécédaire du pseudonymat. Depuis 30 ans, Ella Balaert écrit sous pseudonyme, et elle ne l’a dit qu’assez récemment. De plume et d’ailes est une sorte de portrait-abécédaire de ses années d’écriture, mais également de sa jeunesse à Avranches. Elle entrouvre la porte de sa vie privée, juste de quoi expliquer en quoi son pseudonyme lui a servi et continue de la servir. En quoi, sans lui, elle n’aurait pas écrit de la même manière, peut-être même pas écrit du tout.
Les paragraphes peuvent être autobiographiques, ou historiques, littéraires : elle évoque beaucoup les auteurs et autrices qui usent ou ont usé d’un pseudonyme, Stendhal, Romain Gary, George Sand… Elle écrit également sur l’étymologie, sur la vie d’autrice, la création, sur l’éventuel dédoublement de la personnalité à user de deux noms -voire davantage pour certains, sur la portée du nom de famille, sur le patriarcat qui souvent oblige la femme mariée à porter le nom de l’époux…
J’aime beaucoup les livres d’Ella Balaert et je découvre dans icelui que ce n’est pas son nom de naissance. J’aime son écriture qui parfois devient poétique, qui peut se faire aphorisme "Le pseudonyme ne cache pas le moi : il exhibe le masque", interrogatif "Tout pseudonom étant surnom, si nommer est humain, se surnommer est-il surhumain ?"
Ella Balaert aborde les thèmes de l’identité, des racines, de la création, du féminisme, de la place de la femme dans la société, de la place de l’écrivain, de la littérature… c’est tour à tour profond, plus léger et malicieux, fin, subtil. Tout ce qui fait de ce genre de livre un très bon livre.
Dans les premiers chapitres nous faisons connaissance avec la foison de personnages qui traverse ce roman : Il y tout d’abord Christophe Lambert, un dandy dilettante et quelque peu cynique, qui décide de devenir éditeur après la mort accidentelle de son ami écrivain Pierre Camus. Il ne publiera que les dernières œuvres d’écrivains morts ou en passe de l’être.
Puis nous croisons Jeanne, seule depuis que Thierry l’a abandonnée. Enseignante en manque de confiance, elle est aussi romancière. L’écriture pour museler sa souffrance ?
« La confiance en un homme qui vous a trahie, ou dans le monde qui vous a trompée, une fois rompue, ne se répare pas. Ça se rafistole, plus ou moins, et c’est tout. »
Et il y a Marie-Madeleine, cette vieille dame en fauteuil qui ne manque pas de malice mais préfère vivre dans la solitude, rideaux tirés. Pourtant elle ne se laisse pas manipuler par sa dame de compagnie. Seule sa petite fille Gwenaëlle trouve grâce à ses yeux, jusqu’à l’arrivée du bel Achard qui viendra lui tenir compagnie et lui racontant ce monde duquel elle se tient à l’écart.
« Ainsi font le héron et sa patronne, jour après jour. Achard comble peu à peu les lacunes de la biographie de Marie-Madeleine. Il a vite repéré sous ses rodomontades un peu bourrues de personne âgée, des angoisses de anciennes de petite fille, et sous des confusions chronologiques qu’elle veille à dissimuler, des zones de turbulence intense. »
Enfin il y a Nadège, amoureuse des deux hommes avec qui elle travaille, Nadège qui s’oublie auprès d’un homme qui n’a rien d’autre à lui offrir que la brutalité d’étreintes rapides.
Les histoires de ces personnages, bien sûr, finiront par s’entrecroiser, et certains mystères se dévoileront peu à peu.
La construction du roman repose sur l’alternance de fragments de vie des personnages. A travers ces existences, l’autrice parle des souffrances, celle des ruptures, du manque d’amour mais aussi les blessures, les traumatismes de l’enfance.
Les personnages masculins ne sont pas particulièrement sympathiques, ou bien ils restent assez flous. Par contre, les personnages féminins sont plus creusés, l’autrice fouille leur histoire, décrypte leurs pensées, Car ces femmes ont toutes une plaie qu’elles grattent sans cesse. On découvre l’enfant abandonnée par sa mère, la petite fille violée, la femme battue, trompée. Mais c’est aussi un roman sur la résilience et l’espoir d’une autre vie.
Un roman à l’écriture élégante, aux descriptions soignées, mais dans lequel on se perd un peu parmi les nombreux personnages. Un sujet fort intéressant, qui aborde de nombreux thèmes comme la création littéraire, la solitude et l’amour, les relations hommes femmes, la filiation, mais un texte qui souffre de longueurs dans des situations qui s’éternisent tout au long de ces 390 pages.
Si les personnages féminins sont denses, fouillés, par contre les personnages masculins, plutôt caricaturaux,
manquent de crédibilité.
Ce roman dont la lecture a été par moment fastidieuse, sera vite oublié.
Mme Ella Balaert explore les possibilités romanesques avec talent dans « Le contrat ».
Elle prend plaisir à manipuler le lecteur avec son roman en chausse-trappe et faux-semblants, et réussit à accrocher l’intérêt avec une attention à ses personnages remarquables. Marie-Madeleine, Christophe, son ami Pierre, Nadège, le réalisateur Achard, tous sont parfaitement caractérisés et s’insèrent à merveille dans une trame très maîtrisée malgré sa complexité.
Sans compter des thèmes forts, sur la filiation, l’agression sexuelle, l’abandon, le désir d’une famille, et la puissance de la création et de la fiction, au cœur du travail de tout artiste.
C’est au final une belle réussite, et mon seul bémol est pour le style de l’écriture, qui bien que solide et maîtrisé m’a parfois dérouté, avec ces changements soudain de point de vue qui perturbe quelque peu la narration. Cependant « Le contrat » reste une belle réussite, un ouvrage poétique et rempli d’une remarquable ambition littéraire, à ne surtout pas manquer !
Le plus dur pour moi, ça va être de tenter de n'être point trop décevant dans ma chronique par rapport à ce superbe roman d'Ella Balaert. Qui commence fort : "C'est pourtant la meilleure des choses qui soit arrivée à Jeanne, de se faire abandonner par Thierry. Combien de temps aurait-elle mis à partir d'elle-même ? A ne plus subir les humiliations de son mari ? Il y a des douleurs auxquelles on s'attache, des souffrances dont on aime à gratter la croûte ; il y a des mortifications dont on tire un orgueil démesuré, des rabaissements qui procurent un sentiment de supériorité si intense qu'ils nous consolent d'être traités comme des chiens." (p.17)
Puis qui continue sur le même rythme avec des personnages forts et profondément décrits : la douce et effacée Jeanne, presqu'invisible. Le dandy flamboyant Christophe, cynique. Sans oublier Mado, la presque nonagénaire, sa petite fille et Nadège, et Achard respectivement actrice et réalisateur. Ils interrogent sur la création, sur l'art, la littérature, l'amour, le désir. Mais aussi sur la mort, sur ce qu'on laissera une fois trépassé. Sur les conséquences des sévices subis dans l'enfance : l'agression sexuelle, le viol, l'abandon par les parents, la violence des hommes... Un roman féministe ? Peut-être, mais ce serait réducteur, c'est un roman qui parle des femmes agressées, et qui contraintes ou volontairement relèvent la tête et se battent chaque jour. Ce roman creuse en profondeur ses personnages, de sorte qu'ils vivent avec nous toute la durée de la lecture et même après.
J'aime beaucoup sa construction qui alterne les narrateurs et ouvre des parenthèses avec d'autres. Ella Balaert construit un roman-puzzle dont il est difficile de sortir avant d'avoir posé la dernière pièce. C'est fin et délicat. Tout est dit, rien n'est superflu.
Et pour finir, je suis sous le charme de l'écriture de l'autrice, entre réalisme et poésie. De belles phrases qui vont au cœur des personnages, qui décrivent admirablement lieux et décors. Un style impeccable et élégant dans lequel, parfois, viennent se caler quelques mots rares et beaux. Et comme des clins d’œil, des liens vers les précédents ouvrages d'Ella Balaert, notamment Jeanne, la fille de la Mont-Joli l'un des personnages de Canaille blues, que je vais relire bientôt.
Les personnages, le style, la construction, tout concourt à faire de ce roman l'un des plus beaux que j'ai lu récemment, et si vous ne devez lire qu'un livre de cette rentrée littéraire de janvier, c'est celui-ci !
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