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Chronique précédemment parue sur le blog www.sambabd.net
C’est marrant mais à chaque fois que j’ai un nouveau (ou un ancien d’ailleurs) « Tardi » entre les mains, je me dis toujours la même chose : « ça, c’est du grand Tardi ! ». A croire qu’il n’existe pas de « petit Tardi »… Le bonhomme a le chic pour ne produire que de la qualité. Il faut dire que ses BD respirent le travail acharné de documentation historique et que son style inimitable accompagne solidement son propos. Bon, même si ici, son propos, c’est plutôt celui de Dominique Grange, mais nous y reviendrons.
En tout cas, je reste une fois de plus bluffé par les qualités graphiques et historiques de cet ouvrage qui ,grâce à cela entre autres, vaut toutes les leçons d’Histoire sur la période, qu’elles soient scolaires ou médiatiques…
Et puis il y a le scénario à proprement parler. La parti pris des auteurs est de nous raconter l’histoire d’un personnage de fiction, Elise, chanteuse puis militante très engagée à gauche depuis les années 60, très largement inspiré de l’autrice Dominique Grange. Ainsi, on ne sait jamais vraiment ce qui découle du réel ou de la fiction dans tout ce qui nous est relaté à son propos. Quoi qu’il en soit, ce personnage, réel ou de fiction, a clairement eu une vie, ou tout du moins une jeunesse passionnante, et ce, que l’on soit d’accord ou pas avec ses engagements politiques, là n’est pas vraiment la question…
Et c’est d’ailleurs l’une des forces de cet ouvrage. A moins d’être un réactionnaire sans cœur ou un véritable facho (mais je ne crois pas qu’ils achèteront cette BD…), on ne peut être que touché par la sincérité des engagements de l’autrice/personnage, notamment quand elle renonce à une potentielle carrière de chanteuse en plein boum des Yéyés pour aller travailler en usine de manière militante. Qu’on soit d’accord ou pas, ça force tout de même le respect, non ? Et j’écris cela alors qu’avec mon regard de quadra de 2021 (oui, je peux encore utiliser ce terme pour quelques années et je compte bien en profiter…), je n’adhère pas à tous les choix du personnage d’Elise dans les années 70, notamment ceux de l’action violente… Mais bon, c’est assez facile de juger aujourd’hui avec le recul sur la Révolution Chinoise, le Maoïsme, depuis le confort du fauteuil où je lis mes BD… J’éviterai donc cet écueil bien actuel qui mène malheureusement bien trop souvent aux excès de la Cancel Culture…
En tout cas, pour les chanceux qui auront cet ouvrage entre les mains, j’espère que vous apprécierez tout autant que moi son immense valeur de documentaire historique, même s’il s’agit en partie d’une fiction, et que vous vous direz également : « ça, c’est du grand Tardi » ! Et de la grande Grange ! (mais bon, il s’agirait tout de même de ne pas dévier sur une chronique fermière)…
Dans ce roman graphique, nous suivons pendant près de 200 pages, Elise, jeune chanteuse lyonnaise. Elle monte à Paris pour tenter sa chance en 1958. Militante maoïste engagée, elle prend part à toutes les luttes : celles dans les universités, les usines, les mines, celles des immigrés, algériens notamment…et elle ne baisse jamais les bras.
Dominique Grange nous explique dans sa conclusion que cette bande dessinée n’est ni fiction,ni autobiographique. Mais aussi qu’à cette époque, les français n’étaient pas encore au courant de toutes les horreurs que Mao a exercé dans son pays.
Les auteurs nous embarquent, avec vif intérêt, dans ces combats. J’ai appris beaucoup de faits de cette époque et je suis admirative de leurs engagements sans fin pour la lutte des classes.
J’aime toujours autant les dessins de Jacques Tardi .
Ouvrir un album de Tardi c’est plonger dans une partie de l’histoire de la France, se voir partager le point de vue d’un artiste citoyen. Écouter ou lire Dominique Grange, c’est entendre une parole engagée sur le monde, animée par des valeurs fortes. Ces deux artistes composent avec cette bande dessinée un récit à la première personne. Élise est un double, une projection, un alter ego de Dominique Grange. Mais peut importe que cette vie soit autobiographique ou pas. La sincérité, dans les mots, dans le rythme, dans les dessins, est telle que cette histoire nous émeut et nous interroge. Ces deux artistes nous bousculent et nous mettent au pied du mur de leur combat. Élise s’est révoltée contre le gouvernement, a fait mai 68, a vu les crimes passés sous silence de la Guerre d’Algérie. Élise n’a pas fermé les yeux, s’est battu et a affronté. Le titre de cette bande dessinée, Les nouveaux partisans, pourrait être une référence à ces partisans dont le chant saluait le courage pendant la Seconde guerre mondiale. Ces partisans portent un nouveau regard dans ce monde capitaliste gangréné par les inégalités, par les violences, par l’aveuglement d’un pouvoir, par le refus de l’opposition. Le propos tenu par les auteurs nourri par leur vécu, animé par leur conviction politique, est parfaitement porté par les dessins de Tardi. Les deux grands artistes dont la rencontre clôt l’histoire de cet album, suggérant un amour naissant, une harmonie créatrice, signent une bande dessinée politique, inscrivant la place de citoyen·nes dans leur société et le rôle que peuvent prendre des artistes pour parler du monde.
Elise a à peine vingt ans lorsqu'elle monte de Lyon à Paris, en 1958, pour poursuivre ses études. En pleine guerre d'Algérie, elle va vivre la manifestation du 17 octobre 1961 contre ce conflit et pour l'indépendance de l'Algérie réprimée par la violence de la police de Maurice Papon, puis 4 mois après une autre manifestation à la répression sanglante au métro Charonne. Son engagement auprès des plus faibles, des humiliés, des travailleurs ne faiblira jamais. Maoïste, elle se battra jusqu'au bout pour ses idées et contre toute forme d'injustice.
Dominique Grange scénarise ce qui ressemble à ses engagements, à sa vie, de sa jeunesse à sa rencontre avec Jacques Tardi, qui dessine comme toujours magnifiquement cet album. C'est le parcous d'une femme et de beaucoup d'autres et d'hommes qui ne veulent pas du capitalisme, qui vont aller de répressions en violences policières, de coups reçus en emprisonnements si ce n'est abusifs au moins discutables. La France des années 60 n'est pas une démocratie dans laquelle tout peut être dit. Parler de la guerre d'Algérie, c'est difficile, de révolution pour virer les patrons-profiteurs et protéger davantage les ouvriers ça passe encore mal. Le pouvoir contrôle les médias, dispose d'une police politique...
J'ai beaucoup de respect pour Elise et ses compagnons de lutte et comme j'aime beaucoup le dessin de Tardi qui sait, quelque soit le sujet qu'il illustre, le saisir et le rendre de manière admirable, je ne peux que conseiller cet ouvrage assez conséquent, qui bien qu'il parle des années 60/70 est toujours d'actualité : les plus riches sont toujours plus riches, les plus pauvres plus pauvres, les violences policières sont toujours présentes, l'extrême droite n'a jamais eu autant d'écho et de place pour s'exprimer. C'est sans doute le bon moment pour sortir ce livre...
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