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La petite Z?eljka habite le comitat du Medimurje, au nord de la Croatie en guerre. Elle voudrait bien de´fendre son pays contre les Serbes, mais selon le mai^tre d'e´cole, ce n'est pas pour les femmes. Et comme le docteur dit qu'elle a un de´faut dans la te^te, elle doit faire de longs se´jours a` l'ho^pital. Alors elle e´crit des poe`mes.
A` la maison c'est complique´. Une fois, un homme est entre´ chez eux et a voulu e´gorger son pe`re. La guerre, c'est un peu comme si on obligeait tout le monde a` changer. On dirait que seuls les enfants tiennent les promesses d'amitie´.
Entre nai¨vete´ et humour noir, Z?eljka Horvat C?ec? revient sur sa vie de petite fille malade durant la guerre de Croatie (1991-1995). Les joies de l'enfance y brillent d'une re´jouissante insolence.
À hauteur d’enfant, une plongée en apnée au nord de la Croatie.
La guerre est là. Medimurje lève le voile sur une région qui se fissure immanquablement. L’indépendance se fraie un chemin dans l’impalpable encore.
Les blessures sont des volets qui claquent par grand vent.
L’autre, le serbe est colorié de noir. Željka conte, pétillante et si petite encore.
Sept ans, l’âge de raison, et un regard d’aigle qui perce le flou, les ombres et les habitus.
« Le maître est très content de Jokà. C’est lui qui a dessiné le plus beau drapeau, quand on lui a appris la poésie « Trois couleurs ». « Pour quelles trois couleurs vit et meurt mon jeune cœur ? Le rouge, le blanc, et le bleu. »
Elle préfère le foot à la danse. Elle observe la vie et joue à la marelle entre ciel et terre, les paroles comme des sauts dans les cases. Qu’importe les genoux écorchés. Elle s’habille avec les vêtements des autres. La pauvreté visible, la dignité d’une famille qui a appris l’économie par le sourire et tout alors coule de source. À mille mille du consumérisme.
Elle n’est pas baptisée. Pas encore, peut-être. Marginale et mature, petit soldat qui voudrait sa patrie « croate se défend par le fusil, la foi, le travail, le verbe, le livre, et la plume. » « Et ils sont tous baptisés, sauf moi et Haris. Mais Haris ce n’est pas important, qu’ils disent de toute façon, il est musulman. »
Elle pressent les différences. Futée et intuitive, ses réflexions sont sensées, contrariées par l’insolence des a priori. Des disparités et de religions et d’ethnies, des frontières mentales. Elle est fragile et malade, fait de longs séjours à l’hôpital.
« Le docteur dit qu’elle a un défaut dans la tête. »
Et pourtant, elle anime la vie des siens, quête des réponses à ses questionnements. Apprend à vivre entre les gouttes et les non-dits d’un peuple qui se méfie des courants d’air. Elle veut se faire baptiser, veut être astronaute quand Ivana veut être femme de ménage.
Les fragments sont magnifiquement révélateurs. « Des scènes villageoises sans cochon » dans une contemporanéité si proche de nous, 1991, hier et maintenant. La tasse de lait est encore brûlante. Seuls, les souvenirs sont refoulés. Ce texte sonne au présent. Željka est une enfant grandissante au fil des pages, centimètre par centimètre.
« Tata Durda a laissé ses enfants chez nous pour qu’on joue. Moi et mes cousins, on s’amuse toujours super bien. C’est juste dommage qu’ils ne puissent pas venir souvent. Des fois, tata Durda les fait passer en contrebande, c’est comme ça que dit maman. Maman dit que c’est terrible qu’elle doive faire passer ses enfants en contrebande comme du salami de Hongrie. Et elle les emmène chez sa sœur, pas chez des inconnus ou chez les Tziganes. »
On pénètre la Croatie par la porte secrète. Entre les poèmes, les articles de presse, les dessins de cette fillette et les notes en bas de page qui annoncent une deuxième lecture, c’est le macrocosme d’une littérature incomparable. Comme une chance de comprendre combien ces scènes villageoises sont l’idiosyncrasie d’un peuple écorché vif. La géopolitique, les sciences-humaines et les sociologies actent ce livre en renom et en outil de savoir.
Željka rassemble l’épars. « Le village où nous vivons n’a pas de vraie guerre, il n’a pas été à la télé ou dans les journaux. Il n’y a pas eu de morts dans la rue, dans la rivière ou dans les champs. On n’a pas dû enterrer nos proches tués par des grenades comme les gens à la télé. Mais j’ai quand même rêvé du sang qui coulait le long du cou et d’elle qui pleurait. »
« Une fois, il m’a dit « t’es la petite des cocos. » et j’ai fait mine que je n’avais pas entendu. »
« Personne ne traite plus nos Tziganes de Tziganes. On les appelle par leur prénom. Ils vont rester ici pour toujours. »
Ce livre est un témoignage universel. Cette petite narratrice qui porte le même prénom que Željka Horvat Cec est un feu follet. Une enfant stupéfiante qui confronte les malfaçons humaines. Elle est douée de compassion et de libre arbitre. Elle reformule l’Histoire d’une Croatie blessée dans sa chair. Elle parle une seule langue, celle d’une petite fille magistrale et pétillante.
« J’ai et en même temps je n’ai pas d’oncle et de sœur. Je suis née trop tard. »
Traduit à la perfection par Chloé Billon. Publié par les majeures Éditions La Peuplade.
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