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Talitha a treize ans et vit avec son père au sein de la réserve de Pine Ridge, dans une petite caravane bien délabrée, attendant avec impatience le jour où ils pourront enfin construire une petite maison sur les terres qui leur appartiennent. Malgré la précarité dans laquelle elle évolue et la haine de ses camarades face à son statut de métisse, Talitha ne se considère pas comme malheureuse : elle a un père formidable, une meilleure amie fantastique, un don pour le dessin et une passion pour les chevaux. Aussi, rien ne la rend plus heureuse que d’apprendre que les nouveaux voisins de son horrible tante possèdent des chevaux, qu’ils l’autorisent à venir les voir autant qu’elle le souhaite, et qu’ils acceptent même de lui apprendre à monter. Elle tombe sous le charme d’une pouliche promis à une destinée exceptionnelle selon les croyances lakotas, mais aussi sous celui du Neil, le fils ainé de la famille. Son bonheur est total, jusqu’à ce que leur caravane soit frappée par la foudre et que tous ses rêves se brisent dans l’incendie qui s’ensuit …
Comme la plupart des ouvrages d’Antje Babendererde, ce roman plonge le lecteur au cœur d’une réserve indienne et l’invite à découvrir le quotidien des Lakotas d’aujourd’hui. Une vie en perpétuel équilibre entre les obligations de la vie « moderne » et le respect des coutumes et croyances traditionnelles, une existence rythmée autant par les considérations matérielles que par les exigences spirituelles et morales héritées du passé. Mais ce roman nous montre également que cet héritage ancestral ne se limite pas aux festivités et cérémonies dansantes et joyeuses qui nous viennent à l’esprit lorsque l’on évoque la culture amérindienne : les Lakotas célèbrent aussi les périodes les plus sombres de leur histoire, par de longues processions à cheval sur les pas de leurs ancêtres abattus par les soldats Blancs. Et cette haine des Blancs, cette rancune à l’encontre des chefs pacifiques qui ont préféré la signature d’un accord à la poursuite de la guerre, se transmet, elle aussi, et attise aujourd’hui encore des tensions qui séparent progressivement la tribu. Talitha, bien malgré elle, devint ainsi le souffre-douleur de son école parce que sa mère était une Blanche, elle qui respecte pourtant bien plus les traditions que nombre de ses camarades. Ce roman nous conte la douleur d’un peuple meurtri qui peine à pardonner aux descendants de leurs bourreaux.
Mais ce roman, c’est aussi l’histoire du passage de l’enfance à l’adolescence, cette transition délicate où tous nos repères s’effondrent, où notre corps se transforme, où nos rêves se heurtent à la terrible réalité et où notre sensibilité est mise à rude épreuve. Avec énormément de finesse, de justesse et de délicatesse, Antje Babendererde nous invite à suivre Talitha dans cette étape difficile. Car Talitha a beau être une jeune fille courageuse et débrouillarde, elle n’en reste pas moins une adolescente sensible et innocente, qui se rend compte avec douleur que la vie n’est pas un long fleuve tranquille mais un torrent déchainé, que nos choix ne sont pas sans conséquences et que nos souhaits doivent affronter de nombreux obstacles pour se réaliser. L’adolescence, c’est l’époque des premiers amours, des premiers désirs qu’on ne sait comment exprimer, des premiers élans du cœur qu’on ne sait comment combler. C’est l’époque de toutes les maladresses et de toutes les peines. Comme toujours avec Antje Babendererde, ce roman est une véritable source à émotions : on se réjouit avec Talitha, on est triste face à son chagrin, on espère et on frissonne avec elle. On se sent très proche de Talitha, et c’est un vrai bonheur que d’avoir fait ce bout de chemin en sa compagnie.
En bref, Antje Babendererde nous prouve une fois de plus que la classification « jeunesse » ne rime absolument pas avec « faiblesse », mais plutôt avec « richesse » : bien loin d’être un roman « simpliste » ou « futile », Talitha Running Horse est au contraire une histoire profonde et intense, qui appelle à des réflexions sur le pardon et l’acceptation de la différence, sur l’adolescence et ses désillusions, mais aussi sur l’importance du dialogue dans une famille, sur la responsabilité, sur l’espoir et l’amitié. Un roman que je conseille à tous les amoureux de la culture amérindienne, mais aussi à tous les passionnés de chevaux (je n’en ai pas parlé car ma chronique est déjà assez longue, mais les chevaux ont une place centrale dans ce récit) et à ceux qui aiment les belles histoires d’amour et d’amitié. Un roman que je relirai avec grand plaisir !
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