Si certaines sont impressionnantes et effrayantes, d'autres sont drôles et rassurantes !
Je viens de terminer Rappel à la vie de David Park, et ce court roman m’a profondément émue. L’histoire suit plusieurs personnages, chacun ayant son propre chapitre. Avec une écriture à la fois lyrique et épurée, l’auteur nous invite dans l’univers de ce groupe d’inconnus unis par un même défi : passer du canapé à une course de 5 kilomètres en neuf semaines. Mais rapidement, on comprend que cette expérience va bien au-delà de l’aspect sportif, en explorant la notion de communauté dans la société irlandaise. Chacun porte ses propres blessures. Maurice, qui a perdu sa femme, cherche à protéger sa fille et sa petite-fille, plongées dans des problèmes familiaux. Cathy, bibliothécaire, essaie de reconstruire sa vie après un divorce difficile et des soucis de santé. Brendan, infirmier, se trouve à douter de son mariage à venir avec Angela, une femme issue d’un milieu privilégié. Et puis il y a Yana, réfugiée syrienne et coureuse aguerrie, qui fuit les traumatismes de la guerre et la perte de son frère. Les thèmes universels du deuil, de la solitude, de la résilience et de l’espoir sont abordés avec une grande délicatesse. À travers les entraînements, ces personnages, pourtant si différents, tissent des liens profonds et inattendus. La course devient ainsi une métaphore forte, chaque pas symbolisant une avancée vers la guérison et le renouveau. Ensemble, ces âmes meurtries apprennent à se relever et à courir vers un avenir plus radieux. À travers l’histoire de ces personnages aux parcours si différents, l’auteur nous invite à réfléchir sur ce qui nous lie, sur la manière dont, malgré nos blessures, nous parvenons à avancer. Ce récit, à la fois simple et profond, nous touche et nous rappelle la force qui réside en chacun de nous. Que vous appréciiez la course ou non, cette histoire met en évidence avec talent la puissance de l'être humain et sa capacité à surmonter les obstacles.
https://latelierdelitote.canalblog.com/2024/12/rappel-a-la-vie.html
Quand j'ai vu le nom de David Park dans la liste de la Masse Critique de Janvier, je n'ai pas hésité à cocher son livre, tant j'ai aimé son premier roman traduit en français : Voyage en territoire inconnu.
Et je remercie Babelio et les éditions La Table Ronde pour cet envoi.
À lire le résumé, les deux livres semblent assez éloignés. Pays, histoire, cadre, lieux, contexte, tout est différent. Et pourtant, les deux hommes, héros de chacun des romans, presque seuls même si leurs situations ne sont pas identiques, se rejoignent. Tous deux revisitent le passé, tous deux culpabilisent, tous deux pensent qu'ils doivent expier. Trouveront-ils la rédemption ? Je vous laisse découvrir la prose magnifique de l'auteur pour avoir la réponse.
Michael Miller est en poste à Saïgon en 1973. C'est le début de la fin pour les Américains. Simple gratte-papier dans une agence de renseignement, il est recruté par la CIA et va devoir accomplir certains actes qui le marqueront. Quarante ans plus tard, remis en contact mystérieusement avec celui qui l'avait recruté, Donovan, il va replonger dans ce passé et tenter d'en extraire la vérité, avant une ultime rencontre qui espère-t-il lui apportera les réponses qui lui manquent.
Un sujet, résumé ainsi, qui ne semble pas très original, mais dont la lecture m'a envoutée.
Envoutée d'abord par l'écriture splendide de David Park, toute aussi capable de faire jaillir des images sous mes yeux par ses descriptions de paysages du désert, des derniers jours de Saïgon avant le départ des américains, que d'analyser avec finesse les états d'âme de son personnage principal. Une écriture qui sait rester sobre, pas de violence exagérée, qui de mélancolique devient de plus en plus désenchantée au cours du roman. David Park ne cache pas ses sentiments vis-à-vis d'un certain occupant de la Maison Blanche.
Envoutée par les personnages, et d'abord ce Michaël, jeune gratte-papier sans beaucoup d'expérience, marqué par son éducation religieuse, pour qui le bien et le mal sont des valeurs importantes, pour qui rectitude n'est pas qu'un mot, qui va se retrouver dans cet endroit unique qu'a été Saïgon dans les derniers mois de l'occupation américaine. Il va être confronté à des situations difficiles à vivre, il subit beaucoup, se convainc qu'il n'a pas le choix, mais va aussi participer à certaines actions qu'il juge répréhensibles. Il erre dans cet environnement, très seul, malgré un ami par défaut, malgré la sympathie de quelques vietnamiens qui seront lâchement abandonnés au moment du départ, malgré la belle Tuyen qu'il n'oubliera jamais.
Si j'ai aimé ce jeune Michaël, j'ai encore plus apprécié celui qu'il est devenu quarante ans plus tard, après une belle carrière au Foreign Office et un mariage heureux mais malheureusement écourté. Il est à nouveau seul et un DVD reçu de son ancien ami au Vietnam le pousse à re replonger dans ses souvenirs et à partir dans le désert mexicain, pour peut-être obtenir certaines vérités. Il a vieilli, il a appris beaucoup de choses, il a bien vécu, mais il n'a pas tellement changé. Il est toujours celui qui se comporte bien, celui dont les valeurs sont importantes. Il ne croit plus, mais les notions de bien de de mal sont toujours aussi importantes. Et il va plus évoluer pendant ces deux jours de voyage que dans sa vie entière.
Envoutée aussi par la richesse des références qui se mêlent harmonieusement au récit. La référence biblique présente dès le titre, cette terre promise ce Canaan, cette terre où Moïse envoie ses espions, deux seulement étaient bons, lesquels sont-ils aujourd'hui ?
Et puis les références nombreuses à la littérature, et entre autres, au colonel Kurtz de Joseph Conrad, dont la relation avec Marlow rappelle celle qui s'établit entre Michaël et Donovan ; et celles qui reviennent par-ci, par-là, Michaël ayant gardé de son enfance dans les grandes plaines le goût de la lecture, seul moyen pour lui à cette époque d'échapper à cet horizon si large physiquement et pourtant si limité.
Un roman fascinant, une analyse très poussée et d'une grande justesse du caractère de cet homme, de l'évolution qui va se produire en lui, une réflexion passionnante sur ce qui nous façonne dans l'enfance et comment cela influe sur nos actes toute notre vie, un regard très juste sur le rôle de l'État et les mensonges qui y sont trop souvent attachés.
En refermant ce roman, je me suis demandée où voulait en venir l’auteur. Et puis j’ai pris le récit par la fin, et tout s’éclaire.
Canaan désigne la Terre Promise, alors pourquoi commencer avec une histoire d’espionnage dans son propre camp pendant la débâcle du Vietnam ?
Le personnage principal n’est pas le narrateur, gratte papier de la CIA dans les bureaux de Saïgon, mais son recruteur Donovan.
De Donovan, nous saurons peu de choses, si ce n’est qu’il est marié au pays mais a une liaison avec la jeune Tuyen.
J’ai aimé la logeuse de Michael le narrateur, Mme Binh qui prophétise à tous ses logés la même chose : ils ne pourront oublier le Vietnam et n’auront que des filles.
Il n’y a que deux grands mouvements dans ce roman : au Vietnam et à la frontière avec le Mexique de nos jours. Mais chaque début de partie, Michael nous raconte que lorsqu’il était enfant, il souhaitait que son père badigeonne de sang les portes pour que l’ange destructeur épargne sa famille.
Cette histoire biblique, je l’ai prise comme une volonté du peuple américain de ne pas être détruit par les hordes de migrants sensées les grands-remplacés. Une façon de se prémunir contre l’inconnu qui fait peur. Seule la méthode à changer : un mur est construit. Mais le sang est toujours versé.
Vous l’aurez compris, un roman au message politique contre une Amérique qui se barricade et qui n’accueille plus en son sein, comme elle avait déjà abandonné les vietnamiens qui l’avaient aidé en d’autres temps.
Une citation :
J’étais frappé – et je le suis encore – par la quantité d’énergie qui a dû être dépensée dans ce monde fragmenté d’intérêts divergents et de luttes de pouvoir. Que nous soyons engagés dans les dernières affres d’une guerre extrêmement coûteuse en vies humaines n’y changeait rien : il n’y avait pas d’unité en termes d’objectifs politiques ou militaires, et on laissait de fortes personnalités ainsi que des centres de pouvoir continuer à imposer une lecture des événements inspirée de leur unique point de vue ou dictée par leurs intérêts particuliers. (p.87)
L’image que je retiendrai :
Celles des documents et des vêtements brûlés sur les toits de Saïgon, entrainant des nuages de neige noir.
https://alexmotamots.fr/un-espion-en-canaan-david-park/
Un roman écrit à la première personne, donnant voix au jeune Michael Miller décrivant les derniers jours de Saïgon. Les États-Unis quittent le Vietnam, il a une vue imprenable et protégée en tant que jeune diplomate au service des agences de renseignements dans lesquelles il fait office de gratte papier. Lorsque Miller est recruté à temps partiel par l'agent Ignatius Donovan, il se retrouve plongé dans la noirceur des duperies qu'engendre la guerre. Pourtant il n'a de cesse que d'obtenir son approbation tout en voyant son estime de lui chuter. On assiste impuissant à cette roue qui tourne et broie tout sur son passage. La présence Américaine se veut sauveuse au Vietnam , en Irak ou en Afghanistan mais immanquablement cela ce fini mal avec les populations civiles en grand danger qui grossiront les « boat people » tout autant que ces images plus récentes où des hordes désespérées s'accrochent aux avions. Quarante années ont passé, on retrouve notre homme aux portes de la vieillesse tenter de se réconcilier avec lui-même toute honte bue entre rédemption et expiation.
L'écriture sans fioritures de David Park dresse un portrait sans concessions des derniers moments de la vie à Saïgon avec une force descriptive impressionnante. La fin d'une collaboration, un démantèlement qui se fait dans la trahison et l’abandon de ceux qui travaillaient pour eux.
Les personnages sont essentiellement masculins et sont des caractères en opposition entre l'innocence voir la naïveté de Miller, le côté fourbe et sans scrupules de Donovan. Pourtant tout au long du livre, tout comme dans la mémoire de Miller une femme sera toujours présente, en filigrane, la belle Tuyen au destin incertain. Un superbe roman qui offre une vision d'un monde tournant en boucle, où les murs et les barbelés sont toujours plus hauts et plus nombreux. Bonne lecture.
http://latelierdelitote.canalblog.com/archives/2024/01/22/40127495.html
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