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Les dates jalonnent notre parcours, de naissances en décès, d'événements heureux en commémorations attristées. Les chiffres deviennent des références, certains les jouent au loto ou à la roulette, il faut bien tenter de donner un sens à son arrivée sur terre. Didier da Silva entreprend ici d'explorer le calendrier de façon exhaustive mais totalement arbitraire, tentant de relier les événements entre eux et de dessiner, peut-être, le profil de chacun de ces jours. Un exercice inédit, instructif, virtuose, parfois cruel, souvent drôle. En tout cas très inspiré.
Le titre se réfère au passage du calendrier julien au calendrier grégorien tel que nous le connaissons actuellement, en 1582, et vous en trouverez l'explication à l'entrée du 4 octobre, une simple bulle papale décrétant que le lendemain serait donc le 15 octobre, une histoire d'équinoxe et de jour de Pâques... Bref, vous verrez. Mais l'auteur ne se contente pas de ce seul calendrier grégorien, des références au calendrier pataphysique et, plus nombreuses et imagées, au calendrier révolutionnaire de Fabre d’Églantine permettent de donner à ces 366 jours des éclairages favorisant les contrastes. Comme ce 13 septembre qui "selon Fabre, est le jour de la verge d'or. Il donne en effet des gens estimables".
Bien sûr, le premier réflexe est d'aller examiner les dates qui nous importent. Car c'est un ouvrage que l'on peut choisir de lire dans l'ordre ou bien de picorer. Il peut remplacer et même sublimer le concept de l'almanach que certains éditeurs ont fait évoluer vers des versions très commerciales à l'approche de Noël - 365 histoires drôles/recettes de cuisine/pensées positives/j'en passe et des meilleures. Ouvrir ce livre chaque matin à l'entrée du jour et s'offrir quelques minutes (parfois secondes car certains jours passent vite) d'esprit, de poésie et de finesse. Aujourd'hui, date de publication de ce billet voilà ce qu'il en est : "Le 10 novembre sent la poudre, il a le doigt sur la gâchette..." (pour savoir pourquoi, vous lirez ;-)). Je vous l'ai dit, l'exercice peut être cruel. Pervers même. Découvrir que l'on partage le 25 octobre avec Picasso, on commence à bomber un peu le torse et jeter un œil vers ses crayons à dessin bêtement remisés dans un pot depuis des décennies, quand soudain, la phrase d'après vous apprend que Klaus Barbie aussi. Ça refroidit. Oui alors ne ricanez pas trop... "Les natifs du 7 octobre éviteront de la ramener car ils partagent cet anniversaire avec Heinrich Himmler et Vladimir Poutine, excusez du pire"...
Il n'est pas seulement question de naissance ou de mort, loin de là. Au fil du calendrier, on parcourt l'histoire du monde à travers le prisme des arts, de la culture, de la science ou encore des droits de l'homme. Il y a des hasards qui font sourire. Des bégaiements de l'histoire beaucoup plus dramatiques, à l'exemple du 26 avril. Il y a surtout le regard de Didier da Silva, fort aiguisé, piquant, prompt à isoler les faits pour mieux les mettre en relation avec quelque chose de plus grand. De l'humour, oui, mais teinté d'une tendre inquiétude. De l'humour néanmoins : "Trente-deux années après la fameuse nuit du 4 août qui vit la France voter avec exaltation l'abolition des privilèges, rien que ça, en s'imaginant un peu vite que l'affaire était dans le sac, naissait sans faire de bruit chez des paysans du Jura, les Vuitton, un enfant qu'on prénomma Louis".
Bien plus intelligent qu'un calendrier de l'Avent (il durera aussi pour l'après), bien plus original à déposer sous le sapin que les traditionnels prix littéraires. Me suis régalée.
(chronique publiée sur mon blog : motspourmots.fr)
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