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Tout le bruit du Guéliz est un roman délicieux, un régal de littérature empreint d’une humanité profonde. En écrivant cela, Ruben Barrouk remet à leur place les juifs marocains qui ont été obligés de fuir leur pays dès que la guerre des Six Jours a opposé Israël aux pays arabes voisins, en juin 1967.
Dans son roman, Ruben Barrouk, rencontré et écouté lors des Correspondances de Manosque 2024, m’emmène à Marrakech ; pas le Marrakech envahi de touristes, sous la chaleur. Non. Il fait gris et la pluie ne tarde pas à s’inviter à la fin du séjour qu’il fait, là-bas, chez sa grand-mère, avec sa mère.
Pourquoi sont-ils venus de France passer quelques jours auprès de cette femme de 87 ans encore bien vaillante et active ? La cause en est ce bruit dont la grand-mère se plaint à ses quatre enfants. Charly, Michel et Sabrina laissent Annie et son fils de 24 ans, l’auteur, aller sur place tenter de trouver la source de ce bruit qui empoisonne la vie de Paulette, la grand-mère. Puisqu’il ne s’agit pas d’acouphènes, il faut chercher autre chose.
Quand on arrive à Marrakech, impossible de ne pas parler de la Koutoubia, ce mirador dominant la ville. Dans cette ville où sa mère avait grandi, les choses ont bien changé. Elle s’est développée mais un panneau publicitaire attire l’attention :
« Visitez les vestiges du Mellah, le vieux quartier juif de Marrakech. »
C’est là que je repense au délicieux petit livre d’Hélène Perez Gans : Marrakech la Rouge, les Juifs de la Médina.
La grand-mère est vêtue de sa gandoura rouge. Elle est maigre et imprévisible, très attachée aux traditions juives qu’elle est à peu près la seule à perpétuer dans la ville mais que de tendresse dans la description très soignée de cette femme qui adore le chocolat Lindt et qu’on ne manque pas de lui apporter !
Surtout, il y a ce bruit que la grand-mère est la seule à entendre. Elle accuse même les voisins du dessus mais ils sont absents. Heureusement, cette quête d’un bruit dont l’origine n’est absolument pas évidente, se complète de quelques sorties dans Marrakech et d’une chronique familiale, intime, discrète. Shabbat, Pourim, les fêtes juives sont là aussi car la religion est très prégnante.
Alors, voilà grand-mère, fille et petit-fils dans le Mellah, l’ancien quartier dont tous les juifs sont partis pour ne plus jamais revenir. Ils rencontrent des artisans et surtout des souvenirs mais c’est dans le cimetière juif, le Miaara que l’émotion monte d’un cran car 20 000 tombes sont là, comme ces tombes d’enfants emportés par le typhus et ne comportant aucune inscription. Un frère et une sœur de la grand-mère sont là, morts à 5 et 4 ans.
Les mausolées impressionnent et c’est dans celui du Rav Hanania Hacohen qu’ils prient pour l’implorer de faire cesser le bruit. Quelques retrouvailles émaillent leur parcours mais quand on leur parle du grand-père, Simon, qui était tailleur, que la grand-mère s’éloigne. Pour elle, remuer les souvenirs, c’est remuer amour et haine et c’est difficile à supporter.
Il y a aussi un long voyage en taxi dans le Maroc profond et Ruben Barrouk fait apprécier son style un peu emphatique parfois. La route d’Achbarou les mène vers l’Ourika, tous les trois, et ils vont se recueillir dans des mausolées où reposent deux saints. Il arrive même que la grand-mère rie et que son rire déclenche le fou-rire de la fille et du petit-fils…
Le retour au Guéliz, toujours dans le taxi de Bouriel qui est Amazigh, c’est-à-dire Berbère, signe la fin du séjour à Marrakech et la grand-mère est triste de rester seule avec ce fameux bruit mais les moments intenses d’intimité et d’amour familial n’ont pas de prix.
Dans ce roman intime et fort, Ruben Barrouk m’a fait entrer dans la vie de ces juifs qui, comme beaucoup d’autres, ont dû tout laisser sur place pour préserver leur vie. Bonne nouvelle, le 13 mars 2022, le premier vol régulier entre le Maroc et Israël a laissé l’espoir fou de voir revenir les juifs d’origine marocaine. Comme le dit si bien l’auteur, le bruit du décollage de l’avion a couvert le bruit, Tout le bruit du Guéliz.
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2025/01/ruben-barrouk-tout-le-bruit-du-gueliz.html
J’ai aimé retrouver dans ces pages la ville de Marrakech trépidante et pleine de bruit.
J’ai découvert la communauté juive de la ville, ou ce qu’il en reste, car elle a émigré en Israël ou aux Etats-Unis. Il en semble rester que la vieille grand-mère du narrateur, seule dans son quartier du Guéliz.
J’ai aimé découvrir, au rythme du narrateur, les coutumes et les pèlerinages dans d’anciens cimetières qui commencent à tomber dans l’oubli.
J’ai souri lorsque me narrateur évoque le seul livre qui regroupe tout le savoir d’une famille : Le Livre de la cuisine juive marocaine. Et les personnages mangent beaucoup, la grand-mère cuisinant même pour les disparus.
Le récit se déroule par temps gris et froid, ce qui crée une atmosphère étrange dans cette ville.
J’ai aimé la grand-mère au mouchoir froissé qu’elle ne cesse de triturer, toujours inquiète, toujours quelque chose à faire.
J’ai découvert le palais dans le désert du saint Rav Raphaël Hacohen où les 3 personnages se rendent en pèlerinage.
J’ai aimé que la grand-mère appelle son petit-fils mchikpara : littéralement « je te donne ma vie ». ET j’ai aimé qu’à la fin du roman, ce soit le petit-fils qui prenne la peine de la grand-mère.
Un bémol : le style avec parfois trop d’adjectifs ampoulés, désuets ou inutiles, trop de virgules qui cassent le rythme.
Une citation :
Car les juifs sont des gens qui ne savent pas où aller. Et c’est à ça qu’on les reconnaît. Depuis que l’enfant sait le nommer, le juif est perdu. Il cherche quelque chose. Il va quelque part. Il fouille le monde. (p.108)
L’image que je retiendrai :
Celle de la grand-mère qui se déguise comme les enfants pour Pourim en Reine Esther.
https://www.alexmotamots.fr/tout-le-bruit-du-gueliz-ruben-barrouk/
Un beau titre, un début plutôt chouette mais je n'ai finalement pas accroché à cette famille qui retourne au Maroc pour comprendre quel bruit perturbe tant la grand-mère. A priori ce serait le bruit des absents, une métaphore un tantinet longue pour moi. Une belle écriture cependant, juste pas le moment pour moi mais un roman qui peut plaire à ceux qui aiment les histoires de famille...
Il est à Marrakech un quartier, le Guéliz, dans le Mellah, la vieille ville. Un quartier qui a connu un grand exode de sa communauté juive après la guerre des 6 jours en 1967 et de la guerre de Kipour en 1973. Il reste peu de monde dans ce quartier, une dame âgée qui souffre d'un bruit qu'elle entend perpétuellement, qui l'empêche de dormir.
Intrigués et inquiets, sa fille et son petit-fils vont faire le voyage de Paris jusqu'à elle. Ensemble il vont chercher ce bruit, qu'elle seule entend. Le bruit des ombres du passé, celui de la mémoire, de l'oubli.
Ensemble ils vont péleriner à travers le Mellah, aller au cimetière des oubliés, vers la vallée de l'Ourika. Son petit-fils ne parle pas l'arabe, il va découvrir les traditions et rituels de sa grand-mère, les fleurs d'oranger pour le thé, les oreilles géantes confectionnées pour la fête du Pourim, les couverts des morts que sa grand-mère dresse pour le repas de Shabbat, l'encens pour exorciser le bruit qu'elle seule entend.
Serait-ce celui de l'absence, de la mémoire par peur de l'oubli ?
Un premier roman touchant, rempli de tendresse, un bel hommage à sa grand-mère, à la recherche de ses racines, du passé.
Un portrait tendre et affectueux, une écriture touchante, poétique, ciselée.
Ma note : 9.5/10
Les jolies phrases
Comme le départ, la souffrance est inacceptable pour celle qui prend le mal, mais n'a jamais appris à accueillir le sien.
Il n'y avait pour elle de chose plus importante, de devoir intime et valable que ce grand pélerinage. C'était pour elle d'autant plus vrai que son fils était là, pour voir et comprendre, et récolter le précieux legs de ces lieux de mémoire, de ces traditions centenaires, avant qu'elles ne s'effacent, ensevelies par les mains de l'oubli.
Un bruit qui bourdonne dans ses oreilles et crie à son coeur de céder. D'arrêter. A son tour, de tout abandonner. de partir. Mais elle ne part pas.
Le bruit condamne l’homme à l’oubli. Mais parfois il arrive qu’il le sauve de l’oubli. Il ne tient qu’à nous de l’entendre.
Le vide ne peut plus exister. Le silence non plus, d'égale considération. Tout doit être. Être là.
Ma grand-mère garde tout près d'elle. En un bruit. Si le bruit devait dire quelque chose, il dirait : C'est la fin. Puisque tu m'entends, tout disparait maintenant.
Je compris alors, en le voyant, pourquoi les choses s'étaient passées ainsi avec les enfants du Mellah. C'étaient des juifs comme cet homme qu'ils avaient l'habitude d'accueillir et de guider dans les ruelles du vieux quartier. des étrangers qui, par ici, cherchaient leur chemin. Car les juifs sont des gens qui ne savent pas où aller. Et c'est à ça qu'on les reconnaît.
https://nathavh49.blogspot.com/2024/10/tout-le-bruit-du-gueliz-ruben-barrouk.html
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