Lancé en janvier 2015, le Club des Explorateurs permet chaque semaine à deux lecteurs de lire en avant-première un même titre que nous avons sélectionné pour eux et de confronter ainsi leur point de vue.
Cette semaine, Nathalie a choisi Cécile pour partager sa lecture et son avis sur le livre La partie de chasse d'Isabel Colegate (Belfond).
L'avis de Nathalie
Ce roman a une odeur d’antan, de nostalgie d’une ère révolue. Il se déroule au début du XXe siècle dans la bonne société anglaise. Celle-ci s’est réunie à Nettleby dans la demeure de Sir Randolph, grand propriétaire terrien, pour une partie de chasse.
Ce roman historique d’Isabel Colegate nous emmène en Angleterre, à la veille de la 1ère Guerre Mondiale, dans cette campagne intemporelle, un peu cliché qu’on imagine bien et qui sert souvent de décor aux séries britanniques. D’ailleurs la préface est signée par le scénariste de Dowton Abbey mais je l’ai lu après le roman car elle révèle l’intrigue, ce que je trouve étrange d’ailleurs. Elle permet par contre de replacer le roman dans la littérature britannique et de comprendre l’évolution du regard sur la société aristocratique anglaise depuis les années 1960, ce qui est intéressant.
Mais revenons au roman, il nous décrit ce monde de la chasse avec force détails pour illustrer la brutalité, la violence des rapports sociaux et l’affrontement de 2 mondes, celui des puissants et les autres : celui des domestiques. Les descriptions sont très détaillées au départ et elles m’ont gênée dans mon immersion dans le récit, puis comme dans un tableau ou un puzzle on comprend son intérêt et l’importance de cette nature, de la description des rapports sociaux et du règne animal.
Les thèmes au cœur du récit sont l’amour, la bienséance, la place des femmes, l’éducation des enfants, avec une ombre en filigrane, celle de la guerre qui plane sur les conversations mondaines. Cette écriture descriptive et l’alternance avec des passages de dialogue m’a fait penser à un vieux film. Cela m’a rappelé La Règle du jeu, le film de Renoir, autour de la même thématique : on sent venir les problèmes, le côté dramatique mais on ne sait pas comment le mécanisme va se mettre en place et qui va en faire les frais. J’ai apprécié cette attente, cette espèce de fatalité que l’on ressent dès le début et qui m’a donné envie de poursuivre ma lecture.
Une atmosphère de fin de règne
Le style de l’auteur est assez classique, parfois un peu désuet, dans son évocation, ce tableau d’une époque disparue avec son charme suranné. On évolue dans l’aristocratie et ses répliques mouchetées et cinglantes, ces affrontements verbaux sur fond de partie de chasse. On a le couple principal que j’ai trouvé très sympathique, Sir Randolph homme lettré, véritable « gentleman farmer » qui comprend que son style de vie, ses valeurs sont en train de disparaître. Sa femme Minnie qui paraît désinvolte, frivole mais qui est réellement éprise de son mari et qui sait très bien analyser les gens.
Le personnage d’Olivia, Lady Lilburn avec son côté fleur bleue, ses hésitations à céder à la passion sont très touchantes comme le personnage du beau Lord Stephens. Les autres personnages sont plus caricaturaux je trouve. Enfin le personnage de l’enfant Osbert est aussi intéressant, avec ce point de vue enfantin sur la chasse et la violence verbale et réelle des adultes. Le passage d’un personnage à l’autre au départ est déroutant, puis je me suis habituée à ces « sauts » de personnages en personnages qui font de ce récit une grande fresque sociale. J’ai ressenti une atmosphère de fin de règne, j’ai aimé l’analyse sociologique de l’aristocratie anglaise, l’importance des codes de cette société. J’ai eu l’impression d’être replongée dans le passé, l’ancien temps, avec d’un côté les domestiques, les braconniers et de l’autre les dominants, les puissants.
D’apparence simple, le récit est plus complexe qu’il n’y paraît
Finalement le récit nous interroge sur les vieilles valeurs que sont l’honneur, le courage mais aussi la violence et la cruauté gratuite. Il questionne sur l’évolution du monde car Sir Randolph est conscient qu’il appartient au passé, que l’avenir c’est la ville, les ouvriers. J’ai aimé cette réflexion sur l’histoire, la vie mais aussi l’amour souvent présenté comme un combat. On remarque aussi l’hypocrisie des bonnes manières, le rôle que chacun doit jouer, la peur de s’élever socialement. Il y aussi des passages plus légers avec le personnage de Cornelius Cardew, un peu fou, défenseur des animaux et socialiste, ancien prof, spectateur de ce monde et de ces valeurs.
Ce récit d’apparence simple est beaucoup plus profond et complexe qu’il n’y paraît, il progresse lentement mais sûrement, il permet de nous dépayser dans cet univers bucolique et ancien. Mais les questions sur la violence de classe, la perte de repères, la place de la femme, le jeu des apparences et des convenances sont toujours d’actualité. Un moment de lecture agréable et la découverte de la belle collection vintage de Belfond, donc. Ouvrez cette Partie de chasse et immergez vous dans l’aristocratie anglaise de l’époque, cette aventure pleine de charme et de mélancolie vous permettra de vous évader quelques heures de la fureur de la société actuelle.
L'avis de Cécile
Nous sommes en 1913, en Angleterre. Sir Randolph et son épouse organisent, comme chaque année, une partie de chasse dans leur domaine de Netteleby Park. C'est le point de départ de ce roman qui va voir se croiser de nombreux personnages, aristocrates mais aussi simples domestiques, hommes, femmes, d'âges et de conditions variées, sur le temps court de deux journées. Le moyen pour le lecteur de découvrir au plus près les mœurs de l'aristocratie rurale sur le déclin à la veille de la Grande Guerre.
Ce roman bien qu'intéressant sur le fond manque cruellement de rythme sans doute du fait de l'absence de chapitres. L'auteur est très, voire trop descriptive. Que c'est long ! Presque 200 pages (sur les 318) sans que rien ne se passe que le déroulement de ces deux journées de chasse. Il n'y a pas d'intrigue, ce qui ne tient pas vraiment en haleine. Et qu'ils sont nombreux les personnages, très nombreux, un petit arbre généalogique ou un résumé des personnages en fin d'ouvrage aurait pu être utile car on s'y perd.
Enfin, chose étrange dans cette édition, une préface du célèbre Julian Fellowes (Downton Abbey) qu'il ne faut pas lire car elle dévoile l'histoire. En revanche, elle apporte des éclairages intéressants une fois le roman lu.
Merci à Nathalie et Cécile pour ces chroniques passionnantes !
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