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« Como estas usted ? Moyen, pas fort, doucement ? » Je vous déconseille d’ouvrir ce livre.
« Au fond du trou ? » Alors foncez, vous verrez que votre situation pourrait être pire et ça vous aidera…peut-être. Engageant, n’est-ce-pas ?
Bien sûr, j’aurais pu vous « faire l’article » en vous rappelant que José Camilo Cela fut nobelisé en 1989, ou en vous disant qu’il raconte Madrid à cette période de sa vie où il eut vingt ans, ou bien que le 18 juillet 1936, première journée de la guerre, c’était aussi la fête de son saint patron Camilo qui est aussi celui des hôpitaux. Je devrais vous dire également que vous avez là une occasion de faire connaissance avec le tremendisme et le monologue intérieur.
Mais je me méfie. Des esprits chagrin pourraient relever qu’un Prix Nobel de littérature avec 28 livres à son actif et si peu d'avis sur lecteurs.com, c’est suspect, très suspect. Ca pourrait, comme en 1936, valoir condamnation sans autre forme de procès.
Alors soyons optimistes. Disons que vous avez répondu, comme moi (menteur !), « très bien, merci » à ma question inaugurale et nous voici partis : « on se regarde dans la glace et l’on tutoie son image avec un brin de familiarité.»
Un début difficile, déroutant, marqué par la vie ordinaire de gens ordinaires à travers le prisme du sexe, la plupart du temps tarifé, la pauvreté, la misère du quotidien et des sentiments.
Vous avez plusieurs fois envie de reposer ce livre, trop dur, trop lourd, trop indigeste, avec ses phrases interminables, longues comme un jour sans pain, et ses personnages abîmés, estropiés, résignés à une vie misérable. Des mouches, des cafards, des vers, puis des cadavres, ceux du lieutenant José Castillo et du député Calvo Sotelo d’abord puis les autres… Les enterrements, les discours, les cris, les représailles. Vous tournez encore quelques pages, vous persévérez sans trop savoir pourquoi, et puis enfin vous comprenez, à mi-parcours environ, que c’est le meilleur récit que vous ayez pu découvrir sur la guerre d’Espagne et au-delà sur une guerre civile. Vous voyez réellement comment cela se passe « sur le terrain » comme on dit ou au raz des pâquerettes comme on disait. Comment ça se passe quand on est dedans, qu’on est englué dans ses habitudes, son inertie et ses contraintes et qu’on ne peut y échapper. Un des personnages le dit : « Ma qualité de député me donne l’immunité parlementaire, et ensuite pourquoi fuir si je n’ai rien à me reprocher ? Non, je ne me cacherai pas car je ne suis pas un délinquant, je peux avoir mes idées mais je ne suis pas un délinquant.»
La guerre civile sans envolées lyriques, sans slogans, sans fanfares, l’absurdité, le hasard, la peur, les nouvelles contradictoires, les rumeurs, la vie qui continue (ou essaie), l’espoir d’être épargné car on n’a jamais pris parti. On a beau vouloir se tenir à l’écart des « événements », rien n’y fait, dans une guerre civile, personne n’est neutre. Vous êtes d’un camp ou de l’autre même si vous ne le savez pas, ne le croyez pas ou ne le voulez pas. Et si, par malheur, votre femme a la mauvaise idée de vouloir accoucher au-milieu de cette nuit tragique de la San Camilo 1936, ne foncez pas tête baissée dans la rue pour quérir la sage femme qui vit à trois rues de là. Vous n’y arriverez jamais, car un homme qui court dans la rue pendant une guerre civile a forcément quelque chose à se reprocher. Il ne verra jamais sa fille. A Madrid en 1936, cet homme en pyjama est forcément un fasciste qui mérite les deux balles qu’il a reçues dans le dos. A Burgos, ça devait être un bolchevique.
Dieu nous préserve d’une guerre civile !
Une écriture aussi dure et sauvage que le principal personnage. Un récit brut à l'image de cette Espagne profonde.
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