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En 1963, l'auteur se rend en Chine, d'abord par jeu puis pour suivre des études. Il ignore tout de ce que le pays vient de traverser. Et heureusement, dit-il. Sans cela, il n'aurait pas persévéré dans cette voie. Ses entrevues avec Wen, jeune femme médecin dont il s'éprend, doivent demeurer furtives. Entretenir une relation avec un étranger ne va pas sans danger. Une seule possibilité s'offre à eux : le mariage. Or, pour cela, Wen doit obtenir l'autorisation de la direction de son hôpital, soit du responsable du Parti. Au-delà des obstacles auxquels se heurtent les deux amants, ce récit saisissant et authentique est aussi un roman d'apprentissage. L'auteur devine peu à peu une réalité sociale et politique censée rester cachée, tandis que sa compagne découvre le passé de sa propre famille.
J’ai fait plusieurs longs séjours en Chine dans les années 80 et je salue Jean-François Billeter parce qu’enfin voici un auteur courageux et honnête et qui plus est, talentueux, osant parler de ce pays tel qu’il est vraiment. Avec élégance et pudeur, il nous livre une autobiographie en mettant le projecteur sur l’Histoire de la Chine du Kuomintang à nos jours en passant bien entendu par la révolution culturelle, le régime de Mao et de l’après Mao. Le ressenti d’insécurité sécuritaire, de délations, de punitions, de rejet de l’étranger, de méfiance, de parano ambiante envahit très vite l’environnement dès que l’on est hors des clous d’un tourisme organisé. Pire est, quand on est soupçonné de dévier du Parti ou d’œuvrer à son encontre. Une rencontre à Pékin est une plongée dans l’essence même de ce pouvoir tentaculaire.
Pour ce magnifique coup de projecteur d’une rare sincérité et intensité, Billeter, de nationalité suisse, va se servir de sa propre histoire d’amour, puis faire parler sa belle-famille chinoise et enfin traverser l’Histoire. Tout au long du récit, je me disais que l’auteur, professeur de chinois, sinologue en vue, n’avait pas peur de représailles et c’est à la toute fin qu’il s’en explique. Son épouse est décédée ainsi que tous les membres de sa famille restée en Chine et quant à lui, très âgé, n’a plus à craindre ni pour sa vie ni pour sa profession.
« Nous avons été préservés, Wen et moi, mais aussi privés de beaucoup de choses, privations négligeables toutefois en comparaison de celles qu’ont endurées, comme tant d’autres, ses parents et ses frères. Ce récit, je leur devais, aux parents surtout.
Il a fallu attendre 1998 pour que le frère nous parle de l’histoire de la famille. Il lui en coûtait d’évoquer ce passé douloureux. Il a sans doute aussi dû vaincre la honte d’avoir tant subi dans une si complète impuissance. Il faut ajouter que jusqu’à ce jour les Chinois ne sont pas libres de parler de l’histoire récente et d’en tirer ouvertement les leçons, de sorte qu’elle reste non dite. La conséquence est qu’ils ne peuvent pas mettre leur expérience personnelle en rapport avec une vision partagée qui lui donne un sens et la rende transmissible. L’ignorance et l’indifférence gagnent et deviennent définitives avec le passage des générations. C’est ce que veut le régime.
J’avais encore une autre raison. (…) En la mettant par écrit, je prenais aussi une sorte de revanche. Combien de fois n’avons-nous pas dû écouter des gens qui revenaient de Chine enchantés parce qu’ils avaient été flattés et manipulés. Leur ignorance de la langue les avait immunisés contre tout contact avec la réalité. Il a fallu nous résigner à les laisser dire, car ils ne nous auraient pas compris. Nous devions en outre être prudents, car quiconque a des rapports avec le pouvoir chinois est surveillé. Nous en avions à cause de la famille de Wen, que nous voulions revoir, et pour des raisons professionnelles, en tant que professeurs de chinois.
Les historiens (…) choisissent des faits et les mettent en perspectives selon une certaine idée. C’est leur métier. Ils ne peuvent pas restituer les angoisses et les espoirs de ceux qui sont pris dans l’histoire en train de se faire. C’est cette expérience-là qui m’a marqué et dont j’ai essayé de donner une idée dans ces pages.
J’écris ceci en 2017. Wen n’est plus, son frère non plus, ni personne d’autre que je puisse interroger. »
Que de retenue ! Quelle élégance dans le propos. Car j’entends, moi, « ni personne d’autre qui puisse être interrogé, importuné… ». J’ai aussi eu affaire à des gens ravis de leur voyage en Chine et qui me renvoyaient à des souvenirs datés… Certes, la Chine est un pays magnifique à visiter.
L’écriture de Jean-François Billeter est épurée, simple, imagée, rapide, élégante et surtout sincère. Un livre érudit et généreux, fort en enseignement sans compter la tendresse et la délicatesse d’un ressenti amoureux exceptionnellement bien écrit.
L'histoire des couples mixtes n'est jamais simple. Celle de ce Français avec une Chinoise dans les années 60 à Pekin encore moins.
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