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Peu de livres de Pascal Quignard où, comme le tonnerre au fond de l'horizon, la musique d'orgues ne roule ses échos menaçants. Mais peu de livres, par cette même raison, que la musique d'orgues n'inonde ainsi régulièrement de sa lumière vive, intermittente mais vive, et où elle ne contribue, ce faisant, à jeter un jour à chaque fois plus cru sur le mystère des relations - tellement compliquées, tellement embrouillées - que l'oeuvre de Pascal Quignard entretient avec la musique en général.
Relations telles, pour tout dire, que, si la musique y est bien, comme ce livre en forme l'hypothèse, l'un des cas de l'obligation, et, selon toute vraisemblance même, de l'obligation sous sa forme la plus coercitive ; si elle peut s'entendre comme l'énoncé absolu et direct d'un " tu joueras " sans réplique, la pratique de la musique, quant à elle, son exécution si l'on préfère, s'y apparente le plus souvent à un art de l'esquive.
Je ne peux plus chanter, ma voix a mué ; je ne peux plus chanter, mon souffle défaille ; je ne peux plus chanter, j'ai le sang aux lèvres.
Chanter ni toucher d'un instrument. " Une arthrose de la paume me crispe les doigts depuis quelques années, et, voyez comme les choses s'en vont quand elles décident de nous quitter, je me suis fait voler mes deux violoncelles et mon alto. " Chute admirable, qui est un pied de nez au destin - Pascal Quignard sachant pertinemment, quand il fait cette confidence au Nouvel Observateur dans son numéro du 17 au 23 juin 2010, qu'ils reviendraient, les instruments volés, et, avec eux, le cortège d'incohérentes prescriptions, l'interminable kyrielle d'ordres et de contrordres, qui semblent leur suite nécessaire. Qu'ils reviendraient aussi sûrement, par malheur, que, dans le conte de Maupassant, reviennent à leur propriétaire les meubles qui, d'eux-mêmes, une nuit, à grand fracas, le tabouret poussant le piano, les fauteuils courant comme des lapins, avaient déserté son domicile.
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