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La narratrice a la trentaine et vient tout juste de débarquer à Heidelberg, dans une résidence universitaire, en provenance de son Buenos Aires natal. Que vient-elle faire dans cette ville à l'autre bout de son monde ? Elle ne le sait pas exactement elle-même. En tout cas elle sait qu'elle ne vient ni pour étudier, ni pour travailler. Juste "pour dormir d'une traite" et quitter (fuir?) sa vie en morceaux. Peut-être veut-elle en réalité retrouver son enfance, sa sécurité et ses certitudes, elle qui a vécu les cinq premières années de sa vie à Heidelberg avec ses parents qui avaient fui la dictature argentine.
Partie sur un coup de tête, sans prévenir personne, avec peu d'argent devant elle, elle tente de s'intégrer dans la résidence, alors que les autres pensionnaires ont quasiment tous dix ans de moins qu'elle. Loin de forcer les choses, elle se laisse porter par le flux quotidien et par les agissements de ceux qui l'entourent. Contre toute attente, son séjour allemand sera tout sauf banal, comme s'il suffisait qu'elle apparaisse pour que surviennent des événements tragiques ou cocasses, qui influenceront plus ou moins les projets de vie dont elle n'a pas encore conscience.
"Une chambre en Allemagne" est l'histoire d'une jeune femme qui voudrait mettre sa vie entre parenthèses le temps d'y reprendre pied, mais qui n'y arrive pas vraiment, parce que, quoi qu'elle fasse, le temps continue à courir et le monde à tourner, avec ou sans elle.
Le texte est un peu mélancolique, avec des épisodes comiques, l'écriture et l'histoire sont simples, efficaces, addictives, le roman se lit très vite, en quelques heures, mais c'est suffisant pour s'attacher aux personnages et regretter qu'il n'y ait pas quelques chapitres en plus.
Certes, l'Argentine n'apparait seulement qu'en trame de fond puisque l'épisode se concentre sur la vie de la narratrice argentine à Heidelberg, en Allemagne.
L'héroïne débarque en Allemagne, laissant derrière elle famille, travaille et ex-petit-ami, exactement là où elle vécu trente ans plus tôt avec ses parents lorsqu'ils fuirent la dictature argentine. Elle fuit sa rupture d'avec Salvador, sa vie parfaitement réglée pour se plonger, en un coup de tête, dans un monde constitué pour une grande partie d'inconnu et une petite part de souvenirs, bien lointains. Sans connaître personne là-bas, elle s'installe dans une résidence d'étudiants, ou elle va réussir à tisser des liens avec certains d'entre eux, aussi perdus qu'elle dans cet univers un peu hostile ou beaucoup peinent à trouver des repères. Tout oublier et reprendre son souffle.
Le roman des péripéties allemandes de l'héroïne argentine se lit quasiment d'une traite. Sans aucun temps mort, il nous entraîne dans la solitude de cette exilée totalement déboussolée et qui se lit d'une amitié, aussi improbable que furtive avec une jeune japonaise ainsi qu'un compatriote auquel elle finit par se lier. Elle vit cet exil à la fois comme un retour aux sources et comme une pause rédemptrice dans sa vie à travers la distance qu'elle met avec son pays et sa famille : mais c'est toute une multitude d'aventures, de surprises, de rencontres, les plus inattendues les unes que les autres, qui l'attendent et qui donnent tout le sel de ce roman.
Un roman tour à tour grave, certains savent cacher leurs blessures avec soin, léger, la narratrice est une jeune femme désormais célibataire qui papillonne d'un homme à l'autre, ne sachant plus ni ce qu'elle veut, ni où elle va, plein d'émotions de ceux qui s'enfoncent dans leur douleur sans jamais pouvoir en ressortir, de sentiments dissimulés, mais aussi plein d'espoir, où la rencontre avec certains qui donnent sans compter et sans qu'il n'y ait de retour possible.
La jeune femme forme un trio avec ses deux amis argentins, et Mario, liés par une sorte d'entente naturelle – même si l'Argentine est un pays immense – une forte amitié qui revêt d'ailleurs plus une identité de liens amoureux ou d'amour paternel que de liens amicaux. Au delà de cette sensation d'exilé qu'ils partagent tous les trois, et que presque tous les personnages de ce roman de l'exil partagent, ou Heidelberg est une terre d'accueil, un refuge, loin des terres brulées d'Argentine et d'ailleurs. Fréquentant essentiellement des individus issus de l'immigration, temporaire ou définitive, le récit offre une galerie de personnages qui ont quitté leur pays pour des raisons diverses, politique, économique, familiale ou pour les études. C'est un miroir aux multiples reflets de l'experience de l'exile, vécue positivement, subie, voie de secours pour certains, impasse pour d'autres, ou voie d'accès pour d'autres encore pour accéder à une vie meilleure au sein de leur propre pays.
Pour la narratrice, c'est une sorte de passerelle entre passé et présent, elle n'a jamais fait le deuil de cette vie allemande, et cette parenthèse qu'elle s'offre, à bout de souffle d'une vie qui lui pesait, aussi courte qu'elle soit, ce qui explique aussi la brièveté du roman, et de l'expérience finalement éprouvante et condensée qu'elle y vit – deuil, naissance, amitié, retrouvailles, aventure, sensualité – d'expériences qu'elle vit pour la première fois en Allemagne. C'est bref, mais c'est dense, la narratrice est jeune, attirante, seule et intelligente, forcément elle sait capter l'attention des uns, des autres, elle entraine dans son sillon ses compagnons d'errance. On se laisse, de la même façon, emporté par le tourbillon de péripéties dans lesquelles elle se laisse entrainer sans s'apercevoir que le récit est déjà terminé. La seule chose que je pourrai reprocher à ce roman : la fin est très abrupte, et ne laisse pas de place à une voie de sortie éventuelle, que l'on attend pourtant très tôt dans le récit, dommage.
C'est un bon premier roman, il y aurait eu quelques chapitres en plus pour peaufiner la sortie de scène de la narratrice que je n'aurais pas trouvé cela plus mal. Cela dit, c'est un roman de l'instantanéité ou les personnages vivent et profitent, sur le moment, sans penser au jour d'après, jouissent de l'instant présent, chacun sait que leur position n'est que passagère, les amours comme les amitiés, les temps sont comptés comme le séjour à Heidelberg de la narratrice. Roman de transition, de l'entre-deux qui mélange un brin de folklore argentin et la turpitude de la réalité froide et acérée d'une étrangère seule dans une ville allemande, dont les souvenirs commencent à devenir dangereusement délavés par l'usure du temps. C'est un roman qui a le charme particulier de la fugacité de ces instants légers, doux et heureux, aux effluves d'un bonheur qui a été, de celui qui pourrait être, en tout cas il est de ceux qui ne s'oublieront pas.
Elle est argentine, elle a passé ses premières années en Allemagne, et y revient des années plus tard, dans un but qu’elle-même a du mal à définir. Dans la résidence étudiante où elle est hébergée, elle fait rapidement la connaissance d’un compatriote, et d’une étudiante japonaise survoltée. Contrainte de justifier sa situation, ses pas la dirigent vers l’université où elle retrouvera un ami de la famille, qui y est enseignant.
Découvrant qu’elle attend un enfant, les liens se tissent autour de cette grossesse inopinée, tandis que l’ambiance devient un peu étrange, et que les personnages semblent s’abriter derrière des alibis de façade. Un drame achèvera de compliquer les relations.
Le mystère qui s’épaissit au cours des pages est une accroche forte pour le lecteur. Et l’on craint une escalade dans le malheur. Toute cette partie est fort bien construite.
Mais malheureusement, le soufflé s’effondre avec la fin de l’histoire qui ne va pas au bout de choses.
Certaines phrases sont curieusement construites, est-ce un effet de la traduction (« Je marche sans réfléchir à où je vais », « je passe ma journée à me demander si venir ou pas »)?
Donc très bonne impression pour les trois quarts du livre et déception sur la fin, avec la frustration de ne pas en savoir plus sur certains personnages.
Merci à Netgalley et aux éditions Métailié
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