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Tout le bruit du Guéliz

Couverture du livre « Tout le bruit du Guéliz » de Ruben Barrouk aux éditions Albin Michel
Résumé:

« Le bruit condamne l'Homme à l'oubli. Mais parfois il arrive qu'il le sauve de l'oubli. Il ne tient qu'à nous de l'entendre. »



Dans le quartier du Guéliz à Marrakech, un mystérieux bruit hante et tourmente, nuit et jour, une vieille dame. Inquiets, sa fille et son petit-fils quittent Paris... Voir plus

« Le bruit condamne l'Homme à l'oubli. Mais parfois il arrive qu'il le sauve de l'oubli. Il ne tient qu'à nous de l'entendre. »



Dans le quartier du Guéliz à Marrakech, un mystérieux bruit hante et tourmente, nuit et jour, une vieille dame. Inquiets, sa fille et son petit-fils quittent Paris pour mener l'enquête. Sur place, ils guettent, épient, espèrent, mais aucun bruit ne se fait entendre...



Tout le bruit du Guéliz ne nous livre pas une mais mille histoires : celles des exodes, des traditions, des liens qui se font et se défont, des origines perdues.



À la violence et au vacarme assourdissant de notre époque, ce premier roman aux allures de conte, à la fois tendre, drôle et bouleversant, oppose un bruit. Le bruit du Guéliz. Celui d'un temps révolu, où l'on vivait ensemble.

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Articles (1)

Avis (12)

  • Tout le bruit du Guéliz est un roman délicieux, un régal de littérature empreint d’une humanité profonde. En écrivant cela, Ruben Barrouk remet à leur place les juifs marocains qui ont été obligés de fuir leur pays dès que la guerre des Six Jours a opposé Israël aux pays arabes voisins, en juin...
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    Tout le bruit du Guéliz est un roman délicieux, un régal de littérature empreint d’une humanité profonde. En écrivant cela, Ruben Barrouk remet à leur place les juifs marocains qui ont été obligés de fuir leur pays dès que la guerre des Six Jours a opposé Israël aux pays arabes voisins, en juin 1967.
    Dans son roman, Ruben Barrouk, rencontré et écouté lors des Correspondances de Manosque 2024, m’emmène à Marrakech ; pas le Marrakech envahi de touristes, sous la chaleur. Non. Il fait gris et la pluie ne tarde pas à s’inviter à la fin du séjour qu’il fait, là-bas, chez sa grand-mère, avec sa mère.
    Pourquoi sont-ils venus de France passer quelques jours auprès de cette femme de 87 ans encore bien vaillante et active ? La cause en est ce bruit dont la grand-mère se plaint à ses quatre enfants. Charly, Michel et Sabrina laissent Annie et son fils de 24 ans, l’auteur, aller sur place tenter de trouver la source de ce bruit qui empoisonne la vie de Paulette, la grand-mère. Puisqu’il ne s’agit pas d’acouphènes, il faut chercher autre chose.
    Quand on arrive à Marrakech, impossible de ne pas parler de la Koutoubia, ce mirador dominant la ville. Dans cette ville où sa mère avait grandi, les choses ont bien changé. Elle s’est développée mais un panneau publicitaire attire l’attention :
    « Visitez les vestiges du Mellah, le vieux quartier juif de Marrakech. »

    C’est là que je repense au délicieux petit livre d’Hélène Perez Gans : Marrakech la Rouge, les Juifs de la Médina.

    La grand-mère est vêtue de sa gandoura rouge. Elle est maigre et imprévisible, très attachée aux traditions juives qu’elle est à peu près la seule à perpétuer dans la ville mais que de tendresse dans la description très soignée de cette femme qui adore le chocolat Lindt et qu’on ne manque pas de lui apporter !
    Surtout, il y a ce bruit que la grand-mère est la seule à entendre. Elle accuse même les voisins du dessus mais ils sont absents. Heureusement, cette quête d’un bruit dont l’origine n’est absolument pas évidente, se complète de quelques sorties dans Marrakech et d’une chronique familiale, intime, discrète. Shabbat, Pourim, les fêtes juives sont là aussi car la religion est très prégnante.
    Alors, voilà grand-mère, fille et petit-fils dans le Mellah, l’ancien quartier dont tous les juifs sont partis pour ne plus jamais revenir. Ils rencontrent des artisans et surtout des souvenirs mais c’est dans le cimetière juif, le Miaara que l’émotion monte d’un cran car 20 000 tombes sont là, comme ces tombes d’enfants emportés par le typhus et ne comportant aucune inscription. Un frère et une sœur de la grand-mère sont là, morts à 5 et 4 ans.
    Les mausolées impressionnent et c’est dans celui du Rav Hanania Hacohen qu’ils prient pour l’implorer de faire cesser le bruit. Quelques retrouvailles émaillent leur parcours mais quand on leur parle du grand-père, Simon, qui était tailleur, que la grand-mère s’éloigne. Pour elle, remuer les souvenirs, c’est remuer amour et haine et c’est difficile à supporter.
    Il y a aussi un long voyage en taxi dans le Maroc profond et Ruben Barrouk fait apprécier son style un peu emphatique parfois. La route d’Achbarou les mène vers l’Ourika, tous les trois, et ils vont se recueillir dans des mausolées où reposent deux saints. Il arrive même que la grand-mère rie et que son rire déclenche le fou-rire de la fille et du petit-fils…
    Le retour au Guéliz, toujours dans le taxi de Bouriel qui est Amazigh, c’est-à-dire Berbère, signe la fin du séjour à Marrakech et la grand-mère est triste de rester seule avec ce fameux bruit mais les moments intenses d’intimité et d’amour familial n’ont pas de prix.
    Dans ce roman intime et fort, Ruben Barrouk m’a fait entrer dans la vie de ces juifs qui, comme beaucoup d’autres, ont dû tout laisser sur place pour préserver leur vie. Bonne nouvelle, le 13 mars 2022, le premier vol régulier entre le Maroc et Israël a laissé l’espoir fou de voir revenir les juifs d’origine marocaine. Comme le dit si bien l’auteur, le bruit du décollage de l’avion a couvert le bruit, Tout le bruit du Guéliz.

    Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2025/01/ruben-barrouk-tout-le-bruit-du-gueliz.html

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  • J’ai aimé retrouver dans ces pages la ville de Marrakech trépidante et pleine de bruit.

    J’ai découvert la communauté juive de la ville, ou ce qu’il en reste, car elle a émigré en Israël ou aux Etats-Unis. Il en semble rester que la vieille grand-mère du narrateur, seule dans son quartier du...
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    J’ai aimé retrouver dans ces pages la ville de Marrakech trépidante et pleine de bruit.

    J’ai découvert la communauté juive de la ville, ou ce qu’il en reste, car elle a émigré en Israël ou aux Etats-Unis. Il en semble rester que la vieille grand-mère du narrateur, seule dans son quartier du Guéliz.

    J’ai aimé découvrir, au rythme du narrateur, les coutumes et les pèlerinages dans d’anciens cimetières qui commencent à tomber dans l’oubli.

    J’ai souri lorsque me narrateur évoque le seul livre qui regroupe tout le savoir d’une famille : Le Livre de la cuisine juive marocaine. Et les personnages mangent beaucoup, la grand-mère cuisinant même pour les disparus.

    Le récit se déroule par temps gris et froid, ce qui crée une atmosphère étrange dans cette ville.

    J’ai aimé la grand-mère au mouchoir froissé qu’elle ne cesse de triturer, toujours inquiète, toujours quelque chose à faire.

    J’ai découvert le palais dans le désert du saint Rav Raphaël Hacohen où les 3 personnages se rendent en pèlerinage.

    J’ai aimé que la grand-mère appelle son petit-fils mchikpara : littéralement « je te donne ma vie ». ET j’ai aimé qu’à la fin du roman, ce soit le petit-fils qui prenne la peine de la grand-mère.

    Un bémol : le style avec parfois trop d’adjectifs ampoulés, désuets ou inutiles, trop de virgules qui cassent le rythme.

    Une citation :

    Car les juifs sont des gens qui ne savent pas où aller. Et c’est à ça qu’on les reconnaît. Depuis que l’enfant sait le nommer, le juif est perdu. Il cherche quelque chose. Il va quelque part. Il fouille le monde. (p.108)

    L’image que je retiendrai :

    Celle de la grand-mère qui se déguise comme les enfants pour Pourim en Reine Esther.

    https://www.alexmotamots.fr/tout-le-bruit-du-gueliz-ruben-barrouk/

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  • Un beau titre, un début plutôt chouette mais je n'ai finalement pas accroché à cette famille qui retourne au Maroc pour comprendre quel bruit perturbe tant la grand-mère. A priori ce serait le bruit des absents, une métaphore un tantinet longue pour moi. Une belle écriture cependant, juste pas...
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    Un beau titre, un début plutôt chouette mais je n'ai finalement pas accroché à cette famille qui retourne au Maroc pour comprendre quel bruit perturbe tant la grand-mère. A priori ce serait le bruit des absents, une métaphore un tantinet longue pour moi. Une belle écriture cependant, juste pas le moment pour moi mais un roman qui peut plaire à ceux qui aiment les histoires de famille...

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  • Il est à Marrakech un quartier, le Guéliz, dans le Mellah, la vieille ville. Un quartier qui a connu un grand exode de sa communauté juive après la guerre des 6 jours en 1967 et de la guerre de Kipour en 1973. Il reste peu de monde dans ce quartier, une dame âgée qui souffre d'un bruit qu'elle...
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    Il est à Marrakech un quartier, le Guéliz, dans le Mellah, la vieille ville. Un quartier qui a connu un grand exode de sa communauté juive après la guerre des 6 jours en 1967 et de la guerre de Kipour en 1973. Il reste peu de monde dans ce quartier, une dame âgée qui souffre d'un bruit qu'elle entend perpétuellement, qui l'empêche de dormir.

    Intrigués et inquiets, sa fille et son petit-fils vont faire le voyage de Paris jusqu'à elle. Ensemble il vont chercher ce bruit, qu'elle seule entend. Le bruit des ombres du passé, celui de la mémoire, de l'oubli.

    Ensemble ils vont péleriner à travers le Mellah, aller au cimetière des oubliés, vers la vallée de l'Ourika. Son petit-fils ne parle pas l'arabe, il va découvrir les traditions et rituels de sa grand-mère, les fleurs d'oranger pour le thé, les oreilles géantes confectionnées pour la fête du Pourim, les couverts des morts que sa grand-mère dresse pour le repas de Shabbat, l'encens pour exorciser le bruit qu'elle seule entend.

    Serait-ce celui de l'absence, de la mémoire par peur de l'oubli ?

    Un premier roman touchant, rempli de tendresse, un bel hommage à sa grand-mère, à la recherche de ses racines, du passé.

    Un portrait tendre et affectueux, une écriture touchante, poétique, ciselée.

    Ma note : 9.5/10

    Les jolies phrases



    Comme le départ, la souffrance est inacceptable pour celle qui prend le mal, mais n'a jamais appris à accueillir le sien.

    Il n'y avait pour elle de chose plus importante, de devoir intime et valable que ce grand pélerinage. C'était pour elle d'autant plus vrai que son fils était là, pour voir et comprendre, et récolter le précieux legs de ces lieux de mémoire, de ces traditions centenaires, avant qu'elles ne s'effacent, ensevelies par les mains de l'oubli.

    Un bruit qui bourdonne dans ses oreilles et crie à son coeur de céder. D'arrêter. A son tour, de tout abandonner. de partir. Mais elle ne part pas.

    Le bruit condamne l’homme à l’oubli. Mais parfois il arrive qu’il le sauve de l’oubli. Il ne tient qu’à nous de l’entendre.

    Le vide ne peut plus exister. Le silence non plus, d'égale considération. Tout doit être. Être là.

    Ma grand-mère garde tout près d'elle. En un bruit. Si le bruit devait dire quelque chose, il dirait : C'est la fin. Puisque tu m'entends, tout disparait maintenant.

    Je compris alors, en le voyant, pourquoi les choses s'étaient passées ainsi avec les enfants du Mellah. C'étaient des juifs comme cet homme qu'ils avaient l'habitude d'accueillir et de guider dans les ruelles du vieux quartier. des étrangers qui, par ici, cherchaient leur chemin. Car les juifs sont des gens qui ne savent pas où aller. Et c'est à ça qu'on les reconnaît.

    https://nathavh49.blogspot.com/2024/10/tout-le-bruit-du-gueliz-ruben-barrouk.html

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  • Nous sommes en 2022, le narrateur et sa mère retournent à Marrakech pour élucider le bruit qui perturbe la vie de la grand-mère.
    Ce bruit qui n’existe que dans la tête de la vieille dame n’est qu’un prétexte pour Ruben Barrouk. À travers le portrait et les souvenirs de cette grand-mère c’est...
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    Nous sommes en 2022, le narrateur et sa mère retournent à Marrakech pour élucider le bruit qui perturbe la vie de la grand-mère.
    Ce bruit qui n’existe que dans la tête de la vieille dame n’est qu’un prétexte pour Ruben Barrouk. À travers le portrait et les souvenirs de cette grand-mère c’est l’histoire des juifs du Maroc qu’il nous raconte, l’histoire d’un exode.
    Une grande fresque du passé qu’il recompose peu à peu. Il fait revivre le Mellah le quartier juif de Marrakech et ses habitants. Avec un grand talent descriptif, il nous immerge dans les couleurs,les odeurs, les plats, les traditions, les fêtes,les pèlerinages.
    Un premier roman émouvant rempli de tendresse et de nostalgie.

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  • Le premier roman de l'auteur, une véritable réussite. Une histoire de résilience ,une histoire de quête de ses origines, de l'exode, et d'amour. Grâce à ses mots, l'auteur met en évidence et nous prouve que la cohabitation entre musulmans et juifs marocains peuvent vivre en paix, une existence...
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    Le premier roman de l'auteur, une véritable réussite. Une histoire de résilience ,une histoire de quête de ses origines, de l'exode, et d'amour. Grâce à ses mots, l'auteur met en évidence et nous prouve que la cohabitation entre musulmans et juifs marocains peuvent vivre en paix, une existence fusionnelle de paix, loin des conflits de notre actualité,
    L'auteur use d'une plume poétique, sensible, subtile Il m’a envoûté avec une grande dextérité dans cette histoire touchante, émouvante. Une histoire qui mélange fiction et réalité, à nous de trouver notre place,
    Un coup de cœur

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  • Elle est la seule de sa famille à être restée vivre à Marrakech. Tous ont quitté le Maroc, elle n’a jamais pu s’y résoudre. Depuis, c’est elle qui se rend à Paris pour rencontrer la famille une fois par an. Mais aujourd’hui sa fille et son petit fils viennent la retrouver pour tenter de...
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    Elle est la seule de sa famille à être restée vivre à Marrakech. Tous ont quitté le Maroc, elle n’a jamais pu s’y résoudre. Depuis, c’est elle qui se rend à Paris pour rencontrer la famille une fois par an. Mais aujourd’hui sa fille et son petit fils viennent la retrouver pour tenter de l’aider.
    Tous se demandent quel est ce bruit inquiétant et obsédant qu’elle entend chez elle, dans le quartier du Guéliz, et comment le faire cesser avant qu’elle ne sombre dans une forme de folie.
    Elle est la dernière femme juive à être restée dans le quartier. Gardienne des traditions, des morts et des saints vénérés par tous, elle est le pilier de ces familles qui ont aujourd’hui disparu du Maroc, mais qui y ont laissé tant de leur passé.

    Le petit-fils est le narrateur de ces retrouvailles avec le passé et les pratiques religieuses. Avec le quartier du Mellah dans lequel vivaient les familles juives de Marrakech.
    Sa mère profite de ce séjour pour aller honorer les lieux saints du haut Atlas, le quartier des morts, le souvenir de ceux qui ne sont plus.

    Le thème est intéressant et la relation entre cette vieille femme et ses enfants, mais aussi avec son passé et ses morts attachante et émouvante, mais le style parfois un peu trop classique, pas assez léger.

    J’ai aimé ce voyage aux racines de la famille, dans les pas de cette grand-mère, irréductible gardienne du souvenir des défunts.
    J’ai aimé parcourir les ruelles de la ville, entendre les mots des défunts, sentir la force de leur présence et l’importance du souvenir.
    J’ai aimé sentir les odeurs, voir les couleurs, imaginer les humains qui se meuvent dans ces ruelles, ces cours ou ces jardins, dans le quartier en partie restauré mais qui n’abrite pourtant plus aucun juif.
    J’ai aimé cette grand-mère qui entend le bruit de ceux qui l’ont quittée. Ce bruit qui la garde dans le temps présent, mais déjà en relation avec les disparus. Ce bruit comme un lien entre hier et aujourd’hui, et qu’elle seule peut et sait entendre. Gardienne de cet héritage immatériel.

    https://domiclire.wordpress.com/2024/09/25/tout-le-bruit-du-gueliz-ruben-barrouk/

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  • Après les conflits israélo-arabes au tournant des années 1970 – guerre des Six Jours en 1967, guerre du Kippour en 1973 – et, consécutivement, l’exode de la plupart des communautés juives installées dans les pays arabo-musulmans, le très vivant Mellah de Marrakech, le deuxième plus ancien...
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    Après les conflits israélo-arabes au tournant des années 1970 – guerre des Six Jours en 1967, guerre du Kippour en 1973 – et, consécutivement, l’exode de la plupart des communautés juives installées dans les pays arabo-musulmans, le très vivant Mellah de Marrakech, le deuxième plus ancien quartier juif au Maroc, a vu sa population juive tomber de plus de quarante mille personnes à seulement deux cents. L’une de ces dernières habitantes est Paulette, la grand-mère de Ruben Barrouk qui, avec toute sa tendresse pour la vieille femme demeurée seule parmi les ombres du passé, en fait la touchante héroïne d‘un premier roman déchirant.

    Afin d’en avoir le coeur net sur ce bruit qui la persécute nuit et jour sans qu’elle parvienne à en détecter l’origine, sa fille et son petit-fils français sont venus passer quelques jours chez elle, à Guéliz, l’arrondissement de Marrakech où elle réside désormais. Mais, rien n’y fait, pas plus eux que qui que ce soit d’autre ne s’avèrent capables de percevoir ce bruit, qu’en désespoir de cause, elle se retrouve à tenter d’exorciser à grands coups de vapeur d’encens.

    Pour celui qu’elle appelle affectueusement « mchikpara » – « je prends ton mal » –, son petit-fils et le narrateur qui ne parle pas arabe et qui observe ses rituels dans un étonnement tendre, ombré de tristesse – elle cueille des fleurs d’oranger pour parfumer le thé, célèbre seule Pourim en se déguisant joyeusement, ajoute des couverts pour les morts à la table du shabbat, enfin, souvent murée dans des non-dits outragés quant au passé, elle vit entourée des reliques d’un autrefois depuis si longtemps figé qu’il paraît « impossible de les rendre à la vie, maintenant tout [est] froid » –, pour son petit-fils donc, il apparaît très vite que le bruit qui emplit la tête de la vieille dame est en réalité celui d’une mémoire qui, maintenant que tout le monde est parti, n’existe plus guère que pour elle-même, dans la nostalgie profonde d’une vie communautaire relayée par la solitude. Paulette est un brin d’herbe oublié dans un jardin devenu désert, et qui, pourtant, croit toujours entendre le chant des oiseaux…

    Construit autour de ce bruit fort joliment métaphorique, le roman est d’abord un portrait magnifique, respirant la tendresse et l’affection de l’auteur pour une grand-mère à la fois forte et fragile, la seule à n’avoir pu tourner la page de sa vie comme les siens partis en exode, et flottant depuis dans une douloureuse dissociation entre son monde intérieur, aux horloges arrêtées depuis plus d’un demi-siècle, et une réalité qui lui a volé sa place et son identité. L’on peut donc se retrouver déraciné sans quitter sa terre. Et tomber dès la fleur de l’âge dans ces limbes de solitude et d’oubli qui ne vous saisissent normalement qu’à l’heure de la vieillesse, lorsque la mort, ayant emporté vos semblables, vous laisse seul dans un monde qui n’est plus le vôtre. Et puis, bien sûr, saisis en transparence de ce destin particulier, se profilent discrètement quelques traits de l’Histoire des Juifs chassés du monde arabe, un sujet dont les douleurs souvent occultées n’en finissent pas, entre autres, de retentir sur un présent israélo-arabe devenu inextricable.

    Ruben Barrouk signe un premier roman très réussi, portrait tendre et touchant d’une grand-mère d’autant plus obstinée à ignorer ses fractures intimes, que l’Histoire israélo-arabe n’en finit pas d’empiler les drames, aux conséquences depuis longtemps hors de contrôle.

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